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La tradition est-elle une valeur ?

Publié le 10/01/2005

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« la raison est d'examiner la juste valeur de tous les biens dont l'acquisition semble dépendre en quelque façon denotre conduite...

».

Pour que les hommes puissent apprécier à leur « juste valeur » les biens qui dépendent d'eux, ilest nécessaire qu'ils connaissent la vérité.

Autrement dit, » la force de l'âme ne suffit pas sans la connaissance dela vérité » (Traité des Passions de l'Amer article 49).

La vérité est garante de la valeur et juste valeur signifie valeurexacte au sens de valeur vraie.

La vérité revêt chez Descartes et à partir de lui le visage de la certitude, Cettedernière se trouve dans l'acte de réflexion qui consiste pour l'homme interprété comme sujet à faire l'expérience du «cogito ergo sum », du « je pense donc je suis ».

Si à partir de Descartes l'homme en tant que sujet devient bien lecentre de toute évaluation, la valeur ne devient pas encore quant à elle, un concept de premier rang en philosophie.Car c'est la vérité, ne l'oublions pas, qui la détermine.

Avec Descartes la vérité, conçue comme certitude, n'est pasencore interprétée, comme ce sera le cas au XIXe siècle, dans l'optique des valeurs.

« La question des valeurs estplus fondamentale que la question de la certitude.

Cette dernière n'acquiert son sérieux qu'à la condition que laquestion de la valeur ait trouvé une réponse » (Nietzsche, Der Wille zur Macht [la Volonté de Puissance], Kroner, n°588, p.

409). Qu'en est-il de la valeur aujourd'hui ? Prenons un exemple qui va nous introduire non seulement à une méditation surla notion de valeur mais aussi a une interrogation sur le lien que celle-ci entretient avec notre traditionphilosophique.

Dans l'Être et le Néant.

Sartre notait que « la valeur est par-delà l'être» (p.

136).

Nous voudrionsmontrer que cette phrase fait écho à une parole prononcée au commencement de notre tradition métaphysique parPlaton.

La voici : « le bien est en majesté et en pouvoir au-delà de l'être » (République, VI, 509 c).

L'affirmation deSartre se situe dans le lointain prolongement de ce qui constitue la condition de possibilité de l'avènement puis dudéploiement et peut-être même du déchaînement du concept philosophique de valeur, à savoir l'interprétationplatonicienne du bien comme ce qui se trouve au-delà de l'être.

Précisons ce point. Socrate, au livre VI de la République, est pressé par ses interlocuteurs de répondre à la question : qu'est-ce que lebien ? Mais c'est là, dit-il, une question qui dépasse ses forces.

Il va donc s'efforcer d'abord de dire quel est le filsdu bien, quelle est l'image qui ressemble le plus au bien.

Rappelant la distinction proprement métaphysique entre unmonde sensible et un monde intelligible, le premier n'étant que la copie du second, Platon nous indique que si leschoses visibles sont vues, elles ne sont pas conçues, au contraire des idées qui sont conçues mais ne sont pasvues.

Que faut-il pour voir quelque chose ? D'un côté il y a la vue, de l'autre la couleur.

Mais il manque un troisièmeélément : la lumière.

C'est la lumière qui unissant vue et couleur rend possible la vision.

Et à l'origine de la lumière, ily a le soleil.

Platon insiste sur le fait que pour que l'œil puisse voir ce qu'il y a à voir, il faut qu'il soit déjà ouvert ausoleil, ou pour reprendre un mot de Goethe cité par Heidegger, « soleillant ».

Le soleil est ainsi le fils du bien.

Il estpar rapport à la vue et aux choses visibles dans le monde sensible ce qu'est le bien par rapport à l'acte de concevoiret aux idées conçues dans l'intelligible.

« Ce qui donc confère la vérité aux choses connues et au connaisseur lepouvoir Ide connaître!, dis-toi que c'est l'idée du bien » (508 e).

Mais qu'est-ce donc que l'idée du bien et surtoutpourquoi faire ce détour par Platon ? Nous répondrons d'abord que faire un détour ne signifie pas forcément tournerautour de la question en demeurant dans l'impuissance et l'inconsistance.

Le détour est parfois la meilleure manièred'aller droit à la question, comme le savaient fort bien Platon (cf.

Phèdre, 274 a) et Malebranche (cf.

Recherche dela Vérité, fin du livre IV).

Nous ajouterons ensuite que l'idée chez Platon ne désigne pas une représentationsubjective mais le fond même ou l'essence de ce qui est (par exemple l'idée du lit fonde tel ou tel lit et a plus deréalité que tel ou tel lit).

De même, le bien ne doit pas être entendu en un sens strictement moral.

Le bien, toagathon, « signifie ce qui est apte à quelque chose et qui rend apte à quelque chose » (Heidegger, Questions II, p.149).

Si par les idées les choses nous apparaissent dans leur être, ce qui rend chacune des idées capable d'être uneidée, c'est l'idée du bien qui est l'idée de toutes les idées.

En tant que possibilité de toutes les idées, l'idée du bienest le parachèvement de toutes les idées, l'idée parfaite, «au-delà même de l'être ».

C'est le bien comme conditionde possibilité ultime qui deviendra plus tard la valeur absolue tandis que d'autres idées deviendront autant devaleurs.

Ainsi au XIXe siècle toute chose sera interprétée en termes de valeurs, interprétation dont l'origine, nousl'avons vu, remonte à Platon et qui, avec la philosophie du sujet de Descartes, reçoit ses armes.

Ne disons pas qu'avec Platon le bien est une valeur.

C'est plutôt la notion de valeur qui « est le dernier rejeton, eten même temps le plus faible, de l'agathon » (Heidegger, Question II, p.

148).

Telle est l'origine métaphysique duconcept de valeur.

En entreprenant d'aller par-delà bien et mal, ou par-delà intelligible et sensible, Nietzsche posedu même coup que la séparation des deux domaines ou des deux mondes n'est plus quelque chose de déterminant,bref qu'elle n'a plus de valeur.

L'inversion nietzschéenne du platonisme se présente comme « la transvaluation detoutes les valeurs ».

Souvent, l'on comprend cette expression comme s'il s'agissait d'un changement de valeurs, ausens où l'on dirait par exemple que la valeur suprême après avoir été Dieu au Moyen Age devient ensuite la raison,puis la science, puis l'argent, etc.

On prétend parfois que pour Nietzsche la valeur suprême serait la volonté depuissance.

Pour peu que l'on interprète en plus de façon psychologique cette expression, on est assuré de passercomplètement à côté de ce que dit Nietzsche.

Certes il s'agit bien pour ce dernier de créer de nouvelles valeurs etde proposer une «nouvelle table» des valeurs (Ainsi parlait Zarathoustra).

C'est même la tâche qu'il assigne à unnouveau type de philosophes chez qui la « volonté de vérité est volonté de puissance » (Par-delà Bien et Mal, §211).

Mais en quoi consiste la radicale nouveauté de Nietzsche en ce qui concerne l'évaluation des valeurs ?Écoutons ici la réponse de Jean Beaufret : « La nouveauté est que celle-ci ne consiste plus à remplacer au sommetles valeurs anciennes par d'autres, mais attaquant le problème en son centre, à mettre en question «la balance elle-même» dans laquelle sont pesées les valeurs » (in : Les Lettres nouvelles, déc.

74-janv.

75, p.

27). La question de savoir si la tradition est une valeur peut être entendue de deux façons.

On peut d'abord essayer devoir ce que vaut la tradition, ou plutôt telle ou telle tradition en prenant des exemples précis.

Mais la réponse. »

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