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Ubu roi acte 3 scene 2

Publié le 18/04/2011

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-    Support :  Jarry, Ubu Roi, III, 2 -    Activité : Lecture analytique Introduction /Situation de l’extrait : L’acte III constitue le nœud de l’action. En effet, après la conspiration dans l’acte I, le coup d’état de l’acte II, l'acte III est l'acte du règne proprement dit et  des mesures politiques absurdes. L'acte III s'ouvre par le juron préféré du Père Ubu : « De par ma chan¬delle verte, me voici roi de ce pays ». Nous sommes ici à la scène suivante, à la scène 2, nous assistons à une parodie d'une scène de jugement. Ubu agit en tant que roi. Lecture Problématiques possibles : Comment Jarry met-il les ressources du comique au service d'une dénonciation ?  Quels sont les procédés et la portée de la satire dans cette scène ? Annonce de plan I-    Une scène de farce tragique Alfred Jarry use de l'arme du rire et joue avec toutes les traditions d'un théâtre comique depuis le théâtre de foire, la farce, le théâtre de marion¬nettes, le grotesque du drame romantique et du mélodrame. a)    Le comique de situation et de répétition d’une mécanique destructrice Le comique de répétition structure cette scène en profondeur. Il s’agit d’un véritable jeu de massacre auquel se livre Ubu, dans la plus pure tradition du Guignol. Jarry a mis en place une véritable machine comique reposant sur la répétition, puisque l’exécution de chaque noble et de chaque magistrat suit le même schéma minimaliste : après une question sur l’identité et l’état de la fortune, Ubu fait tomber les candidats au décervelage dans les sous-sols du Prince-Porc et de la Chambre-à-Sous, au cri de « dans la trappe ». Chaque noble est différent, mais le schéma reste le même, broyant impitoyablement les personnages, totalement réifiés (= réduits à l’état de choses). Les protestations des financiers (elles-mêmes répétitives) auront pour seul effet de les faire massacrer de la même manière. C’est le triomphe de l’imposture : par la folie d’un seul homme, la noblesse, les lois et l’économie sont abolies. La situation devient absurde car cette extermination s’apparent à une scène de foire où tout effet pathétique ou tragique est exclu. b)    Le comique visuel et gestuel Le comique de geste est hérité de la farce qui met le corps en avant (avec des scènes de bastonnades notamment (> Cf Les fourberies de Scapin de Molière). Ici, il faut imaginer Ubu attrapant les nobles et les financier avec le crochet et les mettant dan la trappe. Les didascalies insistent sur les corps de ces victimes se débattant en vain comme des marionnettes, des pantins désarticulés. c)    Le comique verbal A l’image de la scène la première réplique de Ubu est caractérisée par les répétitions du mot « noble » dont l’omniprésence verbale contraste avec leur disparition physique. Fidèle à son habitude, Ubu crée aussi des néologisme comme « bouffre, bouffresque » qui est un mot-valise formé à partir de la superposition de « bougre » et « bouffe ». Il s’agit d’une des insultes préférées du personnage. Jarry fait aussi preuve d’inventivité dans l’onomastique. En effet, les titres des nobles s’inspirent de la géographie polonaise et créent un effet pittoresque. De nombreux mots du langage courant subissent une distorsion (« merdre ») et certaines tournures de phrases mettent à mal la syntaxe comme l’usage abusif et incorrect de l’adjectif possessif dans « Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de MES biens. ». Bien sûr, une telle faute de grammaire constitue Ubu comme un personnage odieusement narcissique et cupide. Dans un souci d’accélération permanente, Ubu fait même un pléonasme (« Dépêchez-vous plus vite ») révélateur de sa nature capricieuse et infantile. Mais comme toujours, c’est le décalage dans les niveaux de langue utilisés par Ubu qui créent l’effet comique : il utilise aussi bien des expressions familières (« vous vous fichez de moi », « ça n’est pas lourd ») que des phrases construites (« je vais d’abord réformer la justice, après quoi nous procéderons aux finances. ») Une alternance de grandiloquence et de trivialité caractéristique. Il s’agit bien d’une farce car Ubu a recours à la tromperie pour venir à bout des nobles et des magistrats qu’il condamne arbitrairement. Mais d’une farce tragique qui aboutit à