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Bel Ami incipit

Publié le 27/09/2014

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Maupassant né en 1850 et mort en 1893, appartient au mouvement naturaliste comme son chef de file Emil Zola pour avoir passé son écriture plus loin que le réalisme dans les effets de vraisemblance Cet extrait est un début de roman donc une accroche au lecteur dont le titre évocateur « Bel Ami » nous suggère un héros charismatique qui portera toute l'histoire. Cette oeuvre a été écrite par Maupassant en 1885. Le romancier y présente immédiatement le héros éponyme, Bel-Ami, nommé pour l'instant selon l'état civil, Georges Duroy, dans le cadre spatio-temporel qui dominera dans le récit. Nous allons analyser les caractéristiques de cette introduction, précise et vivante, par son style d'écriture : elle se présente d'abord une page réaliste mais, comme il s'agit du début de roman, nous montrerons comment Maupassant a dynamisé l'entré en matière et, enfin, nous verrons comment il crée aussi chez son lecteur un horizon d'attente. Le réalisme : 19eme siècle, c'est la révolution industrielle donc un élan de croyance et de confiance en la science, c'est une source de progrès. Plan : Une première page de roman réaliste : un personnage dans un milieu. Un portrait réaliste Des thèmes réalistes définissant un milieu social Un incipit dynamique Une entrée en matière « in medias res » Un personnage en mouvement Une présentation qui crée un horizon d'attente chez le lecteur Question possible pour l'oral de BAC : Comment notamment Maupassant met déjà ici en place un personnage dans un milieu ? En quoi cet incipit est-il dynamique ? Une première page de roman réaliste : un personnage dans un milieu. Un portrait réaliste One le sait, dés la première phrase, il s'agit de « Georges Duroy », nom et prénom qui ne présentent aucun caractère particulier, si ce n'est que le patronyme est roturier. La deuxième phrase nous éclaire davantage : « il portait beau ». L'adjectif renvoie au titre du roman et le lecteur se doute bien que Georges Duroy et Bel-Ami ne font qu'un. D'ailleurs, il a « belle mine ». L'expression « joli garçons » est renforcée par « beau soldat », mais c'est seulement au sixième paragraphe que se place la description : « Grand, bien fait ». Le narrateur est extrêmement précis sur certains détails comme les cheveux avec d'abord la couleur « blond, d'un blond châtain vaguement roussi », puis la qualité « frisés naturellement » et enfin la disposition : « séparés par une raie au milieu du crâne ». De même, le narrateur s'attarde sur les yeux de Duroy : « bleu, clairs ». Le troisième élément sur les yeux est intéressant : « troué d'une pupille toute petite ». Son regard n'est pas spécialement expressif, comme si Duroy se cachait. Ses vêtements sont évoqués en une phrase : « Quoique habillé d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu commune, réelle cependant ». On note l'extrême précision du prix, très significatif pour le lecteur de 1885 et les contrastes, les adjectifs « tapageuse », « commune » s'opposant à « élégance... réelle ». Le narrateur cherche à nuancer ce portrait, qui n'est pas celui du héros romanesque idéal, lequel n'est jamais commun, c'est-à-dire un peu vulgaire. Le costume trahit ici la condition, celle d'un homme du peuple désargenté. Au deuxième paragraphe, on apprend que c'est un « ancien sous-officier », et au cinquième qu'il appartenait au corps des « hussards ». Il a un « chic de beau soldat tombé dans le civil », une « pose d'ancien officié », il est soucieux de l'impression qu'il produit. Il est à la fois brutal et personnel : 'il avançait brutalement », « heurtent les épaules, poussant les gens. Il est sur de lui et même un peu fanfaron. Il battait le pavé de son talon. Il avait toujours l'air de défier quelqu'un ». Enfin, il aimait les femmes : « le sang bouillant, il s'allumait au contact des rodeuses ». On note la métaphore prolongée empruntée au lexique du feu, de « bouillant » à « s'allumait ». Des thèmes réalistes définissant un milieu social. Deux thèmes sont abordés dans cette entrée en matière : la pauvreté, les femmes. Un milieu social est ainsi associé à Georges Duroy. On remarque, en effet, l'importance de l'argent, dès la première phrase : « la monnaie de sa pièce de cent sous », puis « à prix fixe », « trois francs quarante », « vingt-deux sous », « un franc vingt centimes », « soixante francs », « coutaient », « dépense », « payer ». Si le narrateur parle d'abord du « restaurant » où mange Duroy, il rectifie au troisième paragraphe avec le terme péjoratif « gargote ». Les habitués sont pauvres : « trois petites ouvrières », « une maitresse de musique » au chapeau « toujours poussiéreux » et Duroy lui-même se demande quel repas il va sauter dorénavant, celui du matin ou du soir. Les autres personnages que l'on distingue un peu sont les femmes ouvrières, bourgeoises, maitresse de musique, « rodeuse », autrement dit, des prostituées. Dans la dernière phrase de l'extrait, les thèmes de l'argent (ou de manque d'argent) et de la femme se rejoignent avec la phrase : « il n'osait les suivre, ne les pouvant payer ». Cette impuissance ponctuelle définit le personnage que met ici en scène Maupassant : c'est un être en devenir (il reste tout le roman à lire), certes, mais pour l'heure le lecteur le découvre par son portrait, son statue social et le milieu qu'il peut fréquenter pour l'instant. Un incipit dynamique Une entrée en matière « in medias res » « On était au 28 juin », c'est-à-dire dans un passé à la fois précis et indéterminé (l'année manque). Et c'était le soir : « soirées d'été » La première indication est celle du « boulevard » puis de la rue Notre-Dame-de-Lorette. Bref, on est « dans Paris » et Duroy envisage « de gagner les Champs-Elysées et l'avenue du Bois de