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La technique du commentaire de texte

Publié le 08/02/2011

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A l'examen, en séries générales, l'exercice du commentaire de texte se présente sous la forme suivante : un texte court (entre 15 et 20 lignes) d'un auteur choisi dans la liste du programme précédé de cette consigne : \"Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée\". Souvenez-vous que le commentaire de texte est avant tout une dissertation (nombre de remarques faites surla méthode de la dissertation restent ici pleinement valables). La seule différence est qu'il s'agit ici de penserave c un auteur. Comme pour une dissertation, il s'agit de poser un problème et de le traiter mais ici on le fera en analysant le texte c'est à dire qu'il s'agit de le comprendre, de saisir sa structure ainsi que ses enjeux. Certains élèves se rassurent en se disant qu'au moins ici ils ne partent pas de rien, qu'au moins ici ils sont certains \"d'avoir quelque chose à dire\". Méfiance ! Contrairement aux idées reçues, le commentaire composé n'est nullement un exercice plus facile que celui de la dissertation. Comme lui il nécessite apprentissage et entraînement. Travail préliminaire : lire un texte c'est à dire le comprendre 1) Lire le texte. Le commentaire de texte est d'abord un exercice de lecture et il ne s'agit pas d'une plaisanterie que de dire qu'il s'agit simplement d'apprendre à lire parce que lire un texte, ce n'est pas simplement en déchiffrer les mots mais en comprendre précisément le sens. Avant même d'écrire quoi que ce soit sur votre brouillon, il vous faudra donc lire attentivement deux ou trois fois l'extrait. Vous en profiterez pour souligner les mots logiques (\"car\", \"donc\", \"quoique\", \"mais\" etc.) qui aideront à dégager la structure du texte, pour encadrer les notions philosophiques importantes, pour repérer les énoncés fondamentaux. Ce premier travail consiste às'a p p ro p r ier le texte, à se mouler dans la pensée de l'auteur. 2) L'approche globale du texte. Il s'agit de répondre, au brouillon, aux questions suivantes : • Quel est le thème du texte ? De quoi ça parle ? • Quel est l'objectif du texte? Que veut faire l'auteur ? Schématiquement, on peut repérer quatre types de texte : 1. Ceux qui conduisent le lecteur à réviser une opinion, voire à y renoncer complètement. 2. Ceux qui cherchent à réfuter une thèse philosophique en montrant, soit quelle repose sur de faux principes, soit qu'elle se contredit, soit encore qu'elle ne rend pas compte de certains faits. 3. Ceux qui cherchent à établir qu'une définition est nécessaire. 4. Ceux qui cherchent à résoudre une question (explicite ou implicite) A vrai dire, derrière tout texte se cache une question qu'il vous faut repérer. Quelle est donc la question à laquelle le texte tente de répondre ? • Quelle réponse l'auteur donne-t-il à la question qu'il se pose ? Cela revient à se demander quelle est lathèse du texte c'est à dire l'idée principale défendue par l'auteur. Attention, il est fréquent que cette idée se situe à la fin de l'extrait ! • N'existe-t-il pas une thèse opposée à celle de l'auteur (présente ou non dans le texte), qu'elle soit une simple opinion ou qu'elle ait été défendue par d'autres philosophes ? • Enfin quelle est la structure logique du texte ? Il convient de la repérer avec précision. Les mots logiques, soulignés lors des premières lectures doivent vous aider mais souvenez-vous qu'ils ne suffisent pas toujours. Il est d'autres moyens rhétoriques que de marquer une opposition par \"mais\" ou une conséquence par \"donc\". On s'intéressera aux procédés logiques de raisonnement et d'argumentation. Par exemple il faudra repérer un syllogisme, une relation de conséquence, une explicitation, une illustration par un exemple etc. 3) L'analyse linéaire du texte. On s'intéressera ensuite au détail du texte. Rappelez-vous qu'il est impératif de tout expliquer. Le correcteur à l'examen ne vous accordera pas le bénéfice du doute et considèrera que ce qui n'est pas expliqué n'a pas été compris. Pour ne rien