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Tirade De Phèdre (Racine) Acte I, Scène 3

Publié le 05/12/2010

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racine

 

 

 

 

 

 

PHEDRE

Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d’Egée

Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,

Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,

Athènes me montra mon superbe ennemi.

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,

Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.

Par des vœux assidus je crus les détourner :

Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;

De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.

D’un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :

Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

J’adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,

Même au pied des autels que je faisais fumer,

J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.

Je l’évitais partout. O comble de misère !

Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

Contre moi-même enfin j’osai me révolter :

J’excitai mon courage à le persécuter.

Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,

J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;

Je pressai son exil, et mes cris éternels

L’arrachèrent du sein et des bras paternels.

 

                      (acte I, scène3)

 

1/ Périphrase désignant Thésée.

2/ Orgueilleux : hautain, vouant un culte à Diane, déesse de la pureté, Hippolyte semble dédaigner l’amour et la femme.

3/ Pratique divinatoire.

4/ Cœur.

 

racine

« Hipppolyte.

Le champ lexical de la violence : « persécuter, exil arrachèrent », illustre cette idée.

Cependant ladestruction physique se double d'une destruction mentale et donc d'une aliénation.

On relève un champ lexical de ladépossession : « un trouble, mon âme éperdue, ma raison égarée ».

Le spectateur comprend l'état de Phèdre grâceà ce qu'elle dit, mais il constate aussi face à la difficulté de l'aveu, qu'elle sombre progressivement dans la folie,faute de pouvoir dominer la situation. III/ Au moment où Phèdre avoue, le spectateur sait qu'elle est condamnée, car le récit qu'elle fait à Oenone sembledérouler son destin et la fatalité est présente. 1/ Le destin de Phèdre semble être déjà écrit, les modalisateurs « mon bonheur semblait être affermi » et « je crusles détourner » trahissent le fait que toute tentative pour échapper au destin est vouée à l'échec.

La présence detrois adjectifs composés du préfixe négatif –in : « inévitables, incurable, impuissants » renforce cette idée.

Larencontre d'Hippolyte a marqué une rupture dans la vie de Phèdre, ce qui est visible par le changement de temps :le passé simple vient remplacer l'imparfait : « mon bonheur semblait être affermi, Athènes me montra mon superbeennemi.

».

La personnification de la ville d'Athènes insiste sur la disproportion entre l'énergie de Phèdre pour lutteret la force dont dispose la déesse Vénus.

Phèdre devient donc, faute de pouvoir se défendre, l'esclave de sonamour, elle s'affaisse progressivement sous le poids de sa passion : elle qui brûlait de l'encens « sur les autels(vers284) » s'abaisse « au pied des autels (vers 287) ».

Le spectateur se demande alors si Phèdre ne serait pas lapremière des victimes lorsqu'elle est : « De victimes moi-même à toute heure entourée » car elle est l'otage de sondestin, c'est ce que tendent à prouver ses paroles. 2/ Plus que le destin, c'est la fatalité qui touche la jeune femme.

Elle appartient à une filiation maudite poursuiviepar la vengeance de Vénus : la métonymie portant sur le mot « sang » sert à désigner l'hérédité fatale qui touchePhèdre.

La jeune femme ne peut pas lutter, elle ne peut que se lamenter ce qui est souligné par l'exclamation : « Ocomble de misère ! » et par l'adjectif « éternels » dans l'expression « mes cris éternels ».

La relation triangulaire dufils, du père et du mari est fatale à Phèdre qui est enfermée dans le cercle vicieux de la passion coupable.

En effet,le chiasme du vers 283 : « D'un incurable amour remèdes impuissants ! » évoque l'enfermement de la jeune femmequi est prisonnière de Vénus : L'adjectif « incurable » est repris par l'adjectif « impuissants », tandis que lesubstantif « amour » est repris par « remèdes ».

Les propos de Phèdre, expriment plus que la honte ou la violencede la passion, ils expriment la souffrance d'une femme soumise à son destin maudit et qui se sait quelque partcondamnée. Conclusion : L'aveu de Phèdre est dramatisé par Racine dans la mesure où la jeune femme, qui éprouve de la honte à dire sa passion coupable et qui essaie de minimiser sa culpabilité en justifiant ses actes, fait preuveparadoxalement d'une lucidité terrifiante lorsqu'elle évoque la fatalité qui poursuit sa famille et qui la touche.

Laviolence des sensations qu'elle décrit accentue cet effet de destin maudit, auquel le spectateur ne peut pas resterinsensible.

L'art de Racine réside dans sa capacité à susciter la pitié du spectateur en mettant en scène despersonnages qui souffrent et qui sont impuissants face à leur destin.

La reine Bérénice, dans la pièce qui porte sonnom, est un autre exemple d'une femme impuissante face à son avenir.. »

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