L'utilisation Des Animaux Dans La Fable de La Fontaine

Qui n'a jamais appris à l'école primaire Le Corbeau et le Renard? Qui ne connaît pas "La raison du plus fort est toujours la meilleure"? Qui ne connaît pas Les Contes de Perrault? En effet, les contes et les fables font partie intégrante de notre culture littéraire. Illustrés le plus souvent par des animaux, ils ont bercé notre enfance et continuent à plaire à l'âge adulte. Quel intérêt présente la mise en scène des animaux, pour le fabuliste ou le conteur? On retient souvent de la fable ou du conte des récits enfantins, ses animaux personnifiés et sa morale.  La mise en scène d'animaux dans les fables et contes suppose un cadre merveilleux, où elle se révèle être une arme poétique et politique accessible selon les différents niveaux de lecture.

Une fable est une histoire fictive dont le but est d’illustrer une morale. Ce récit représente pour le lecteur une leçon explicite que le lecteur apprendre pour mieux vivre. Les premières fables viennent d’Esope, un écrivain de la Grèce antique. Un conte est une histoire inventée qui oppose des "méchants" à des "gentils" et fait intervenir des éléments magiques : fées, sorcières, ogres, animaux qui parlent, objets enchantés... En général l'histoire se termine bien. Le plus souvent un conte commence par la formule " Il était une fois...". Le conte et la fable sont des récits imaginaires destinés à distraire. En effet les aventures de héros sous forme d'animaux, divertissent aussi bien les enfants que les adultes. Le monde qui s'offre aux lecteur est décalé par rapport à notre réalité "humaine". Nous rencontrons souvent des animaux qui parlent, auxquels sont attribués des qualités humaines. Les animaux sont mis en scène avec d'autres animaux semblables ou avec des hommes. Le monde dans lequel nous introduit le fabuliste ou le conteur est en rupture avec le monde réel. Ce sont des histoires invraisemblables. La mise en scène des animaux très fréquente dans la fable ou le conte mais est assez différente des autres récits. La fantaisie et le merveilleux des contes et de fables sont aussi propres à séduire car ils ouvrent sur l’imaginaire du lecteur : les personnages illustrés par des animaux, le bestiaire des fables de La Fontaine attirent. Dès le titre, le lecteur des fables de La Fontaine est émoustillé Le Rat et l’Huître : association inattendue, La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf : la prétention est grotesque, Le Chat, La Belette et le petit Lapin : trio inédit. On retrouve aussi dans les contes de Perrault des titres qui interpellent, pleins de promesses comme Le Chat botté.

En effet les fabulistes et les conteur recourent presque systématiquement à des personnages animaux avec la particularité d'être doués de parole, d'attributs humains. Les animaux se comportent comme des hommes, ils font preuve d'autant de civilités que ces derniers. C'est donc par les procédés littéraire de la personnification que le texte bascule dans le monde du merveilleux. Dans Le Chat Botté de Charles Perrault, le héros s'enrichit et se marie avec "la plus belle princesse du monde" grâce à la ruse de son chat qui fait preuve d'une grande intelligence. En effet ce chat maîtrise l'art de la parole et les codes sociaux. Dans ce conte nous avons bien des personnages qui relèvent de l'imaginaire : un chat rusé doté de parole et un ogre qui se transforme en lion puis en souris. L'utilisation des animaux dotés de qualités humaines nous permet de rentrer directement dans un univers imaginaire. La Métamorphose de Kafka est le récit d'un jeune homme Grégor Samsa qui se réveille en "bousier rampant". Ce jeune garçon se transforme en un insecte géant, chose qui est tout à fait invraisemblable dans la réalité. Le monde kafkaïen nous introduit donc dans un univers fantastique. Dans ce cas précis La Métamorphose nous rappelle la part étrange, inquiétante et bestiale de l'homme, d'ailleurs beaucoup de récit abordent la transformation de l'homme, en loup par exemple. Mais cette métamorphose de l'humain en animal permet également d'évoquer les différentes étapes du développement de l'homme. Le Vilain Petit Canard de Hans Christian Andersen, est l'histoire d'un petit canard qui ne ressemblait pas à ses frères et soeurs de couvée. Rejeté de tous, à cause de ce physique différent, il est contraint de quitter sa famille et de partir, loin, pour ne plus subir leurs moqueries et leurs coups. Sur son chemin, ceux qu'il rencontre ne l'acceptent pas vraiment non plus. Un jour, cependant, ébloui par la beauté des cygnes, le vilain petit canard décide d'aller vers eux. Les cygnes ne le chassent pas et bien au contraire l'accueillent comme l'un des leurs. Et pour cause, le vilain petit canard en grandissant et se métamorphose en un magnifique cygne blanc. Cela illustre les étapes initiatique auxquelles tout être humain est confronté. Les animaux permettent donc d'accéder à une dimension universelle, car dans l'exemple du Vilain Petit Canard nous parcourons les différents stades de l'enfance à l'âge adulte. Mais la mise en scène des animaux dans les contes et les fables permet également de dénoncer et de railler les moeurs de notre société. 

