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villes, histoire des

Publié le 10/04/2013

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histoire
1 PRÉSENTATION

villes, histoire des, histoire de l’espace urbain, par opposition à l’histoire des campagnes. Centre des pouvoirs et lieu privilégié du savoir et de la culture, les villes n’ont longtemps abrité qu’une minorité de la population, mais ont joué un rôle majeur dans l’histoire de l’humanité.

2 DES PREMIÈRES VILLES AUX VILLES ROMAINES
2.1 Les premières villes

Les villes apparaissent entre 4000 et 3500 av. J.-C. en pays sumérien, puis en Égypte à la fin du IVe millénaire. Jusqu’alors, les hommes habitaient des villages, essentiellement voués à l’agriculture. Ces villages coexistaient, sans relations hiérarchiques. L’arrivée des villes change cet état de fait ; la complexification des groupes sociaux, l’intensification des échanges, la naissance de pouvoirs locaux impliquent l’administration d’un territoire plus vaste que celui dominé par le village. C’est la ville qui abrite et incarne ces nouveaux pouvoirs ; en assurant les échanges commerciaux, la ville favorise le développement en son sein d’un artisanat varié. Dès lors, la structure sociale de la ville se hiérarchise à son tour. Les besoins nés de l’administration des territoires suscitent l’invention de l’écriture, à la fin du IVe millénaire et aboutissent à la création d’un État qui prend souvent la forme monarchique.

2.2 La cité-État grecque

Au IIIe millénaire, le monde grec voit émerger de petites villes. En Crète, la ville de Mallia, aux rues dallées et aux quartiers bien découpés, abrite peut-être dix mille habitants. Dans les villes mycéniennes dominées par des palais, se développe un réel État (1400-1200 av. J.-C.), utilisant le linéaire B, une écriture originale à vocation comptable. La société de ces villes est très hiérarchisée, dirigée par le wanax, le roi. Après le déclin de ces civilisations, des villes importantes, comme Thèbes, leur survivent.

Ces cités évoluent, et la plus célèbre d’entre elles, Athènes, donne naissance à un régime politique original, la démocratie. La cité est le point vers lequel convergent les citoyens pour discuter des lois à l’ecclésia, assemblée qui se tient sur la colline appelée Pnyx. Assis sur des gradins, les citoyens écoutent les orateurs et peuvent intervenir dans les débats. En quelque sorte, la démocratie procède de la ville, car un tel régime n’aurait sans doute pu naître dans un village et, moins encore, émerger d’un État plus vaste qu’Athènes. En tant que cité-État, la cité attique a pu expérimenter la démocratie directe, c’est-à-dire la forme de démocratie la plus élémentaire et la plus simple à conceptualiser. Il fallait pour cela une unité de lieu — ce qui limite la taille du territoire couvert — et une population point trop importante. Les Grecs ont résolu ce problème en excluant de la citoyenneté de nombreuses catégories de population : au ve siècle av. J.-C., âge d’or de la démocratie athénienne, seuls 40 000 hommes sont citoyens sur environ 350 000 habitants (femmes, enfants, métèques et esclaves).

Cependant, la structure de la cité-État, caractéristique de la Grèce antique, n’engendre pas forcément la démocratie : à Athènes d’abord, où règnent la tyrannie et la monarchie ; ailleurs également, d’autres cités développent des systèmes spécifiques. Sparte, la cité militaire, en est l’exemple le plus célèbre ; les enfants subissent des épreuves très brutales, comme le vol de fromage sur l’autel d’Orthia, sous les coups de fouets, ou comme la cryptie, épreuve longue et difficile (le crypte doit quitter la ville sans armes et survivre une année dans les montagne, vivant de chasse ou de vol ; interdiction lui est faite de se montrer durant cette période). Le citoyen est un militaire qui voue sa vie entière à la cité. La cité domine les hilotes, paysans asservis, et les périèques, populations vivant en bordure du territoire. Ici s’impose avec force une des caractéristiques de la cité à travers les âges, la domination politique, économique et militaire.

