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Vous établirez le portrait de Chateaubriand: les désirs de sa sensibilité; les tendances de son imagination; le sentiment de l'honneur; le goût de la grandeur

Publié le 10/02/2012

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chateaubriand

«Personne n'a connu entièrement le fond de mon coeur; la plupart des sentiments y sont restés ensevelis.« Je vous crois sur parole, Ö René! J'ajouterai seulement que ce coeur ténébreux, mal connu, et à lui-même incompréhensible, fit la joie et le tourment de votre existence. Vous fûtes à la lettre, et au delà de votre inquiète adolescence, « possédé « par cè « démon « tortionnaire.

De lui naquirent ces désirs infinis que rien, ici-bas, ne pouvait rassasier, et qui vous emportaient « dans les espaces d'une autre vie «. De lui jaillirent les larmes au travers desquelles brilla la foi recouvrée de vos jeunes ans ; « J'ai pleuré, et j'ai cru. « Il fut la source de cette intarissable mélancolie, de cette incurable tristesse, de ce dégoût de la vie, de cette hantise de la mort, qui vous accompagna sur tous les chemins d'ici-bas.

chateaubriand

« Familiers ou exotiques, nous aimons vos paysages.

Volontiers nous vous accompagnons dans la forêt bretonne, et sur la lande où l'or des genêts et des ajoncs se mêle à la pourpre de la bruyère fleurie; nous goûtons le printemps si doux de votre chère Armorique...

Mais vou~ « en rem~tt~.z », vous embellissez la beauté, et cela nous choque, nous peut-etre trop realistes et qui n'acceptons plus qu'on nous «bourre le crâne:..

Votre nid de bou­ vreuil, avec ses œufs de nacre, est trop joli, trop apprêté, trop stylisé.

A · fortiori cette île flottante qui porte « des serpents verts, des hérons bleus, des flammants roses:.; ces rives où éclosent des fJeurs aux noms presti­ gieux : « pistias, bignonias, magnolias » 1 Nos yeux de pauvres.

occidentaux en sont éblouis.

Mais, sans restriction, nous rendrons hommage au puissant évocateur que vous fûtes; soit que vous nous promeniez à travers les ruines de Rome, de la Grèce et de l'Orient, auxquelles vous rendez vie; soit que vous pei­ gniez un Pascal, un Bossuet, un Mirabeau; soit que vous brossiez un tableau de genre : la partie de cartes de votre grand'mère et de votre tante avec leurs voisines,.

ou M.

Viollet maitre de danse chez les Iroquois; soit que vous nous transportiez dans la salle du manoir de Combourg où votre père, ombre terrifiante; se promène chaque soir à la lueur d'une chandelle; soit que vous rappeliez Paris à la veille et au lendemain de la Révolution; soit que, refaisant le récit de Ségur, vous nous conduisiez sur les rives de la Beré­ sina; soit enfin que vous nous représentiez la vieille garde rendant Jes honneurs dans la capitale à un roi podagre, pâle successeur du « petit ca- poV~t;~ imagination, unie à votre sensibilité morbide, a enfanté aussi ces filles de vos rêves, visions immatérielles, avatars divers de cette sylphide qui charmait votre adolescence : Atala, Amélie, Céluta, Cymodocée, en qui revivent à la fois votre sœur Lucile, et les apparitions de la réalité, et les créations de l'art, qui frappèrent, ici ou là, vos yeux si aptes aux métamor­ phoses.

Et.

ce don d' «enchantement:., que tous vous reconnaissent, ..

même vos ennemis, n'est-ce point surtout le pouvoir magique de cette faculté aussi habile à s'emparer de la réalité qu'à créer l'irréel? Ce n'est point là votre plus.

beau titre de gloire.

Sensibilité, imagina­ tion pâlissent devant .votre culte de l'honneur.

L'un de vos fils spirituels rêva de le substituer à toute autre religion.

Vous l'en eussiez probablement dissuadé.

« Si noble qu'il soit, lui auriez-vous dit, il ne saurait suffire à l'homme.

La notion même de l'honneur est si flottante, si variable, d'un pays, d'un siècle, d'une famille, d'un individu à l'autre 1 Comment établir une morale solide sur ce sable mouvant?» Vous vous êtes gardé d'un pareil excès de zèle.

Et pourtant l'hon-neur ne fut-il pas votre idole, l'orgueil de votre esprit comme la mélancolie fut l'orgueil de votre cœur'! Né d'antique noblesse, vous aviez reçu en héritage ce sentiment exaltant, générateur des grandes actions, que votre caste cultivait avec amour.

Dès votre enfance vous avez développé ce patrimoine.

Rappelez-vous le nid de pie déniché au péril de votre v1e, votre indignation quand on vous menaça du supplice infamant du fouet, et la lutte épique avec l'abbé Egault, d'où votre nonneur sortit indemne 1 .

C'est l'honneur qui vous ramena d'Amérique et VOliS rangea sous les drapeaux des émigrés; qui, en la carence de votre foi :perdue, vous fit sup:porter l'exil, le travall obscur, la misère, la faim; qm protesta, dans l'umversel silence, contre le crime perpétré dans les fossés de Vincennes; qui vous maintint droit, à l'écart, tandis que tant d'autres se baissaient pour ramasser titres et rubans; qui vous guida sur l'âpre sentier où ne fréquente point la Fortune.

C'est l'honneur qui, jusqu'au bout, inspira vos discours et vos démarches et, déjà touché par la mort, vous conduisit, « cour­ tisan du malheur », vers votre roi légitime.

Aux honneurs, vous avez toujours préféré l'honneur, et cela, René, vous sera d'abord compté, car les plus humbles victoires morales l'emportent sur les plus brillants triomphes littéraires.

· , On a dit, de votre ch~r Bossuet, comme du siècle qu'il incarne.

: tout chez lui tendait au grand.

Je suis tenté, ô René, de vous appli~uer ce mot: à vos qualités, à vos défauts, à votre œuvre.

Votre orgileil na rien de mc~ quin.

Un homme domine votre époque : Napoléon.

C'est à lui seul que vous. »

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