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Publié le 01/10/2014

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Le Discours sur le colonialisme est un pamphlet[1] anticolonialiste d'Aimé Césaire. Cet écrivain français originaire des Antilles est  l'un des fondateurs du mouvement littéraire de la Négritude, aux côtés de Senghor, rejetant les effets de la colonisation française notamment sur les cultures africaine et antillaise considérées comme inférieures à la culture française. Cette entreprise de dévalorisation systématique conduisant au racisme est dénoncée par Césaire et les partisans de la Négritude qui militent pour une reconnaissance de leurs racines, de leur identité et de leurs droits.  Au début de la deuxième partie du Discours sur le colonialisme, Césaire élabore un parallèle entre colonisation et nazisme. Lecture Pbtq : Comment Aimé Césaire dénonce-t-il les méfaits de la colonisation dans ce texte ? Annonce du plan : Nous verrons que ce texte propose une argumentation rigoureuse dont l'efficacité se renforce du recours à une écriture imagée permettant un réquisitoire virulent contre la colonisation. I. Une dénonciation implacable (une argumentation rigoureuse et efficace) Le travail de dénonciation de l'auteur s'appuie sur des procédés argumentatifs qui structurent fortement le texte, invitant le lecteur à le suivre dans son raisonnement. a. Un raisonnement déductif - Annonce d'emblée de l'étude à mener appuyée par le connecteur chronologique « d'abord » l. 1 > sens de l'organisation. - Illustration de l'abrutissement et de la violence du colonisateur dans la suite du § par l'utilisation d'exemples à portée générale (articles définis, usage du pluriel) jusqu'à l'universel (l. 6). > Volonté pédagogique et démonstrative (la logique de la démonstration est laissée souvent au jugement du lecteur/ auditeur : peu de liens logiques au final mais beaucoup de ponctuation comme les deux points  ou le point virgule qui marquent les articulations du texte) qui vient renforcer l'argumentation raisonnée du propos et qui conduit à impliquer le destinataire. b. L'implication du destinataire - Aimé Césaire cherche à remporter l'adhésion de son destinataire en l'impliquant progressivement à la réflexion. À la distance qui semble s'instaurer dans le 1er paragraphe, essentiellement constitué sur le principe de la généralisation comme « la bourgeoisie » l. 11, il substitue le pronom indéfini « on » à la ligne 15. La reprise anaphorique de ce pronom, omniprésent dans le dernier paragraphe (13 occurrences), associé à l'insertion de paroles rapportées au discours direct, établit une forme de complicité entre le destinataire de ce discours et ceux qui ont favorisé le nazisme.  - Le changement  de temps au cours de ce paragraphe renforce cette assimilation puisque le présent de vérité générale qui semble établir une réflexion théorique est vite remplacé par l'usage du passé composé («on en a été le complice » l. 18, « on l'a absous » l. 19) signalant la vérité des faits passés évoqués. C'est donc la responsabilité de chacun que Césaire souligne dans ce texte face à tout acte de barbarie, quel  que soit l'endroit où il a lieu, quels que soient les hommes qui l'utilisent. c. Un système d'équivalence Ce travail sur la démonstration va se renforcer de tout un système d'équivalence, qui repose sur un raisonnement par analogie. - Cette analogie est préparée par le chp lexical de la torture (« supplicié » l. 5, « prisonniers [...] interrogés » l. 9, « patriotes torturés » l. 9) : Césaire élabore un parallèle entre la colonisation et le nazisme afin de donner du poids à son propos. - Cette analogie a pour but de donner une équivalence entre les pratiques de la colonisation et celles du nazisme, considéré comme la forme supérieure de la barbarie (ne pas oublier que ce texte a été écrit en 1950, soit à peine 5 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale). D'ailleurs, au terme de « prisonniers » l. 9, il substitue celui de « patriotes », assimilant le combat des peuples souhaitant la décolonisation à celui des résistants français sous le régime de Vichy. Transition : Césaire fait donc appel à un passé récent pour ses auditeurs et à leur fibre patriotique pour opérer un réveil des consciences quant au fonctionnement de la colonisation. Son discours se fait alors métaphorique et pathétique afin d'être encore plus éloquent. II. Une dénonciation imagée et pathétique Césaire renforce l'efficacité de sa dénonciation en usant du registre pathétique. a. Un principe de contagion par la métaphore de la maladie et de l'empoisonnement - Ce dernier s'appuie sur une métaphore filée qui assimile la colonisation à la maladie et à l'empoisonnement en employant les termes « gangrène », « foyer d'infection » l.7 ou encore « poison instillé » l. 10, personnifiant colonisation et Europe. Ce travail sur le corps malade et affaibli le conduit alors à dévaloriser la colonisation dont la propagation maladive se fait par contagion. - Ainsi, la diffusion de la maladie et du poison est rendue visible dans le texte grâce aux verbes « s'installer », « s'étendre » ou « instillé » l. 7-10 ; le texte progresse alors par généralisation, en parallèle au principe de contagion qui irrigue le texte, de pays particuliers (l. 4-5) au « continent » (l. 10). - Cette démonstration se complète d'un travail sur le lointain et le proche afin de rapprocher des actes de barbarie commis dans ces pays colonisés et la France qui les permet : ce