Boulogne ». Duroy sort d'un restaurant et est mis en scène dans la rue, lieu ouvert où tout peut se passer. Le roman commence vraiment comme une tranche de vie, au moment où la caissière rend la monnaie à Duroy. Cela crée le début « in medias res », correspondant à l'esthétique du mouvement réaliste. L'action est racontée au passé, à la troisième personne, par un narrateur omniscient : il connait le passé du héros, « ancien sous-officier » et ses pensées, ses calculs financiers, ses hésitations, ses désirs (« un désir aussi le travaillait, celui d'une rencontre amoureuse »). De fait, l'adoption de ce point de vue renforce l'effet produit par le début « in medias res » de la sortie du restaurant : le lecteur, en entrant dans la conscience de Duroy, apprend à le connaitre et a envie de savoir ce qu'il va devenir. Un personnage en mouvement Il s'agit d'un portrait en mouvement amorcé par un verbe d'action, « sortir », dés le premier paragraphe. Examinons la suite : 2e§ Duroy est immobile : « il cambra sa taille, frisa sa moustache », « et jeta sur les dineurs attardés un regard rapide ». Au 3§ : description de ces dineurs. 4e§ « Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile », calculs financiers. Puis « il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette ». 5e§ « Il marchait », portrait de Duroy (5e§ et 6e§), et description de ce qu'il voit (7e et 8e§). 9e§ « il s'arrêta » : rêverie sensuelle (9e, 10e, et 11e) L'immobilité correspond à des moments de réflexion ou de rêverie de Duroy. On remarque le très grand nombre de verbes d'action dont Duroy est le sujet (sauf dans les 3e, 7e et les 8e§). Plus il avance et plus le lecteur progresse dans sa connaissance. On a l'impression que la narration est lancée très vivement, sans perte de temps à présenter longuement le personnage. Il est décrit pendant qu'il descend la rue Notre-Dame-de-Lorette. Une présentation qui crée un horizon d'attente chez le lecteur. Maupassant ne raconte pas le passé de Duroy : il le fait connaitre à travers les attitudes du personnage : « il portait beau » : c'est à dire il avait un beau port (de tête). Cette expression, utilisée pour les chevaux, annonce le cavalier ; Il a une « pose d'ancien sous-officier » ; Il « frisa sa moustache d'un geste militaire et familier » : l'adjectif « familier » prouve que Duroy a quitté l'armée depuis peu ; Enfin, sa démarche le trahit : « il marchait ainsi qu'au temps où il portait l'uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu entr'ouvertes comme s'il venait de descendre de cheval ». Sa démarche prouve qu'il est resté dans l'armée assez longtemps. Peu à peu, le passé de Duroy se précise. De même, Maupassant ne dit pas immédiatement : Duroy aimes les femmes, et réciproquement. Il présente le séducteur en action des le deuxième paragraphe : il « jeta sur les dineurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon qui s'étendent comme des coups d'épervier ». Duroy cherche fortune. La comparaison finale est polysémique : Duroy a un oeil d'épervier, l'oeil perçant d'un rapace cherchant une proie. L'épervier est aussi un filet de pêche conique que l'on lance, un peu au hasard, pour attaquer quelque chose ; c'est un piège. Il a à la fois l'observation et la promptitude du chasseur, la patience et l'adresse du pêcheur. La réaction ne se fait pas attendre : « Les femmes avaient levé la tête vers lui ». Elles sont dépeintes comme les voit Duroy : le point de vue est interne. Une mention particulière est accordée à la maitresse de musique. L'intéresse-t-elle un peu ? Elle est d'une classe légèrement supérieur aux ouvrières, mais « entre deux âges » et surtout très « négligée ». La fin du texte confirme les intentions de Duroy : « un désir... le travaillait, celui d'une rencontre amoureuse. Comment se présenterait-elle ? Il n'en savait rien, mais il l'attendais depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs ». Dans le récit du narrateur omniscient est intercalée une phrase au style indirect libre qui donne vie au questionnement incessant du jeune homme (comment se présentera-t-elle ?) Duroy est jeune, d'ou une certaine naïveté sympathique traduite par l'expression : « il n'en savait rien » et par la reprise insistante : « tous les » ; il se montre en la circonstance assez passif : il « attendait » (deux occurrences), 'il espérait ». Le jeune séducteur n'est pas encore très entreprenant. Maupassant, sans le dire directement, nous fait aussi comprendre que Duroy est un conquérant : « et il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route ». Les assonances en A évoquent les cuivres de la musique militaire. Il frappe du talon, qui veut-il conquérir ? Les femmes, bien sur (« il espérait toujours plus et mieux ») mais pas seulement les femmes : « il avait l'air de toujours défier quelqu'un, les passants, les maisons, la ville entière ». Et comment apparait la ville ? Comme « étouffante » : « Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestée ». L'animisation effectuée par la métaphore « bouches » prolongée par « haleines ». Tout n'est pas dit dans le chapitre d'introduction, mais esquissé. Conclusion : Cette introduction au roman est d'une rapidité et d'une efficacité exceptionnelle. Le héros est surpris en action et décrit en un mouvement qui va de l'extérieur vers l'intérieur par un narrateur omniscient. Ce n'est pas le héros idéal traditionnel : c'est un « joli garçon », mais il est pauvre, pas distingué (c'est un ancien sous-officier) et il a l'air d'un mauvais sujet. Ses intérêts sont très matérialistes : la nourriture, la boisson, les femmes. Le personnage se meut dans un cadre réel de Paris, dans les classes populaires. Par ailleurs, le narrateur ouvre des perspectives sur l'importance de l'argent et des femmes dans l'intrigue qui va suivre.

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