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Freud (Sigmund)

Publié le 04/04/2015

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freud

Freud (Sigmund). Médecin autri­chien (Freiberg, auj. Pibor, Moravie, 1856 - Londres 1939).

Avec la découverte de la psychana­lyse, Freud inaugure un nouveau dis­cours qui vise à donner un statut scientifique à la psychologie. En réalité, loin d'ajouter un chapitre nouveau au domaine des sciences dites positives, il introduit une rupture radicale avec ce qui s'appellera plus tard les sciences humaines comme avec ce qui consti­tuait jusque-là le centre de la réflexion philosophique, c'est-à-dire le rapport de l'homme au monde.

QUELQUES ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES

On croit volontiers que la psychana­lyse a renouvelé l'intérêt traditionnelle­ment attribué aux événements de l'existence pour comprendre ou inter­préter le comportement et les oeuvres des hommes exceptionnels. Il n'en est rien, et Freud, là-dessus, est catégo­rique: «Qui veut devenir biographe s'engage au mensonge, à la dissimula­tion, à l'hypocrisie, et même à la dissi­mulation de son incompréhension, car la vérité biographique n'est pas acces­

sible, et le fût-elle, on ne pourrait pas s'en servir« (lettre à A. Zweig du 31 mai 1936).

Freud est né dans une famille de commerçants juifs plutôt aisés. On souligne toujours la complexité des rapports intrafamiliaux. Son père, Jakob Freud, s'était marié une première fois à 17 ans et avait eu deux fils, Emmanuel et Philippe. Veuf, il se rema­rie avec Amalia Nathanson, âgée de 20 ans, l'âge du deuxième fils de Jakob. Freud sera l'aîné des huit enfants du second mariage de son père et son camarade de jeu préféré, âgé d'à peine un an de plus que lui, est son neveu. Lorsqu'il a 3 ans, la conjoncture écono­mique provoque une chute des revenus familiaux et la famille doit quitter Frei­berg pour s'installer à Vienne, où elle ne retrouvera jamais l'aisance passée. Ce départ restera toujours douloureux pour Freud. Un point qu'il a lui-même souligné mérite d'être rappelé : l'amour sans défaillance que sa mère lui a tou­jours voué et auquel il a attribué la confiance et l'assurance dont il a fait preuve en toutes circonstances.

Il fut un très bon élève pendant ses études secondaires, et c'est sans voca­tion particulière qu'il s'engagea dans les études médicales. Deux choses sont à relever, une ambition précocement formulée et reconnue et «le voeu d'ap­porter quelque chose, durant sa vie, à la connaissance de l'humanité« (Psycho­logie des lycéens, 1914). Sa curiosité, «qui visait plus les questions humaines que les choses de la nature« (Ma vie et la psychanalyse [Selbstdarstellung , 1925), l'amène à suivre en même temps, pen­dant trois ans, les conférences de F. Brentano, dont plusieurs sont consa­crées à Aristote. Et il publie en 1880 la traduction de plusieurs textes de J. S. Mill: De l'émancipation de la femme, Platon, la Question ouvrière, le Socialisme.

Il épouse, en septembre 1886, après des fiançailles de plusieurs années, Martha Bernays, dont il aura cinq

enfants. Il est nommé en 1883 privat­docent (ce qui équivaut au titre de maître de conférences en France) et professeur honoraire en 1902. Malgré l'hostilité et les difficultés de toutes sortes, Freud refusera toujours de quit­ter Vienne. C'est seulement sous la pression de ses élèves et amis, et après l'Anschluss de mars 1938, qu'il se décide enfin, deux mois plus tard, à partir pour Londres.

LE NEUROLOGUE

Freud entre à l'Institut de physiologie, dirigé par E. Brücke, après trois ans d'études médicales, en 1876. Sa pre­mière publication paraît en 1877: Sur l'origine des racines nerveuses postérieures de la moelle épinière de l'Ammocète (Petro-myzon Planeli); la dernière, concer­nant les Paralysies cérébrales infantiles, est de 1897. Pendant ces vingt années, on peut recenser quarante articles (phy­siologie et anatomo-histologie du sys­tème nerveux).

Le travail de Freud sur l'aphasie (Une conception de l'aphasie, étude critique [Zur Auffassung der Aphasien], 1891) res­tera dans l'ombre, bien qu'il offre l'éla­boration la plus poussée et la plus remarquable de l'aphasiologie de cette époque. Ses espoirs de notoriété n'ont pas non plus été satisfaits par ses tra­vaux sur la cocaïne publiés de 1884 à 1887. Il avait découvert les propriétés analgésiques de cette substance, négli­geant les propriétés anesthésiques qui seront utilisées avec succès par K. Kol-ler. Le souvenir de cet échec sera un des éléments à l'origine de l'élaboration d'un rêve de Freud, la «monographie botanique «.

LES CIRCONSTANCES IMMÉDIATES DE LA DÉCOUVERTE DE LA PSYCHANALYSE

Freud se trouvait, au début des années 1880, dans la position de chercheur en neurophysiologie et d'auteur de tra­vaux de valeur, mais qui ne pouvait lui

permettre, en l'absence de toute for­tune personnelle, d'assurer la subsis­tance d'une famille. Malgré ses réticen­ces, la seule solution qui s'offrait à lui était d'ouvrir en ville un cabinet de consultation comme neurologue, ce qu'il fit de façon surprenante le dimanche de Pâques 25 avril 1886.