Les animaux dans les Fables de la Fontaine ont une fonction symbolique par exemple dans Le Corbeau et le Renard, le renard représente la ruse, dans Le loup et l'agneau, le loup incarne la cruauté et l'agneau l'innocence. Ainsi : "Les propriétés des animaux et leurs divers caractères y sont exprimés; par conséquent les nôtres aussi, puisque nous sommes l'abrégé de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables. Quand Prométhée voulut former l'homme, il prit la qualité dominante de chaque bête : de ces pièces si différentes il composa notre espèce; il fit cet ouvrage qu'on appelle le petit monde. Ainsi ces fables sont un tableau où chacun de nous se trouve dépeint.", Préface des Fables, La Fontaine. L'auteur s'intéresse donc aux caractéristiques  humaines à travers celles des animaux, il dénonce ainsi efficacement les travers de l'homme, cet anthropomorphisme provoque le rire, ou fait sourire le lecteur. 

Le conte et la fable ont un aspect parodique lorsque les auteurs représentent des hommes par des animaux. Dans La Ferme des Animaux, de Georges Orwell, la mise en scène des bêtes de la ferme permet de dénoncer le totalitarisme soviétique, les logiques de groupe et de pouvoir avec une ironie et un humour qui est mis en relief par la représentation bestiale de la société. Un procédé littéraire très plaisant, mais surtout très frappant puisqu'il dénonce les moeurs implicitement. Le fabuliste ou le conteur ne se moque pas sans but il fait aussi passer des ses idées. L’ironie est alors un outil efficace pour dénoncer les injustices créées par la société, car elle fait entendre le discours du fabuliste sous une autre forme, plus officielle ou conventionnelle. Il faut là encore relativiser : on pourrait être surpris de l’audace de La Fontaine au sujet du monarque, mais ses remarques satiriques prennent appui sur des fables traditionnelles où ce discours était convenu. Si le monarque paraît injuste dans Les Animaux malade de la peste, le fabuliste défend un pouvoir monarchique tempéré dans Les Grenouilles qui demandent un roi. Au fond, l’attitude de La Fontaine est généralement marquée par une réserve distante à l’égard de la politique et applique peut-être le conseil qu’il dispense dans ses fables : la prudence et la mesure.