oublier, il faut, à propos de chaque phrase du texte, se poser, en y répondant au brouillon, les quatre questions suivantes : • Qu'est-ce que cela veut dire ? Définissez les notions et expressions clefs. Soyez attentifs à tous les mots : un simple adverbe peut complètement modifier le sens d'une phrase. • Pourquoi l'auteur dit-il cela ? Qu'est ce qui le justifie ? La réponse peut être dans le texte mais, si elle n'y est pas, c'est à vous de trouver les arguments. • N'y a-t-il pas des présupposés à cette phrase, des arrière-pensées, une thèse déjà présente chez un auteur antérieur qui est ici reprise ou, au contraire, combattue. C'est ici que votre cours peut être utile. Si la connaissance de l'auteur du texte n'est, par principe, pas requise à l'examen, ce n'est pas pour autant que vos connaissances philosophiques ne doivent pas servir du tout. • Enfin (mais enfin seulement !) l'auteur a-t-il raison ? Ce qu'il dit n'est-il pas contestable ? Nous reviendrons plus loin sur le problème de la critique du texte. On n'oubliera pas d'analyser les éventuels exemples présents dans le texte. Expliquer un exemple, c'est d'abord repérer quelle idée il illustre, ensuite montrer en quoi il est pertinent et éventuellement repérer les limites de cette pertinence. On s'efforcera soi-même de trouver des exemples pour illustrer le propos de l'auteur. Si l'exemple n'est jamais une preuve, il montre une compréhension du texte lorsqu'il est judicieusement choisi. Pour cette raison, les exemples sont indispensables dans un commentaire de texte. Les remarques concernant le style de l'auteur sont, la plupart du temps inutiles, sauf si elles concernent la structure du texte. Il faut se souvenir que, dans la majorité des cas, vous avez affaire à une traduction et qu'alors même que vous croyez commenter le style d'un Platon, d'un Kant ou d'un Hegel vous commentez en réalité le style de leur traducteur. Ce qui importe est le fond. On notera que ce travail de compréhension du texte dans ses détails est une explicationlinéaire du texte puisqu'il s'agit d'expliquer les phrases les unes après les autres. Cela n'exclut pas bien sûr une mise en rapport de ces phrases entre elles pour bien cerner la progression de la pensée ou pour repérer la reprise d'un même thème en divers endroits. Cependant, on ne vous demande justement pas une analyse linéaire mais bien un commentaire composé, une étude ordonnée. Il reste donc à organiser le commentaire. Organiser son commentaire Comme pour toute dissertation, il convient de faire un plan. Il se présente ici deux possibilités • Si le texte proposé suit un plan précis avec des moments bien articulés et équilibrés, vous vous contenterez de le suivre. Chacun des moments de votre devoir correspondra à un moment du texte. L'avantage de cette méthode est qu'il permet de bien montrer le mouvement de la pensée de l'auteur. Néanmoins, il faut se souvenir que vous avez affaire à un extrait et que rien ne prouve que vous tomberez sur ce cas favorable à l'examen. • Si la structure logique du texte est plus complexe, vous repérerez deux, trois ou quatre thèmes fondamentaux qui feront l'objet de chacune de vos parties. Veillez à les choisir de telle sorte que la totalité du texte puisse être expliquée. Il faudra alors trouver un ordre logique pour que votre dissertation ait un fil conducteur. Rien ne vous empêche, par exemple, de commencer par la fin du texte. Rien ne vous empêche non plus de traiter dans une même partie la première et la dernière phrase du texte si toutes deux énoncent une idée analogue. Pour le reste l'organisation du développement suit strictement les mêmes règles que celles d'une dissertation : pensez aux transitions, introduisez et concluez chacune de vos parties. Rappelons qu'un développement se rédige directement sur la copie et qu'on se contente, au brouillon, d'élaborer un plan détaillé. Le style du commentaire de texte doit être particulièrement clair, précis, rigoureux. Évitez les phrases interminables et veillez à la propriété des termes. N'oubliez pas de mettre en lumière les éléments essentiels. Il s'agit d'expliquer un texte