rapprochement se fait au moyen de la répétition de structures et de termes similaires que l'on retrouve dans le 1er paragraphe : « chaque fois que [...] et qu'en France on accepte » qui joue à la fois sur la mélopée lancinante et sur l'accusation martelée. Systématiquement, Césaire rapproche au sein de la même proposition France et pays lointain afin de souligner le mécanisme de l'acceptation silencieuse qui conduit à la multiplication de la violence (notez le passage d' « une tête » « un oeil » à « un Malgache » « une fillette » et aux pluriels qui suivent > la grammaire se fait l'écho de ce principe de contagion et qui aboutit à une contagion de l'Europe même) b. Un colonisateur rendu à sa bestialité  Aimé Césaire retourne les arguments des colonialistes qui ont fait de l'Autre une brute [Fin XIIIe-début XIVes. « (d'un inanimé) qui est à l'état sauvage »/ 1416 « qui n'a pas été façonné par l'homme »] et qui finit par être assimilé à la violence. Le chp lexical de la bestialité scande le texte : « déciviliser », « abrutir » (l. 1-2), « instincts » (l. 2). Il oppose colonisateur et victimes, présentées par des synecdoques « oeil », « tête » qui rendent compte de leur faiblesse face à ceux qui les soumettent et qui martyrisent leur corps.    Ø  Déshumanisation de l'Autre et du colonisateur > déshumanisation de l'Homme. À partir d'un renversement des idées reçues, Césaire blâme le colonisateur et le dévalorise en lui retirant tout droit à l'humanité. L'association du « progès » et de « l'ensauvagement » joue sur l'antithèse et fait écho à la thèse énoncée à la première ligne. c. Un texte baigné de sang et de violence - Divers chps lexicaux : torture et violence conduisent à ensanglanter le texte - Se renforcent d'allitérations (consonnes essentiellement explosives [k], [b], [p], [d] [t]) qui agissent comme un grondement inquiétant et quasi animal, mimant la violence faite aux corps lors des colonisations. - dislocation du corps, dislocation de la société, dislocation du continent > dislocation de la civilisation : la violence creuse des failles ce qu'appuie le rythme ternaire de la l. 21 : « qu'il sourd, qu'il perce, qu'il goutte » avant de « fissur[er] » la civilisation occidentale l. 22. Transition : Césaire en appelle donc aux peurs les plus profondes et archaïques de son destinataire afin de faire passer son message (aspect persuasif). Son texte se fait alors un réquisitoire sans appel contre le racisme, à l'origine de toute colonisation et qu'il dénonce sur le registre polémique. III. Une dénonciation virulente Tout ce texte n'est qu'une dénonciation du racisme, utilisé comme justification de toute colonisation quelle qu'elle soit. Césaire va alors user de tous les procédés propres au registre polémique pour en faire le réquisitoire. a. Un racisme qui est de la responsabilité de tous Césaire recourt à de multiples procédés oratoires afin de dénoncer les mécanismes mis en place par le racisme. - Ainsi, les rythmes binaires, utilisés abondamment dans le texte, visent le plus souvent à établir la responsabilité de tout un chacun, notamment dans le 3e §. L. 15 « On s'étonne, on s'indigne » relayé par « on attend, on espère » l. 16 et enfin « on l'a cultivé, on en est responsable » l. 21, marquant bien la logique implacable de l'installation du racisme. C'est bien l'indifférence qui  lui permet de proliférer. b. Utilisation du rythme de la phrase au service de la dénonciation -  Utilisation de très longues phrases qui donnent à la fois du lyrisme au propos mais également beaucoup d'emphase permettant une persuasion plus efficace : le 1er § n'est constitué que d'une seule longue phrase, comme quasiment la totalité du 3e §. Longueur des phrases qui en accentue l'importance. - Ces longues phrases sont assimilables à des périodes rhétoriques dont l'acmé met en valeur les conduites qui suscitent l'indignation de Césaire : 1er § : acmé « un acquis de la civilisation », « une régression universelle », « la gangrène », « un foyer d'infection » > tous ces termes renvoyant au racisme évoqué dans le GN « cet orgueil racial » évoquant l'ethnocentrisme. 3e§ : plusieurs apodoses qui  fusionnent dans l'engloutissement annoncé de la civilisation, vision apocalyptique de la fin d'un monde. c. Un propos théâtralisé - utilisation du présent d'énonciation l. 12 après des procédés de retardement : deux CC de temps, image en complément d'agent > « un formidable choc » qui n'est expliqué qu'après les deux points > mise en valeur de la rapidité de l'attaque et de la passivité des complices inconscients du nazisme (d'ailleurs voie passive dans la première partie de la phrase « est réveillée » alors que la gestapo est en position d' « activité » dans la suite de la phrase) - Utilisation de DD qui décrédibilise le discours naïf des complices du nazisme et du racisme > bêtise et simplicité de ce discours. Conclusion - Texte engagé de Césaire qui use de toutes les ressources de l' éloquence pour dénoncer le colonialisme et la racisme qui sous-tend tous ses méfaits > d'une argumentation raisonnée et implacable, à un discours imagé et combattif qui révèle l'indignation d'un homme face à ceux qui s'arrogent le droit de soumettre d'autres peuples. -Texte qui joue sur le paradoxe d'un Occidental qui devient plus sauvage que celui qu'il tente de dominer > mécanisme dont Claude Lévi-Strauss démontrera la validité dans le chapitre 3 consacré à l'ethnocentrisme de son livre Race et histoire.

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