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Les termes abstraits désignent-ils quelque chose de réel ?

Publié le 27/02/2004

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A première vue, les mots désignent les choses, indiquent les choses. Ils renvoient aux choses, ils sont en relation avec les choses réelles, comme des étiquettes collées sur elles.  Rq : Il faut remarquer que la question ne concerne que les noms communs, c'est-à-dire donc ni les noms propres qui désignent des êtres singuliers en tant que tels, ni les verbes (qui renvoient à une action ou un état. Encore qu'une action ou un état puisse être ici apparentés à une chose), ni les pronoms (qui renvoient à des être singuliers de sorte qu'il n'y a pas à se demander en ce qui les concerne s'ils renvoient à des choses puisque c'est évident), ni les adjectifs (qui ne renvoient pas du tout aux choses, mais aux qualités prêtées aux choses. Encore qu'on puisse tenir les qualités pour des choses pour peu qu'on les distingue ce que qu'elles déterminent). 

« Sans que cela soit formulé en ces termes, ce dialogue réfléchit donc sur la justesse de la nomenclature, sur lavaleur de la mise en correspondance des mots et des choses.

Deux thèses s'opposent : celle de Cratyle et celle d'Hermogène.

Cratyle soutient qu'il existe une conformité naturelle entre les mots et les choses, qu'ils correspondent aux chosesde manière naturelle.

A savoir : les mots sont comme des images qui imitent, reproduisent les choses qu'ilsdésignent.

Ils sont l'image graphique ou sonore des choses.

Hermogène soutient qu'il existe une conformité entre les mots et les choses, mais que cette conformité estconventionnelle et non naturelle.

Les mots correspondent aux choses, mais sans que les mots ressemblent auxchoses qu'ils servent à désigner.

Ce sont les hommes qui décident d'associer tel mot avec telle chose et qui auraitétablir une association différente.

Ils sont en désaccord sur la nature de la conformité, mais ils sont d'accord pour dire que les mots sont conformesaux choses, c'est-à-dire que les mots désignent les choses, correspondent aux choses et qu'ils leur correspondentde manière pertinente, judicieuse, c'est-à-dire de telle sorte que le découpage de la réalité en différents groupes dechoses qui portent toutes le même nom est pertinent.

Ils demandent à Socrate de les départager.

Ce que va faire Socrate, ce n'est pas prendre parti pour l'un ou l'autre,c'est attaquer l'idée qu'ils ont en commun, à savoir qu'il existe une conformité entre les mots et les choses, que lesmots sont effectivement conformes aux choses.

Comment ? Socrate fait admettre à ses interlocuteurs qu'il faut distinguer les choses telles qu'elles nousapparaissent des choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, indépendamment de nous, leur apparence pour nous etleur essence en elles-mêmes.

Telles qu'elles nous apparaissent, les choses sont en devenir, relatives les unes auxautres et à notre manière de les percevoir.

Telles qu'elles sont en elles-mêmes, les choses ne sont pas en devenir,ne sont par relatives les unes aux autres, ni relatives à nous.

En elles-mêmes, les choses ne sont même passensibles, elles sont leur essence, c'est-à-dire une Idée ou Forme.

Les choses en elles-mêmes sont des Idées,réelles quoiqu'invisibles.

A partir de cette distinction, Socrate va s'opposer à la fois à Cratyle et à Hermogène : Contre Cratyle , il soutient en accord avec Hermogène que le rapport entre les mots et les choses est conventionnel et non naturel.

Il en veut pour preuve la diversité des langues.

Mais il ajoute que si les mots étaientconformes aux choses, c'est-à-dire l'image fidèle des choses, ils ne seraient plus des mots mais des doubles de lachose.

Donc, si les mots étaient conformes par nature aux choses, ce ne serait que par rapport à leur apparence etnon par rapport à leur être, leur essence.

D'ailleurs, les mots que Cratyle cite pour illustrer sa thèse en témoignent :ce sont des onomatopées (mot dont le son suggère le son émis par la chose qu'il dénomme).

Contre Hermogène , il soutient que s'il est exact de dire que les mots sont conventionnels, il est faux de dire qu'ils sont conformes aux choses telles qu'elles sont.

Socrate s'en prend donc à l'idée de conformité mot-chose : les motsne sont pas conformes aux choses qu'ils désignent, mais aux apparences des choses qu'ils servent à désigner.

Lesmots ne désignent pas les choses telles qu'elles sont en réalité, mais ils désignent les choses telles qu'ellesapparaissent.

Par exemple, on dira de telle chose qu'elle est grande.

Mais c'est relativement à l'observateur ou à une autre chosequ'elle sera dite grande, en elle-même, elle n'est ni petite ni grande.

La grandeur n'appartient pas à son essence,elle n'est qu'une apparence relative à quelque chose d'autre qu'elle-même.

Par exemple encore, comme le fait remarquer Descartes, on peut dire d'une pierre qu'elle est chaude, mais ce n'estqu'une apparence, la pierre n'est pas chaude en elle-même, elle a une température supérieure à celle de la surfacedu corps.

Autre exemple : eau, vapeur et glace : trois mots qui semblent désigner trois choses distinctes, mais qui en faitcorrespondent tous à la même chose sous trois apparences différentes, c'est-à-dire dans trois états différents.Trois apparences, mais la même essence, ici, la même composition chimique.

C'est pourquoi Socrate, après avoir reconnu le caractère conventionnel des mots, dénonce une mauvaise institutionde la langue, c'est-à-dire un mauvais législateur en matière de mot : au lieu de faire correspondre l'essence deschoses aux mots qu'on emploie, il leur a fait correspondre les apparences des choses.

C'est pourquoi aussi il imagineun bon législateur en matière de langue, un être qui établirait entre les mots et les choses une réelle conformité.

Rq : Rousseau nous permet d'ailleurs de comprendre en quoi une mauvaise institution des langues est inévitable.

Par conséquent, Platon ou Socrate, en critiquant l'idée même de conformité entre les mots et les choses montre quesi on comprend la langue comme nomenclature, cette nomenclature est mal faite : elle découpe le réel selon sesapparences et non selon l'essence des choses.

Il ne conteste toutefois pas le nomenclaturisme, il dit qu'il est malfait et rêve d'une nomenclature qui serait elle bien faite.. »

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