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Peinture Renaissance

Publié le 25/04/2014

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Au moyen âge les images ont un rôle essentiellement pédagogique, elles doivent enseigner les faits de la religion. Ceux qui les réalisent sont des artisans qui n'hésitent pas à représenter en plus grands dans l'image ceux dont l'importance dans le récit doit être soulignée. L'artisan disparaît derrière derrière son travail. Mais à la fin du moyen-âge, alors que la guerre de Cent Ans finit d'abattre le système féodal, le langage de l'art se transforme, le récit évolue, ses thèmes se renouvellent et l'artiste grandit derrière l'artisan. Comment ce changement dans la forme du récit avec le retour à des thèmes antiques conduit à une modification de la nature de celui qui le produit ? I/ Le langage dans l'art se transforme (les sujets antiques comme métaphores picturales) D'images à vocation pédagogique, il se complexifie et le récit qu'il produit se construit maintenant en utilisant la métaphore et la métonymie. Cette complexité nouvelle trouve progressivement sa place car nous savons depuis Aristote que la force d'une métaphore réside dans la reconnaissance suscitée au sein de l'auditoire, il faut donc que ce langage nouveau soit compris. Cela se fait bien sûr lentement, par paliers, mais en répondant forcément à une aspiration sociale fondée sur l'évolution des modes de pensée et du mode de vie. Les techniques évoluent, la perspective permet de faire vivre dans l'image sur plusieurs plans les éléments importants sans obligatoirement leur faire occuper le centre de l'image au premier plan. Le langage évolue parce que la société change. La portée essentiellement symbolique des différentes représentations religieuses doit faire place à une expression toujours plus subtile dans laquelle la suggestion prend une place toujours plus grande à la Renaissance. J'ai choisi d'étudier le tableau Les Ambassadeurs peint par Hans Holbein le Jeune en 1533, actuellement conservé à la National Gallery de Londres pour illustrer la transformation du langage avec l'apparition des figures de styles dans la peinture. 1er plan A gauche : Jean de Dinteville, ambassadeur de France en Angleterre, dit « de robe courte », détenteur du pv politique. C'est le commanditaire du tableau A droite : Georges de Selve, ambassadeur dit de « robe longue », détenteur du pv religieux Vêtements permettent de connaître fonction des personnages, l'habit faisant le moine, c'est une métonymie. 2 e plan : sur l'axe central du tableau un symbole de « S » couché se détache du tapis. C'est la première lettre d'un mot arménien qui signifie Dieu. Le luth : instrument symbole de l'harmonie, or une corde a sauté, cela symbolise le début de la lutte entre protestants et catholiques Globe céleste et série d'instruments de navigation et d'astronomie : ils représentent les découvertes astronomiques du 15e siècle. Objets posés sont là pour montrer étendue du savoir des 2 personnages : métaphore. Et ils représentent toutes les matières du quadrivium de l'éducation humaniste (arithmétique, musique, géométrie, astronomie). Les 2 ambassadeurs, appuyés sur des outils de la connaissance symbolisent 2 humanistes érudits à l'esprit curieux et ouvert sur un monde en pleine mutation. On va plus particulièrement s'intéresser à la forme en bas du tableau : En jouant sur la perspective le peintre a déformé un détail de son tableau pour le rendre méconnaissable anamorphose A l'aide de cette vanité, il met en scène la fragilité de la vie, la valeur relative des choses, car cette forme qui ne représente rien à premiere vue est un crâne. Le crâne est le symbole de la mort et il vient rappeler que tout est soumis à la mort, que « tout est vanité ». Jean de Dinteville a pour devise Memento Mori (souviens-toi de la mort). Il est hanté par cette pensée (coiffe : broche en forme de crâne) Il y a ici une filiation avec l'Antiquité, car dans la Rome Antique cette phrase était répétée par un esclave au général romain lors de la cérémonie du triomphe dans les rues de Rome. Debout derrière le général victorieux, un serviteur devait lui rappeler que, malgré son succès d'aujourd'hui, le lendemain était un autre jour. II/ Le récit évolue L'homme prend une place toujours plus grande dans les représentations Avec son célèbre homme de Vitruve, Léonard de Vinci corrige l'enseignement antique des proportions de Vitruve, architecte et ingénieur de l'époque romaine. La filiation Antiquité/Renaissance montre que ce réveil ne