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Valéry Paul: imitation et création en littérature - Qui n'imite point n'invente point

Publié le 17/02/2013

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« Ceux qui craignent les influences et s'y  dérobent font le tacite aveu de  la pauvreté de leur  âme. Rien de bien neuf en eux àdécouvrir, puisqu'ils ne veulent pas prêter  · la main à rien de ce  qui peut guider leur découverte. Et s'ils sont si  peu  soucieux  de se  retrouver  des parents,  c'est, je pense, qu'ils se pressentent fort mal apparentés. Un  grand  homme  n'a  qu'un  souci:  devenir  le  plus humain   possible,   disons   mieux :    DEVENIR   BANAL. Devenir  banal  Shakespeare,  banal  Goethe,  Molière, Balzac, Tolstoï...Et,   chose admirable, c'èst ainsi qu'il devient  le  plus  personnel.  Tandis  que  celui  qui  fuit  l'humanité pour lui-même n'arrive qu'à devenir parti­ culier,  bizarre,  défectueux...  Dois-je   citer  le mot  de l'Evangile ? Oui, car je ne pense  pas le détourner de son sens : « Celui qui  veut sauver son âme (sa vie per­ sonnelle) la perdra ; mais qui veut la donner la sauvera (ou  pour   traduire  plus exactement  le texte grec: \"la rendra  vraiment  vivante.\")»

« Il n'existe point d'architecte qui puisse dire: \"Je vais oublier ce que les hommes ont construit.\" Ce qu'il inventerait serait bien laid ; pour mieux dire, s'il tient sa promesse à la rigueur, il n'inventerait rien du tout. C'est pourquoi le temple se souvient du temple, et l'ornement se souvient du trophée, et le carrosse se souvient de la chaise à porteurs. Qui n'imite point n'invente point.»

« 15 • Imitation (et originalité) / 89 En ce seizième siècle, l'imitation est valorisée par les poètes à condition qu'il ne s'agisse pas des auteurs français qui ont précédé, lesquels sont un peu méprisés, mais uniquement des auteurs grecs, latins et italiens.

Cette imitation - qui suscite quand même parfois quelques critiques -se concilie avec l'originalité de deux façons.

Tout d'abord, il ne s'agit pas d'un simple démarquage, mais d'une « innutrition » pour parler comme Montaigne.

L'auteur de langue française se nourrit de l'auteur étranger, il se 1 'incorpore, 1' assimile pour en rendre l'essentiel.

Par ailleurs, chaque langue a sa spécificité, et il faut vraiment un travail personnel, une activité réellement créatrice, pour faire passer un poème d'une langue dans une autre.

A 1' époque moderne, le souci d'une radicale nouveauté a parfois conduit à penser que l'originalité consistait à faire table rase du passé.

Ce point de vue un peu sim­ pliste a suscité un certain nombre de réactions proches de celles de Valéry.

Alain, par exemple, insiste sur la valeur de l'imitation aussi bien dans le domaine de l'art que dans celui de l'éducation:« C'est en copiant qu'on invente» écrit-il dans le« Propos» du 21 mai 1921.

Le 20 octobre 1922, il revient sur ce thème à propos de l'architecture: « Il n'existe point d'architecte qui puisse dire: "Je vais oublier ce que les hommes ont construit." Ce qu'il inventerait serait bien laid ; pour mieux dire, s'il tient sa promesse à la rigueur, il n'inventerait rien du tout.

C'est pourquoi le temple se souvient du temple, et l'ornement se souvient du trophée, et le carrosse se· souvient de la chaise à porteurs.

Qui n'imite ·point n'invente point.» André Gide parle aussi très bien de cette fausse con­ ception de l'originalité reposant sur l'idée qu'il ne faut pas subir d'influences (« De l'influence de la littérature», conférence faite en 1900 et intégrée dans Prétextes) :. »

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