2.3 L’Urbs, la ville modèle

Quelques siècles plus tard, c’est l’Italie qui marque une avancée majeure de la civilisation urbaine. Rome, en tant que capitale d’un empire issu de cinq siècles de conquêtes, incarne le modèle urbain par excellence : elle est l’Urbs (la ville en latin). Installée sur les bords du Tibre et occupant les célèbres Sept Collines, elle est au cœur d’un système de domination politique, économique et surtout culturel. Centre du monde occidental, elle devient progressivement un monstre urbain, par comparaison à la taille modeste des villes qui lui sont contemporaines. À son apogée, au iie siècle apr. J.-C., elle atteint en effet un million d’habitants. La domus, maison à atrium, est de plus en plus concurrencée par des habitations nécessitant moins d’espace, les insulae. Comme à Ostie, ces maisons n’ont plus d’atrium et, surtout, possèdent jusqu’à sept ou huit étages. Elles peuvent atteindre une hauteur élevée, aussi l’empereur Auguste cherche-t-il à interdire la construction de maisons de plus de 20 m de haut ; l’approvisionnement en eau, portée à dos d’hommes y est difficile. Au rez-de-chaussée se trouvent des boutiques, tandis que chaque étage est découpé en appartements. La faible épaisseur des murs et la mauvaise qualité de certains immeubles les fragilisent énormément. Ils risquent à tout moment de s’écrouler. Le risque du feu est très important, ce que rappelle le célèbre incendie de 64 apr. J.-C.

L’immensité d’un tel empire le rend difficilement contrôlable. Pour résoudre cette difficulté, les Romains s’appuient sur les villes, qui deviennent les centres du pouvoir politique et militaire. Les cités de l’empire sont également la vitrine et le point de greffe de la culture romaine. Là réside l’explication de la grande uniformité architecturale des villes dans tout l’empire, dont témoignent avec éclat les vestiges archéologiques. C’est donc sur le modèle de Rome que les villes de l’empire se développent. Partout, à l’exception de différences ponctuelles relevant de l’histoire, du relief ou des matériaux disponibles, on retrouve les axes principaux (cardo et decumanus), les rues avec leurs intersections à angle droit et les mêmes lieux importants de l’urbanisme. Tout d’abord, le forum, place dallée, entourée de boutiques et des bâtiments de la vie municipale ; les bâtiments ont une fonction précise et toujours similaire : la curie abrite les réunions du sénat local, la basilique héberge les tribunaux, les thermes sont des établissements de bains. S’y ajoutent les théâtres, les amphithéâtres, les cirques et les aqueducs, autant d’empreintes romaines sur les terres conquises. Cette influence se prolonge sur une majeure partie du territoire rural, par le biais du cadastre, qui suit les lignes directrices imposées par le tracé des parcelles urbaines. Ainsi, la ville impose son modèle au-delà de ses murs, mais elle n’y parvient qu’imparfaitement, les résistances à la romanisation étant plus fortes dans les campagnes.

3 LES VILLES MÉDIÉVALES

La grande crise qui suit la chute de l’Empire romain au ve siècle ne touche pas que les campagnes. Elle se manifeste plus durement peut-être encore dans les villes, qui ne subviennent pas par elles-mêmes à l’alimentation de leurs habitants. Elles connaissent donc des difficultés précoces et subissent une sérieuse contraction. Les grandes villes de l’époque romaine ont pâli, leur population a faibli et s’est retirée à l’intérieur des remparts, atteignant rarement 5 000 habitants. C’est la prospérité, de retour au xie siècle, qui redonne leur chance aux villes.

3.1 Le pouvoir urbain

Profitant de leur croissance, les villes connaissent un mouvement communal, moment de revendications des bourgeoisies contre le seigneur de la ville. Par la violence ou contre paiement, ce mouvement obtient une charte, qui fixe les droits et les libertés de chacun. La ville devient alors un petit État. Elle est dirigée par les consuls au sud de la France et en Italie, par le maire et ses échevins dans le nord de la France. Ce sont souvent les patriciens qui monopolisent ces pouvoirs, grâce au système de la cooptation. Fière de sa relative indépendance, même si elle reste soumise au roi, la ville multiplie les signes attestant de son pouvoir. Aux symboles comme le sceau de la ville s’ajoutent des bâtiments, comme l’hôtel de ville et le beffroi. La ville domine les campagnes qui l’environnent ; elle assure la protection militaire des villageois derrière ses remparts, et exige de ces derniers une participation aux frais d’entretien des murailles. En investissant dans la terre de l’arrière-pays, la bourgeoisie urbaine s’assure aussi une domination foncière sur l’espace rural voisin.

3.2 Le paysage urbain médiéval

La ville médiévale est souvent cernée de murs, qui distinguent avec netteté l’espace urbain et l’espace rural. Même si leur fonction première est de protéger la ville des agressions, les remparts permettent également de distinguer deux espaces au statut juridique différent, opposant ceux qui jouissent des franchises urbaines et les autres. L’autre élément architectural qui marque profondément la spécificité urbaine est la cathédrale, symbole glorieux de la puissance économique et religieuse de la cité.