L'utilisation des animaux est également un moyen de contourner la censure, pour dénoncer tout en conservant une sécurité. C'est ainsi que La Fontaine met en scène des animaux dont le ridicule rappelle celui des courtisants dans la fable Les Obsèques de la Lionne. Au XVIIe siècle, il s’agit d’éviter la censure. Les animaux, eux, peuvent critiquer et être critiqués. La nécessité de la transposition dans ce monde merveilleux : le lecteur saisit mieux ce qui est dit et ne se sent pas au premier abord concerné par le jugement porté sur sa moralité. Les animaux sont en effet un moyen pour l'auteur de se moquer en toute liberté d'une personne de son entourage réelle tout en respectant la censure. Le fabuliste ou le conteur peut donc utiliser l'animal dans le but d'une dénonciation plus implicite mais aussi plus efficace, et donc moins dangereuse à l'auteur.

Nous avons vu comment les fables arrivent à formuler leurs morales qui par la suite peuvent instruire les hommes sous plusieurs formes, la satire sociale, les droits des animaux, la mise en accusation des hommes, sur des questions philosophiques et religieuses. Pour cela, la fable utilise les animaux, qui eux peuvent critiquer sans que le fabuliste soit accuser. C’est ainsi qu’il informe, qu’il plaît et bien sûre qu’ils instruit son lecteur, mais pas n’importe quel lecteur, l’adulte car l’enfant est trop jeune pour comprendre un tel jugement sur les humains. L'utilisation des animaux dans les contes et les fables permet des lectures différentes en fonction des âges, en effet nous n'avons pas la même compréhension par exemple du Petit Chaperon Rouge à l'âge de cinq ans qu'à cinquante, en effet les contes et les fables ont une fonction heuristique, c'est à dire une initiation progressive. Les fables comme les contes instruisent sur la réalité de la vie, sur l’importance de certaines qualités humaines qui sont un véritable tabou dans la société, par exemple sur les dangers des séducteurs dans Le Petit Chaperon Rouge. En effet dans Le Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault le caractère sexuel est implicitement évoqué par la menace du loup. Ce type de conte illustre bien l'idée que l'initiation ce fait par imprégnation progressive. On passe par des étapes symbolique grâce aux animaux pour évoquer des réalités universelles.

Les contes ou les fables qui ont comme personnages les animaux sont accessible aussi bien aux enfants qu'aux adultes. En effet à l'âge adulte la lecture du Petit Chaperon Rouge acquiert un sens plus profond d'où la nécessité de décrypter et de décoder le récit mais il faut encore trouver le sens caché. Ainsi, les qualités de la fable et du conte sont sa clarté, son caractère concret et universel, son apparente simplicité, rendu par la mise en scène des animaux. Cependant le lecteur ne doit pas oublier de faire l’effort d’interprétation.

Les fables et les contes peuvent aussi bien s'adresser aux enfants qu'à un public averti, par le fait que ces textes concernent parfois la société à travers la mise en scène des animaux. Ils demandent alors un regard plus intelligent. Par exemple, les contes philosophiques de Voltaire, qui sont produits dans le but de critiquer la société, demandent une certaine compréhension puisque Voltaire invite le lecteur à prendre conscience de certains dysfonctionnements de la société. Ces textes qui ont une visée philosophique sont un moyen plaisant de faire réfléchir le lecteur sur la place de l'Homme dans l'univers, ils possèdent aussi des morales philosophiques des Lumières. Ils s'adressent donc à un lectorat plus âgé, plus expérimenté, pouvant comprendre ainsi les œuvres crées.

L'utilisation des animaux dans le conte ou la fable a une fonction symbolique, une fonction politique et poétique. Ce type de récit est accessible à tout âge, toute classe sociale, tout enseignement. La mise en scène des animaux permet une distanciation avec le monde réel : l'univers merveilleux. Mais il permet également une remise en cause des moeurs, tout en restant dans la parodie. Le succès des animaux dans les contes et les fables ne se dément pas on peut d'ailleurs constater que l'industrie cinématographique s'en est aussi emparé : Le Roi Lion de Walt Disney, est un véritable succès mondial. De même les auteurs contemporains de littérature de jeunesse font toujours preuves d'inventivité ou réactualisent les contes traditionnels qui mettent en scène des animaux.