et non de l'embrouiller. Soyez clair ! Soyez simple mais non simpliste ! Comme pour la dissertation, on rédigera l'introduction et la conclusion au brouillon. L'introduction doit poser un problème : le problème auquel le texte tente de répondre. Il est donc inutile (et même nuisible) de commencer par une biographie de l'auteur. Il est pire encore de commencer par un résumé de la philosophie de l'auteur. Le faire serait réduire toute une pensée à trois ou quatre lignes, ce qui conduit au contresens et ne peut être, en tout état de cause, que hautement simplificateur. Surtout cela dénote une incompréhension de l'exercice du commentaire composé : il ne s'agit nullement de partir des idées d'un philosophe en essayant de voir en quoi un texte les illustre mais, au contraire de partir du texte, de voir, à sa lumière, ce que l'auteur défend. C'est du texte et du texte seul qu'il faut d'abord tirer la substance de votre devoir et ce n'est que dans un second temps que vous vous demanderez si ce que vous savez éventuellement de l'auteur peut l'éclairer. En conséquence, l'introduction d'un commentaire de texte a une structure identique à celle d'une dissertation. Appliquez la technique de l'introduction en cinq points déjà exposée : partir d'une idée générale concernant le thème du texte, amener le problème, le poser sous forme de question, souligner son intérêt et annoncer le plan du devoir. La conclusion se fera aussi de la même manière que pour une dissertation ordinaire : bilan des résultats acquis, élargissement des résultats ou ouverture vers une nouvelle question. La différence est que, en ce qui concerne le bilan, il faudra insister sur l'intérêt philosophique du texte. Montrer l'intérêt philosophique du texte. Faut-il ajouter une partie critique ? Peut-on critiquer un texte ? Il convient d'abord de s'entendre sur le mot critique : Au sens courant critiquer a un sens négatif. Critiquer un texte consiste alors à en montrer les limites, voire les erreurs. Dans la mesure où il n'y a pas de principe d'autorité en philosophie, que les textes ne sont pas sacrés, la critique est bien entendu permise. Mais elle exige de la prudence. Critiquer un texte que l'on n'a pas compris est bien sûr ridicule. D'autre part, n'oubliez pas que l'auteur de votre texte a écrit des milliers d'autres pages et qu'il a pu très bien répondre par ailleurs aux objections que vous lui opposez. Souvenez-vous que ce qui doit primer est la compréhension du texte, son analyse et que l'éventuelle critique ne peut survenir qu'ensuite. Souvenez-vous aussi que critiquer un texte c'est critiquer ce qui se trouve dans le texte et non ce que l'auteur a écrit par ailleurs. Le commentaire de texte n'est en aucun cas l'occasion de régler ses comptes. Souvenez-vous enfin que la critique n'est en aucun cas un prétexte pour exposer ses idées personnelles sur un sujet annexe menant tout droit au hors sujet. La bonne critique est de toute façon celle qui éclaire le texte et vous ne la pratiquerez qu'à la condition d'être sûr de vous, d'avoir des arguments solides, arguments que vous présenterez avec rigueur. Quant à la question de savoir comment amener cette critique, deux solutions sont possibles. On peut, premièrement, lui consacrer une partie supplémentaire du devoir. Cela suppose d'avoir suffisamment à dire et l'inconvénient possible est d'être conduit à se répéter. Vous devrez en effet énoncer deux fois les mêmes idées : d'abord pour les expliquer, ensuite pour les critiquer. Une autre solution consiste à mêler explication et critique tout au long du devoir. Dans une même partie vous pourrez alorsd'abord expliquer tel ou tel point du texte etensuite apporter votre critique. • Au sens philosophique, critiquer n'est pas nécessairement dénigrer mais prendre du recul par rapport au texte pour en montrer la pertinence, les implications et éventuellement les limites. La question n'est plus alors de savoir si on peut ou non le faire. On vous demande en effet de dégager l'intérêt philosophique du texte et critiquer en ce sens là est absolument nécessaire. Qu'est-ce que dégager l'intérêt philosophique