Cependant, les villes médiévales ont des rues étroites et sinueuses, comme le montrent les vieux quartiers de la ville d’Avignon. Les rues ne résultent pas d’un plan prédéfini, à l’exception de certaines villes neuves comme Aigues-Mortes, mais sont élaborées au fil de la construction des nouvelles maisons. Les matériaux très inflammables des maisons (bois et torchis) et leur disposition anarchique, collées les unes aux autres, expliquent la prolifération des incendies, fléau qui n’a pas disparu depuis l’Antiquité.

L’intérêt pour l’hygiène n’étant pas encore développé, les égouts n’existent pas ; on jette les déchets ménagers et sanitaires dans la rue. Ces détritus dégagent une odeur pestilentielle, mais ils alimentent les animaux domestiques, dont le porc fait partie. Ces conditions créent un véritable foyer de maladies, qui se développent à vive allure. Ainsi meurt-on beaucoup plus à la ville qu’à la campagne. Cette originalité démographique explique pourquoi les villes ne doivent leur maintien et leur croissance qu’à l’apport continu de populations en provenance des campagnes voisines. De ce point de vue, les villes écoulent le trop-plein démographique des campagnes.

3.3 La société urbaine

Le développement des villes après le xe siècle s’explique en partie par la croissance de deux activités fondamentales dans la nouvelle économie occidentale, qui se regroupent de préférence dans les villes : l’artisanat et le commerce. L’augmentation de la production agricole permet à nouveau les échanges de denrées alimentaires et le développement d’un groupe de commerçants. Le moment d’échanges le plus intense est la foire. À l’origine simples foires locales servant à écouler les productions des campagnes voisines, certaines foires prennent une envergure régionale, voire européenne telles les foires de Champagne (Troyes, Provins, Lagny, Bar-sur-Aube). Ainsi, des cycles de foires mènent les caravanes d’une ville à l’autre, à date fixe. Les foires sont très régulées : les huit premiers jours servent au déballage des marchandises ; les ventes se déroulent ensuite pendant quelques jours ; enfin, les dix derniers jours sont consacrés au paiement. Des gardes assurent la sécurité des marchands et la régularité des transactions. Les marchands sont hommes de chiffres et d’écriture ; ils inventent la lettre de change et introduisent un esprit nouvellement rationnel dans la culture médiévale.

Les artisans représentent l’autre groupe qui se développe à la faveur de la croissance économique. Ils s’organisent sous la forme de métiers, placés sous la direction d’un collège (jurande) qui décide des règles communes. Ces règles assurent la qualité des productions, mais sont également un frein à l’innovation. L’entrée dans le métier est réglementée et surveillée, ce qui limite la concurrence. Le jeune est d’abord apprenti, puis compagnon. Enfin, après l’exécution du chef-d’œuvre, il devient maître. Les professions sont très spécialisées et ont tendance à se regrouper par rues. Pour les travaux textiles, le tisserand est plus respecté que les teinturiers et surtout que les « peigneresses «, très mal considérées.

Contrairement à une idée répandue, les citadins ne sont pas tous commerçants et artisans. Il existe de nombreux paysans dans les villes médiévales, car si le statut urbain distingue nettement le rural de l’urbain, les différences de paysage et d’utilisation du sol ne sont pas aussi tranchées. Au cœur des villes, sont ainsi cultivées des parcelles de terre, du jardin potager à la vigne produisant un vin de qualité médiocre. Les cultures maraîchères sont privilégiées, d’une part car la ville produit en abondance l’engrais dont elles ont besoin, et d’autre part car les produits maraîchers supportent mal le transport et doivent être consommés rapidement après leur récolte. La présence de l’immense marché urbain leur fournit un débouché immédiat dans des conditions de conservation optimales et à un bon prix.

