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Voltaire - conscience de l'homme

Publié le 18/01/2011

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Science et religion : lecture suivie du livre de Bertrand Russell[1]

 

 

Introduction

 

Présentation de l'auteur : Bertrand Russell (1872-1970) possède le double statut de mathématicien et de philosophe. Professeur à l'université d'Oxford, il a reçu le prix Nobel de littérature en 1950 pour l'ensemble de son oeuvre et pour son engagement humaniste.

 

  En mathématiques (ou plus précisément en logique), Bertrand Russell est l'auteur de la théorie des types et a développé l'idée, dans son livre Principia Mathematica (en collaboration avec Alfred Whitehead), que les mathématiques sont réductibles à la logique (même si l'entreprise devait par ailleurs échouer). Il est ainsi le créateur de la logistique, science qui emprunte à l'analyse mathématique ses symboles, pour en faire un usage plus général.

 

  En philosophie, Bertrand Russell est l'un des fondateurs de la philosophie analytique, courant qui se sert de la logique pour clarifier les problèmes philosophiques. Il est également l'auteur de la théorie des descriptions en philosophie du langage et d'une théorie de la connaissance. Cette dernière se caractérise par l'introduction des notions de knowledge by acquaintance (connaissance directe) et knowledge by description (connaissance par description).

  Pour être pleinement justifié dans une croyance en la vérité d'une proposition, nous ne devons pas seulement connaître tel fait ou réalité qui donne sa vérité à la proposition, nous devons également avoir une connaissance directe avec la relation de correspondance qui existe entre cette proposition et le fait désigné. Cela veut dire que la justification d'une croyance dépend simplement d'un fait : par exemple, "la neige est blanche". Cette connaissance est directe et immédiate, elle n'est pas le fruit d'une inférence mais découle simplement d'une sensation.

  En revanche, quand il n'y a pas une telle relation de connaissance, comme par exemple la connaissance de l'assassinat de César - que nous ne connaissons pas directement, Russell parle de connaissance par description. Dans ce cas, nous ne sommes pas entièrement justifiés dans notre croyance en la vérité d'une proposition.

 

  Concernant son engagement politique, Bertrand Russell a milité en faveur de la paix, prônant notamment pendant la guerre froide un rapprochement entre les savants de l'Est et de l'Ouest, et luttant contre l'armement atomique, particulièrement celui de la Grande-Bretagne. Il créa en 1967, un "tribunal révolutionnaire" (dit "tribunal Russell"), présidé par Jean-Paul Sartre, chargé de juger "les crimes de guerre au Vietnam" et dirigé contre l'intervention des Etats-Unis dans ce pays.

 

Le propos de Science et religion : la réflexion de Russell a ici pour objet de retracer les relations conflictuelles entre la science d'une part et la religion d'autre part (principalement le Christianisme). Il essaie de montrer, en analysant les exemples historiques qui ont vu l'affrontement de la science et de la religion, en quoi la science est par nature opposée à la pensée religieuse, quand bien même elle est l'oeuvre de croyants sincères (comme Newton par exemple).

 

 

I.                   Chapitre premier : Terrains de conflit

 

  Le premier chapitre du livre sert en quelque sorte de chapitre introductif (même s'il n'en porte pas le titre). Russell y fait apparaître les différences essentielles selon lui entre science et religion, et la raison de leur opposition. Tous les chapitres qui vont suivre ne seront en fait que l'analyse "des points où elles sont entrées en conflit dans le passé, ou sont encore en conflit à l'heure actuelle"[2], c'est-à-dire d'exemples précis de conflits historiques entre la science d'une part et la religion d'autre part.

 

  Russell rappelle d'abord que "la science et la religion sont deux faces de la vie sociale"[3], autrement dit, ce sont deux éléments de ce qui constitue la culture humaine. Leur place au sein de cette culture a cependant varié au cours de l'histoire. En effet, si on peut affirmer que la religion "a eu de l'importance aussi loin que nous puissions remonter dans l'histoire de l'esprit humain"[4], la science en revanche, n'a connu son plein essor qu'à partir du XVIe siècle et de ce que l'on a appelé plus tard la première "révolution scientifique" (la fameuse révolution copernicienne qui fait l'objet du Chapitre II). Cela signifie que si la religion apparaît presque consubstantielle à la vie humaine, la science, dans le sens moderne du terme, est un phénomène très récent.

  Toutefois, science et religion ne sont pas simplement deux aspects de la vie sociale ; ce sont deux éléments qui n'ont cessé d'entrer en conflit, conflit dont, selon Russell, "la science est invariablement sortie victorieuse"[5]. Le triomphe de la science est toutefois immédiatement tempéré par l'auteur, qui souligne le danger émanant de "nouvelles religions" en Russie et en Allemagne (il fait ici référence aux totalitarismes hitlérien et stalinien), s'appuyant sur la science, et qui ont ranimé le conflit entre celle-ci et la religion (ou ce qui peut apparaître comme tel).

 

  Le conflit entre la science et la religion s'explique par le fait que toutes deux prétendent à la vérité. Or, il ne peut exister qu'une seule vérité, car la vérité est unique. Il y a conflit lorsque la vérité scientifique s'oppose à la vérité religieuse. Il s'agit pour Russell d'expliquer ce conflit entre science et religion, ce qui passe par l'examen de leurs caractéristiques, et en particulier de leur démarche.

 

→ Cf. textes pp. 7-9 ("La science et la religion sont deux faces… → "les doctrines révolutionnaires des hommes de science.") et pp. 11-13 ("La manière dont la science parvient… → "un simple instrument à manipuler la matière.")

 

1.      La démarche scientifique

 

Pour Russell :

 

"La science a pour but de découvrir, au moyen de l'observation et du raisonnement basé sur celle-ci, d'abord des faits particuliers au sujet du monde, puis des lois reliant ces faits les uns aux autres, et permettant (dans les cas favorables) de prévoir des événements futurs."[6]

 

Il s'agit donc dans un premier temps de découvrir "des faits particuliers au sujet du monde". Pour y parvenir, la science doit évidemment partir de la réalité, de l'expérience, autrement dit soit de l'observation directe des phénomènes (l'expérience sensible), soit de l'expérimentation.

Ensuite, ces faits particuliers doivent être reliés entre eux par des lois (que l'on va appeler lois scientifiques, ou lois de la nature, pour les distinguer des lois juridiques ou morales), c'est-à-dire des relations constantes entre les phénomènes.

  On retrouve ici la thèse défendue par le positivisme, tel qu'il apparaît au XIXe siècle chez Auguste Comte. Celui-ci écrit en effet :

 

"C'est dans les lois des phénomènes que consiste réellement la science, à laquelle les faits proprement dits, quelque exacts et nombreux qu'ils puissent être, ne fournissent jamais que d'indispensables matériaux."[7]

 

→ la science a pour but de découvrir la légalité des phénomènes, c'est-à-dire de dégager les lois invariables qui régissent les phénomènes particuliers.

Enfin, ces lois doivent permettre, dans certains cas, de "prévoir des événements futurs". Là encore, on retrouve la pensée d'Auguste Comte, qui considérait que la prévision était le véritable but de la science :

 


[1] Cette étude suivie permet d'aborder de manière assez approfondie les notions suivantes : le sujet, la conscience, la perception, la religion, la raison et le réel, théorie et expérience, le vivant, la matière et l'esprit, la vérité, la morale, la liberté (c'est-à-dire près la moitié du programme).

[2] Science et religion, p. 9.

[3] Ibid., p. 7.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Science et religion, p. 7.

[7] Discours sur l'esprit positif, Chapitre premier, § 15, pp. 72-73.

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