Devoir de Philosophie

Le travail est pénible

Publié le 12/06/2011

Extrait du document

travail

« Les paysans disent : "La terre est jalouse." Elle veut une attention, une surveillance, des soins continus, comme une sorte de tendresse qui ne souffre ni tiédeur ni absence. On la néglige, elle cesse de se livrer ; on l'abandonne, elle répond par la ruine. On doit choisir : présence réelle, active ou mésentente ; pas de milieu, c'est une union à vie : aussi douce, je l'ai dit, à ceux qui la contractent avec leur coeur que pesante à ceux qui ne font que la subir. Elle est austère, elle prend tous les jours, toutes les heures. Et tout est du côté de l'homme : inquiétude et labeur ; sans compter les coups du sort, la moisson grêlée qui laisse sans pain, la vendange contaminée qui donne à peine à boire, l'animal qui avorte. Rude école de patience en vérité, de résignation et de ténacité. Parce que rien n'est acquis aux champs, et semer n'est pas récolter ; parce que tout y est à longues échéances, quelque pressant que soit le besoin. On vit enfin dans une sorte d'isolement d'où l'on ne sort que peu, pour les achats ou les cour  ses d'affaires, ou des visites à des voisins occupés comme vous. Les jours noirs d'hiver, noyés de pluie, qui interdisent le dehors ; les nuits aveugles où les éléments semblent se ruer à la fois en se lamentant, cette austérité de la résidence rurale prend son sens entier de réclusion et de renoncement. Il y manque, certes, les plaisirs de la rue, la chaleur de pensée et de sentiment de l'agglomération urbaine, le coudoiement de la foule anonyme même, sans quoi d'autres prétendent ne point pouvoir vivre... Cela se peut pourtant... La discipline consentie trempe les forces et les volontés. À mesure qu'on l'accepte on prend conscience de son âme profonde, et la récompense en est le goût passionné de la tâche, qui vous vient, et le juste orgueil de ('oeuvre agrandie. «

Joseph de PESQUIDOUX, écrivain français contemporain, Le Livre de raison, Plon.

Liens utiles