4 LES VILLES DES TEMPS MODERNES
4.1 Bouleversements et continuité

Après les crises des xive et xve siècles, qui ont inégalement touché les villes, la population urbaine entame une croissance quasiment continue. La proportion de citadins dans la population totale augmente régulièrement, passant d’environ 14 p. 100 vers 1600 à sans doute 18 p. 100 à la veille de la Révolution. Cette croissance n’est pas sans incidence sur la qualité de vie, car l’entassement s’accentue et les maisons ont tendance à s’élever. La ville déborde largement de ses murs et commence à gagner les espaces de maraîchage qui bordent les remparts. Le paysage urbain a peu changé pendant la Renaissance. Ainsi, les murailles persistent et sont toujours fermées la nuit, même si elles ne servent plus vraiment à la protection effective des citadins, sauf lors des troubles militaires (durant les guerres de Religion et la Fronde par exemple). Comme au Moyen Âge, la ville est ravagée par les incendies. Elle ne se limite pas au commerce et à l’artisanat : les maisons laissent souvent place à des jardins, à des parcelles de vignes ou à des prés servant à l’élevage.

Des aménagements urbains d’importance sont réalisés, surtout à partir du xviiie siècle. Les innovations apportées dans Paris sont lentement adoptées par les autres villes du royaume : dès 1667, cinq mille lanternes illuminent la capitale une partie de la nuit ; à la fin du xviiie siècle, elle s’équipe de ses premiers trottoirs.

4.2 Culture et sociétés urbaines

Les villes se différencient largement des campagnes, tant par leur composition sociale variée que par leur originalité culturelle. Outre la présence d’artisans, également présents dans les campagnes, apparaissent dans les villes des professions qui relèvent des tâches administratives. C’est le cas des magistrats, ainsi que des officiers de police et de finance. Les fonctions de capitale religieuse concentrent les membres du clergé dans la cité. Enfin, la position économique dominante explique la présence de rentiers, nobles, bourgeois ou cléricaux, qui vivent directement des revenus que leurs procurent les terres qu’ils possèdent dans les campagnes voisines.

Les processions urbaines font la preuve à la fois de cette diversité sociale et de l’unité du corps social urbain, réalisée autour des privilèges et de la personnalité de la cité. Ainsi, un tableau représentant la procession du vœu de la peste du Puy en 1630 montre un cortège ordonné, qui converge vers la cathédrale après avoir traversé la ville. Au cœur de la procession, se trouve la statue de la Vierge noire, portée par les chanoines du chapitre de la cathédrale. Devant eux, des chanoines et des religieux ; en arrière, les différents corps urbains : les officiers de la sénéchaussée, le prévôt de la ville et ses arquebusiers, les différents officiers royaux, les avocats. Suivent les bourgeois, les marchands, les artisans. Cet ordre social très structuré se retrouve également dans les mariages : les nobles ne se marient avec la roture qu’en cas de difficultés financières, pour refaire leur fortune.

Comme au Moyen Âge, mais avec beaucoup plus d’intensité, les villes se distinguent par l’existence de collèges et, plus généralement, par une utilisation de l’écrit plus intense que dans les campagnes. Les collèges, gérés par la municipalité et l’évêque, sont en théorie ouverts à tous, mais dans les faits restent réservés à une élite. Pourtant, en raison de la présence des petites écoles et des écoles de charité, le citadin a toujours plus de chances de s’alphabétiser que l’habitant des campagnes. Comme au village, il n’y a pas de bâtiment spécifique abritant l’institution scolaire. Mais contrairement à l’espace rural, l’écrit est beaucoup moins rare. Dans le chapitre intitulé « Comment Pantagruel vint à Paris, et des beaulx livres de la librairie St Victor « du Pantagruel de Rabelais (1532), est énumérée une liste interminable de livres trouvés à Paris, signe d'une image mais également d'une réalité urbaine : la ville et le livre font un ménage privilégié.

4.3 Villes et nouveautés

Espace de déploiement de la modernité autant que des pouvoirs, la ville est un condensé des contradictions d’une société. Ce mélange entre autorité et modernité est, à bien des reprises, explosif. Ainsi, au plus près des autorités religieuses, les villes sont les premières à s’émanciper de certains cadres imposés par la religion. Loin des regards régulateurs de la campagne, les unions illégitimes se font plus nombreuses. Les villes sont également le laboratoire d’une diffusion de la contraception. En effet, pendant toute la période moderne, la démographie des villes est à la fois galopante et désastreuse. L’utilisation de la mise en nourrice réduit l’infertilité temporaire due à l’allaitement et explique en partie le grand nombre d’enfants par famille. Cette natalité accentue la pauvreté des familles et suscite un plus grand nombre d’abandons d’enfants qu’à la campagne. Un tel contexte fournit d’excellentes motivations aux citadins pour maîtriser leur fécondité. Plus détachées des interdits religieux, les villes sont les premières à oser braver le discours clérical en ce domaine. Les techniques appliquées, du coitus interruptus aux « funestes secrets «, se diffusent peu à peu dans la société urbaine. Elles proviennent sans doute de l’élite urbaine, qui a très tôt pour impératif de limiter les partages successoraux.