se cantonne pas à une simple copie, l'homme n'est plus figé mais en mouvement, il est capable de se mouvoir à l'intérieur de formes parfaites. Les thèmes se renouvellent. Les arts italiens redécouvrent une Antiquité disparue. Botticelli reprend dans son tableau La Naissance de Vénus (1485) un thème provenant d'écrits antiques que l'on relit sous un éclairage nouveau, détaché de la vision chrétienne. Les peintres s'inspiraient de recueils rassemblant les mythes antiques ce qui leur donnait un large éventail de choix. Comme le veut la mythologie, Venus naît de la mer où les organes génitaux de son père, Ouranos, mutilé par son fils, tombent. Placée au centre, mise en valeur par le travail de la lumière, la déesse est prise en main par les personnages qui sont à ses côtés. A gauche, sont placés Zéphyr et sa femme, les corps entrelacés accentués par la couleur verte des ailes du Dieu et la cape de la nymphe ainsi qu'une Heure à droite (l'une des filles de Zeus, ici la déesse du printemps). Les poètes de l'antiquité n'avaient pas cessé d'être connus au cours du Moyen-Age, mais ce n'est qu'au temps de la Renaissance, lorsque les italiens s'efforcèrent de faire revire la gloire de l'ancienne Rome, que les mythes antiques devinrent familiers aux cercles cultivés. Ils avaient tant de respect pour la sagesse des Anciens qu'à leur sens les légendes antiques portaient en elles une vérité mystérieuse et profonde. Pour ces lettrés, la naissance de la déesse symbolisait l'apparition en ce monde du divin message de la Beauté. La Vénus de Botticelli est si belle que nous remarquons à peine l'étrange longueur de son cou, ses épaules tombantes et la maladresse avec laquelle son bras gauche s'attache à son corps. Il faudrait plutôt dire que ces libertés prises par le peintre ajoutent à la beauté et à l'harmonie de de l'oeuvre parce qu'elles contribuent à nous donner l'impression d'une créature tendre et délicate. À partir de la Renaissance, même si la syntaxe reste encore très contrainte, les possibilités d'expression des créateurs se développent fortement et l'artiste nait alors de l'artisan. III/L'artiste perce sous l'artisan. Tout comme l'être humain s'individualise dans la société en tant qu'homme, l'artiste devient plus qu'un artisan. L'artisan possède un savoir-faire parfois exceptionnel mais l'artiste commence à la Renaissance à être recherché pour la qualité de son regard, sa signature. Ceux qui produisent des oeuvres travaillent dans des ateliers où ils gravissent les échelons qui les conduisent d'apprenti à maître pour à leur tour ensuite enseigner et transmettre leur savoir faire à ceux désireux de l'apprendre. Mais ce système évolué, les artistes sont peu à peu recherchés pour eux-mêmes d'autant que l'art qui dépendait essentiellement de la " commande publique" pénètre peu à peu la sphère privée. Les riches marchands comme les rois et les princes veulent désormais posséder chez eux ce que l'on ne voyait auparavant que dans les églises et les palais. Ainsi, le mécénat se développe : les mécènes sont des personnes riches et généreuses qui financent les artistes pour qu'ils puissent réaliser leurs oeuvres. Ils permettent ainsi aux peintres de vivre de leur art. Le mot Mécène est emprunté au latin Maecenas, nom d'un chevalier romain du 1er siècle avant JC, conseillé d'Auguste et protecteur des Belles-Lettres (en particulier de Virgile et d'Horace) Enfin, la Renaissance marque en effet une mutation profonde : longtemps sculptée sur le cadre, aux marges de l'image, la signature est désormais incorporée au sein du tableau. Cette translation révèle la mutation du statut de l'image : autrefois assimilée à une icône, une image à la vertu sacrée qu'aucune trace d'énonciation ne devait troubler, l'image peinte devient une oeuvre d'art, susceptible de porter la marque de sa provenance. Parallèlement à cette mutation du statut de l'image, la signature révèle l'individualisation de certains artistes de la Renaissance. Conclusion : Parallèlement à la place que l'homme prend dans la société, le réveil de l'humanitas antique et le développement des sciences et évolution de l'art comme langage, le statut de ceux qui le produisent, les artistes, change ? Le nom des artistes du moyen âge ne nous est pas connu à de rares exceptions près, ceux des artistes à partir de la Renaissance font partie de l'histoire. «Quand Raphaël mourut, écrit le peintre et historien Vasari, la peinture disparut avec lui. Quand il ferma les yeux, elle devint aveugle.» (1520)

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