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Trouve-t-on la vérité dans les larmes ?

Publié le 10/09/2004

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Lorsque le sens commun dit que "la vérité est dans les larmes", ou que quelqu'un pleure des "larmes de vérité", de quoi s'agit-il ? Évidemment pas d'une vérité scientifique, les larmes ne sont pas des supports d'équation, mais d'une vérité plus "humaine", existentielle (au sens où elle manifeste notre engagement dans l'existence) ou individuelle (cette vérité qui pointe à travers les larmes est celle de l'individu dans son originalité irréductible, celle qui permet de le définir face aux autres). On trouve ce motif des larmes et de la vérité individuelle dans la poésie, art élégiaque (l'art des larmes de tristesse et de tendresse), art de l'exaltation du "je", art de la sincérité. Ne serait-il pas plus adéquat de parler de sincérité que de vérité pour qualifier ce que l'on croit percevoir à travers les larmes ? Il s'agit moins de vérité ou de mensonge que de sincérité : montrer sans fard ce que l'on ressent, qui certes n'est pas vrai en soi, mais vrai rapporté à ce que l'on ressent. Mais la sincérité (toute individuelle et singulière) ne rejoint-elle pas la généralité de la vérité (universelle) en ce sens qu'elle est communicative ? Le climat d'authenticité suscité par les larmes a tendance à rompre les faux-semblants. Sur ce point, dans Le Rire (chapitre III),  Bergson montre le lien entre singularité extrême de l'oeuvre d'art, sincérité et communicativité de la sincérité. Ce lien entre les larmes et la sincérité s'appuie sur l'idée d'une liaison entre l'âme et le corps. Certains mouvements corporels (ici les larmes, mais on pourrait aussi songer au rire ou à d'autres choses) seraient le signe d'un mouvement de l'âme (cette théorie est développée par Descartes dans son Traité des passions de l'âme, articles 112, 136 et 128 consacrés à l'origine des larmes). Or cette conception est contestable au moins à deux titres. La discipline et la maîtrise de soi peuvent permettre de détacher totalement les signes extérieurs du corps des sentiments intimes (on peut se référer par exemple à la lettre 81 des Liaisons dangereuses de Laclos, dans laquelle la marquise de Merteuil nous apprend comment elle s'est "formée" et a appris à contrôler sa physionomie : "Ressentais-je quelque chagrin, je m'étudiais à prendre l'air de la sérénité, même celui de la joie"). Retenir ses larmes, les déclencher, cela aussi peut s'apprendre. Par ailleurs, notre sémiologie corporelle est culturelle, et donc variable d'une culture à l'autre. Nos sociétés apprennent à signifier la joie ou la tristesse par le biais de certains signes corporels.

 

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