La capacité de contestation des villes est une autre originalité urbaine, même s’il ne faut pas oublier les jacqueries rurales. Avant la Révolution, les villes sont animées de soubresauts qui suscitent parfois de brusques poussées de violence. Il arrive que les villes entrent en conflit interne, entre groupes rivaux. Le cas du carnaval de Romans (1579-1580) est le plus célèbre : à la suite d’une hausse des droits pesant sur des produits alimentaires, le peuple de la ville se révolte ; mais l’oligarchie, cachée derrière les masques de carnaval, profite du Mardi gras pour mettre en place une répression sanglante.

Un autre type de conflit oppose les villes au pouvoir monarchique, notamment en cas d’atteinte aux privilèges urbains. Ainsi les villes portent-elles en leur sein les germes de l’insoumission et le goût de la nouveauté. Ce sont elles qui suscitent la révolution municipale qui précède la prise de la Bastille par le peuple de Paris le 14 juillet 1789. Cet événement a un profond retentissement, car il manifeste l’inquiétude de la capitale face aux troupes royales et sauve l’Assemblée. Il marque l’entrée des villes dans le bal révolutionnaire, comme la Grande Peur marque plus tard l’entrée des campagnes dans la Révolution.

5 LES VILLES CONTEMPORAINES DEPUIS 1789
5.1 Une croissance soutenue

Les villes contemporaines connaissent une croissance régulière. Elles s’étendent au-delà des anciens remparts, bien souvent détruits pour laisser place à un boulevard ; elles gagnent les banlieues, s’étalent sur les campagnes proches. En 1806, les villes françaises abritent 5 150 000 personnes ; cinquante ans plus tard, en 1851, la population urbaine a atteint 6 387 662 âmes ; en 1911, ce sont 13 799 918 Français qui habitent dans une commune de plus de 2 000 habitants. L’agglomération parisienne maintient sa position dominante sur le territoire national, en passant de 1,25 million en 1851 à près de 4 millions en 1911. L’industrialisation explique en partie cette croissance très importante. Ainsi, la ville de Roubaix profite pleinement de son industrie textile.

5.2 La légende noire

La ville contemporaine a accouché des révolutions (1789, 1848, Commune). Elle apparaît donc comme une menace pour l’ordre établi. La ville effraie, car elle suscite un amalgame entre classes laborieuses et classes dangereuses. L’enseignement dispensé sous la IIIe République diffuse cette image négative, comme le montre l’ouvrage le Français par la lecture (1914) qui propose un exercice dénonçant la ville : « Écrivez à l’un de vos camarades afin de le détourner de son intention d’abandonner la culture de la terre pour aller végéter dans une grande ville. Donnez-lui vos raisons «. Il est vrai que l’insécurité, la prostitution, les naissances illégitimes se développent dans les villes ayant des difficultés à gérer leur croissance. Sans cesse alimentée par de nouvelles arrivées de populations pauvres et désorientées, la crise urbaine est liée aux difficultés d’adaptation que rencontrent les nouveaux arrivants. Il s’agit tout autant de pauvreté — l’alimentation est le premier poste budgétaire des classes populaires — que de profonde inadaptation à la culture urbaine. Il faut intégrer de nouveaux modes de vie, une nouvelle culture, un nouveau réseau de relations.

Il serait cependant faux de croire que la ville se résume à la misère des classes inférieures. De fait, la ville abrite également des populations riches, qui se concentrent dans des quartiers bourgeois où il fait bon vivre, loin des pollutions industrielles et des rumeurs du peuple. Les habitants des quartiers populaires décèdent, en moyenne, vingt ans avant ceux des quartiers bourgeois. Là réside sans doute la preuve la plus éclatante des différences de condition de vie entre les populations urbaines.

5.3 La ville lumière

L’image noire des villes ne semble pas inverser les mouvements migratoires qui, inexorablement, convergent vers les lumières de la ville. À l’aube de la Grande Guerre, 14 des 18,5 millions de citadins sont d’anciens ruraux. La ville n’est pas qu’un taudis insalubre, elle est également, et de plus en plus, la ville lumière. Elle prend un nouveau visage à partir du second Empire, grâce à la grande entreprise haussmannienne. Le souci d’aérer et d’assainir entraîne le percement de larges voies, l’édification de grandes places, la création d’espaces verts, l’élaboration d’un réseau d’égouts moderne. À cela, s’ajoute un système d’adduction d’eau qui permet à Paris d’améliorer son alimentation en eau. Ces grands projets offrent pendant plusieurs décennies du travail aux populations rurales échouées sur les marges de la ville. Le projet d’Haussmann se propage, auréolé du prestige de la capitale, et les avenues haussmanniennes, taillées dans le vieux corps urbain, se multiplient en France.