des morts et au démantèlement du système économique, politique et judiciaire d’un pays. II-    La satire du tyran exterminateur La scène montre les pulsions les plus viles de la nature humaine, pous¬sée par une animalité sous-jacente prête à surgir pour broyer les êtres. Ubu agit en ogre (avec le couteau et le crochet), il incarne les pires tares humaines : il est bête et méchant jusqu’à l’absurdité cruelle. a)    Un autocrate sadique Sa soif de pouvoir le pousse à exterminer tous les contre-pouvoirs afin de concentrer les pouvoirs sur lui seul. Il est despotique et ne s’exprime pratiquement qu’avec l’impératif (« apportez, amenez »). Le sujet de presque toutes ses phrases est le pronom personnel « je » parfois redoublé par le pronom tonique « moi » (« Je veux tout changer, moi »). Il ne s’exprime qu’à travers l’exclamation et termine souvent ses phrases par une insulte (« Bouffre, Bouffresque, Bougre »). Même Mère Ubu le trouve trop autoritaire : « Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde. » Mais il faut néanmoins préciser que si les instruments de torture semblent exister (la machine à décerveler), ils restent dans le domaine verbal et, le plus souvent, les menaces proférées par Ubu ne sont pas mises à exécution. b)    Une logique arbitraire et absurde En véritable enfant terrible, Ubu représente le déchaînement des instincts, le désir de satisfaire ses pulsions primaires sans aucune limite. Sans réfléchir il tue ses principales sources de revenus (les nobles). Il s’attaque ensuite au système judiciaire et met d’abord en place une logique contre nature fondée sur le tout répressif dans laquelle le magistrat serait rémunéré en fonction des peines accordées, c’est-à-dire un système où toute idée de justice et d’impartialité serait niée. Enfin, la réforme du système financier prévoit même de faire payer un impôt aux morts ! Ubu est ici au sommet de son activité tyrannique. Pourtant, sa volonté de puissance se borne à l’accroissement de ses biens, de sorte que l’avarice neutralise la violence. III-    La vision de l’horreur à travers un jeu de massacre grotesque a)    l’esthétique du théâtre de marionnette, du Guignol ou du jeu de foire en passant par la Commedia dell’arte La pièce de Jarry a réellement la dimension d’une farce de foire. On y retrouve, en effet, les caractéristiques de l’improvisation. De plus, les leitmotive de la farce issus de la tradition médiévale et de l’univers des fabliaux ponctuent la pièce : scènes de ménage, fourberie… Mère Ubu en est l’exemple même : elle attise l’ambition de son mari (I,1) puis le conseille de se modérer (ici) mais, c’est pour mieux en profiter dès qu’il a le dos tourné >>> III, 8 : « Maintenant que ce gros pantin est parti, tâchons de faire nos affaires, tuer Bougrelas et nous emparer du trésor. » Ubu concentre aussi les caractéristiques de certains personnages de la Commedia dell’arte : il arbore le ventre et la goinfrerie de Pulcinella, l’avarice et la vulgarité de Pantalone et c’est un parvenu comme Brighella dont il a également la friponnerie et la cruauté. b)    Un déchaînement de folie meurtrière Ubu roi est à la fois une réminiscence déguisée de la Terreur révolutionnaire qui envoya bel et bien les nobles « à la trappe » mais aussi une vision prémonitoire de la barbarie exterminatrice du XXe siècle avec les génocides perpétrés par Hitler, Staline, Pol Pot… Conclusion Cet acte est le sommet de la pièce. Pas de psychologie. Tout nous est montré en actions. Ubu exerce le pouvoir tyranniquement et sans mesure, n’ambitionnant que d’accroître ses biens. Cette scène centrale de la pièce est l’une des plus connues. Il s’agit d’une satire, d’une dénonciation du tyran exterminateur ce qui semble être un thème bien sérieux pour une comédie. D’autant que la pièce se termine, non  pas par le rétablissement d’un pouvoir légitime, mais par le départ d’Ubu pour de nouvelles terres, de nouvelles péripéties qui reproduiront, à n’en pas douter, l’horreur de ses aventures comme roi de Pologne. L’aventure d’Ubu est destinée à se reproduire à l’infini.    Pour conclure on peut dire qu'Ubu est un personnage intemporel qui : prend sens dans toutes les époques. Il est la préfiguration de ces tyrans démesurés qui ont marqué le xxe siècle. Jarry est un pessimiste qui dissimule son angoisse derrière une dérision.

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