d'un texte ? • Ce peut-être montrer son importance dans l'histoire de la pensée. Énonce-t-il des idées qui seront plus tard l'objet de développement fructueux ou au contraire qui entraveront la pensée, développe-t-il un concept clef à l'intérieur d'un système etc. ? Répondre à de telles questions suppose une connaissance de l'histoire des idées qui n'est bien sûr pas nécessairement la vôtre et qui n'est d'ailleurs pas requise à l'examen. • Ce peut-être aussi montrer son importance pour éclairer un grand problème humain. En quoi l'extrait que vous analyser donne-t-il à penser ? En quoi réfute-t-il une idée reçue ? En quoi démystifie-t-il ? En quoi éclaire-t-il d'un jour nouveau tel ou tel autre problème ? etc. Tout dépend bien sûr du texte qui vous est proposé. Reste une question débattue : faut-il ou non faire un plan en deux parties (1 - Commentaire du texte, 2 - Intérêt philosophique.) Je n'ignore pas que cette méthode est conseillée par certains de mes collègues et si c'est ce que vous demande votre professeur vous procèderez alors de cette façon. Je me permettrai cependant deux remarques à ce propos : • Si cette méthode est bien menée comme peut le faire un professeur aidé de sa culture philosophique, tout va bien. Mais une longue expérience de correcteur à l'examen montre qu'il en est rarement ainsi de la part des élèves. La première partie est souvent réduite à un vague survol du texte qui ne dépasse guère la paraphrase et le second moment du devoir un prétexte à parler d'autre chose, à oublier complètement le texte. On cumule alors les deux défauts les plus graves : paraphrase et hors sujet. S'il est rassurant d'avoir un plan donné d'avance, la sécurité n'évite malheureusement pas le pire. Il est de plus assez douteux qu'un élève moyen de terminale soit capable d'équilibrer les deux parties d'un tel plan. Un commentaire satisfaisant de texte demande du volume. Comment en écrire autant sur l'intérêt philosophique ? Il serait plus judicieux, si on tient vraiment à une partie critique séparée, de faire un plan en trois ou quatre parties dont seule la dernière sera consacrée à l'intérêt philosophique. • D'autre part, un petit rappel historique est ici utile. Il y a une dizaine d'années de cela la mention accompagnant le texte à l'examen était \"Dégagez l'intérêt philosophique du texte à partir de son étude ordonnée\". L'expression \"à partir\" semblait bien inviter au plan en deux parties et l'on a vu, progressivement, se généraliser cette méthode. Le risque était alors que toute autre méthode soit bannie et qu'un élève soit sanctionné pour avoir procédé autrement. Consciente du problème l'inspection a fait remplacer l'énoncé du sujet par la formule actuelle \"Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée\". Il ne s'agissait pas, certes, d'interdire le fameux plan en deux parties, mais il s'agissait bel et bien d'empêcher d'en faire une méthode obligatoire. Je conseille donc, pour ma part, de bâtir plutôt le plan comme cela a été expliqué plus haut. On expliquera le texte et on accompagnera, tout au long du devoir, ce travail de commentaire par une réflexion sur le texte qui consiste surtout à apporter exemples et arguments en faveur des idées de l'auteur (pour en montrer la pertinence) et à mettre en lumière, si cela est nécessaire, les points qui méritent discussion et qu'on pourra confronter avec d'autres thèses, d'autres auteurs. Ce travail peut donc s'effectuer tout au long du devoir sans qu'il soit nécessaire d'en séparer les deux axes dans des moments différents. Vous aurez la conclusion pour en faire le bilan. Conclusion En conclusion, nous pouvons dire qu'un bon commentaire de texte est celui qui évite deux écueils : la paraphrase et le hors sujet. En somme il s'agit d'adopter vis-à-vis de l'extrait la bonne distance : trop près du texte, par manque de recul critique, on tombe dans la paraphrase, trop loin de lui, on finit par le perdre de vue et c'est le hors-sujet. La règle d'or qu'il faut respecter est de parler du texte, RIEN que du texte, mais de TOUT le texte.

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