Cette frénésie d’équipement urbain perdure jusque dans les années vingt. La ville est désormais équipée des bâtiments qui conviennent à ses activités politiques et économiques. La gare fait partie des monuments les plus imposants et les plus modernes, suscitant de nouveaux quartiers, incarnant la gloire d’une civilisation du métal. Après les efforts d’éclairage urbain du xviiie siècle, l’apparition de l’électricité accentue l’originalité lumineuse des cités européennes. Le rythme d’évolution des villes est plus modéré à la suite de la Grande Guerre. La tendance est à l’étalement anarchique dans les banlieues. Les incertitudes monétaires et la législation sur les loyers, longtemps défavorable au propriétaire, incitent à l’attentisme et freinent la construction, malgré l’apparition des habitations à bon marché (HBM) qui préfigurent les habitations à loyer modéré (HLM). Le parc immobilier, ancien et vétuste, a désormais tendance à stagner.

5.4 Des destructions au baby-boom

La Seconde Guerre mondiale provoque des destructions urbaines sans comparaison avec celles de la Première Guerre mondiale, car elle ne se limite pas à un front fixe. Les ravages liés aux bombardements (comme à Rouen et au Havre) s’ajoutent aux destructions orchestrées par les Allemands (comme à Marseille). Après la défaite allemande, les villes connaissent les difficultés et la croissance propres à une période d’après-guerre qui cherche autant à panser les plaies creusées par la guerre, qu’à profiter du nouvel élan que donnent à l’économie la reconstruction et le baby-boom. La crise du logement laisse peu à peu place à l’âge d’or des villes occidentales, dominées par la figure du « col blanc «, ce cadre, technicien ou employé, qui remplace insensiblement les populations ouvrières et compose une classe moyenne florissante, avide de consommation et de modernité. Cette nouvelle société urbaine n’est cependant pas exempte de tensions. Ainsi, la croissance ne peut cacher la persistance d’une pauvreté urbaine, dénoncée par l’Abbé Pierre, fondateur d’Emmaüs en 1949, et l’existence de quartiers en marge de la prospérité.

6 LES VILLES AU PREMIER RANG

Dès leurs origines, les villes n’ont cessé de prendre la tête de la civilisation occidentale. Concentrant les populations, les activités non agricoles et les gens de pouvoir, elles ont souvent joué le rôle de capitale locale, régionale, nationale voire mondiale. En raison de l’originalité de leur composition sociale et de la qualité de l’enseignement prodigué en leur sein, c’est très souvent au cœur des villes qu’émergent les principales innovations qui marquent l’Occident. De la démocratie aux innovations industrielles, c’est l’espace urbain qui est le foyer et l’émetteur des nouveautés. D’hier à aujourd’hui, la concentration des hommes et des moyens permet à la ville d’être la première à adopter l’écrit, l’imprimé, l’Internet. Il en est de même des nouveautés qui touchent le quotidien, du « tout-à-l’égout « au « gaz à tous les étages «, de la diffusion antique du christianisme au détachement contemporain vis-à-vis des préceptes religieux.

Depuis qu’elle a joué un rôle d’aimant pour les populations rurales en mal d’avenir, la ville n’est plus cette exception brillante, associant pouvoir militaire, commercial et politique. Elle ne se contente plus, en effet, de capitaliser les principaux pouvoirs contemporains, mais elle accapare comme jamais les richesses et les hommes. Elle est devenue le nœud de la civilisation occidentale au point que 75 p. 100 des hommes y résident. Les campagnes ont ainsi perdu au xxe siècle ce qui faisait leur force : leur poids démographique. Pourtant, après sa phase de croissance enthousiaste, la ville atteint aujourd’hui ses limites, essentiellement marquées par le problème de la qualité de vie. La pollution, les problèmes de circulation, le coût de la vie et des loyers, l’anonymat — associés à la nostalgie d’une vie rurale jugée simple et naturelle — expliquent le mouvement de périurbanisation qui touche désormais les villes occidentales.

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