Quelques mois auparavant, il avait obtenu une bourse grâce à laquelle il put réaliser un de ses rêves, aller à Paris. C'est ainsi qu'il fit à la Salpêtrière une rencontre déterminante, celle de J. M. Charcot. Il est à noter que Char­cot ne se montra intéressé ni par les coupes histologiques que lui apporta Freud comme témoins de ses travaux, ni par le récit du traitement d'Anna O, dont son ami J. Breuer lui avait commu­niqué les éléments principaux dès 1882. Charcot ne se souciait guère de thérapeutique, mais se préoccupait de décrire et de classer les phénomènes pour tenter d'en rendre compte ration­nellement.

Freud commence par utiliser les moyens à sa disposition, l'électrothéra­pie de W. H. Erb, l'hypnose et la sug­gestion. Les difficultés rencontrées l'amènent à se rendre auprès de A. A. Liébault et de H. M. Bernheim à Nancy pendant l'été 1889. Il traduit d'ailleurs les ouvrages de ce dernier en allemand. Il y trouve la confirmation des réserves et des déceptions qu'il éprouvait lui-même envers ces métho­des.

En 1890, il réussit à convaincre son ami Breuer d'écrire avec lui un ouvrage sur l'hystérie. Leur travail en commun donnera lieu à la publication en 1893 de la Communication préliminaire qui servira d'ouverture ensuite aux Études sur l'hystérie; on y trouve déjà l'idée freudienne de la défense pour protéger le sujet d'une représentation «insup­portable « ou « incompatible «. La même année, dans un texte intitulé «Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies

motrices organiques et hystériques «, publié en français dans les Archives neu­rologiques, Freud affirme que «l'hystérie se comporte dans ses paralysies et autres manifestations comme si l'ana­tomie n'existait pas, ou comme si elle n'en avait nulle connaissance il.

Les Études sur l'hystérie, oeuvre com­mune de Breuer et Freud, paraissent en juillet 1895. Elles comportent, outre la Communication préliminaire, cinq observations de malades: la première, celle d'Anna O (Bertha Pappenheim), est rédigée par Breuer et c'est là que se trouve l'expression si heureuse de Tal-king Cure proposée par Anna O; les quatre suivantes sont dues à Freud. L'ouvrage se termine sur un texte théo­rique de Breuer et un texte sur la psy­chothérapie de l'hystérie de Freud, où l'on peut voir s'amorcer ce qui séparera les deux auteurs dès l'année suivante.

Dans l'Hérédité et l'étiologie des névro­ses, publiée en français en 1896 dans la Revue neurologique, Freud affirme en effet: «Expérience de passivité sexuelle avant la puberté ; telle est donc l'étiolo­gie spécifique de l'hystérie.« Le terme de psychanalyse y est employé pour la première fois. C'est également au cours de ces années que la réflexion de Freud sur l'interruption brutale par Breuer du traitement d'Anna O l'amène à concevoir le transfert.

Enfin, il faut signaler la rédaction en quelques semaines, à la fin de 1895, de l'Esquisse d'une psychologie scientifique (Entwurf einer Psychologie), que Freud ne publiera jamais et qui constitue dans son principe son ultime tentative pour asseoir la psychologie sur les données toutes récentes de la neurophysiologie.

À cette époque donc, Freud a aban­donné l'hypnose et la suggestion, tan­dis qu'il inaugure la technique des associations libres. Sa position doctri­nale est centrée sur la théorie du noyau pathogène constitué dans l'enfance à l'occasion d'un trauma sexuel réel résultant de la séduction par un adulte.

Le symptôme est la conséquence du refoulement des représentations in­supportables constituant ce noyau, et le traitement consiste à ramener à la conscience les éléments comme on ex­trait un «corps étranger «, la disparition du symptôme étant la conséquence de la levée du refoulement.

LES TROIS LIVRES FONDAMENTAUX SUR L'INCONSCIENT

Pendant les quelques années qui pré­cèdent la publication de l'Interprétation des rêves, Freud introduit dans la noso­graphie, à laquelle il n'est pas indif­férent, quelques entités nouvelles. Il décrit la névrose d'angoisse en la sépa­rant de la catégorie assez hétéroclite de la neurasthénie. Il isole pour la pre­mière fois la névrose obsessionnelle (allem. Zwangneurose) et propose le concept de psychonévrose de défense dans lequel est intégrée la paranoïa.

Mais la tâche principale est celle de son autoanalyse, terme qu'il emploiera pendant un temps très court. Voici ce qu'il en dit dans la lettre à W. Fliess du 14 novembre 1897: «Mon autoanalyse reste toujours en plan. J'en ai mainte­nant compris la raison. C'est parce que je ne puis m'analyser moi-même qu'en me servant de connaissances objective­ment acquises (comme pour un étran­ger). Une vraie autoanalyse est réelle­ment impossible, sans quoi il n'y aurait plus de maladie.«

La rencontre avec Fliess remonte à 1887. Freud commence à analyser sys­tématiquement ses rêves à partir de juillet 1895. Tout se passe comme si Freud, sans s'en apercevoir d'abord, avait utilisé Fliess comme truchement pour effectuer sa propre analyse. Son père meurt le 23 octobre 1896. On peut penser que cet événement n'est pas étranger à la découverte du complexe d'CEdipe dont on trouve un an plus tard, dans la lettre à Fliess du 15 octobre 1897, la première formulation schéma­tique suivante : «Il ne m'est venu à l'es‑

prit qu'une seule idée ayant une valeur générale. J'ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d'amour envers ma mère et de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants, même quand leur apparition n'est pas aussi précoce que chez les enfants rendus hystériques (d'une façon analogue à celle de la « roman-tisation « de l'origine chez les paranoïa­ques, héros, fondateurs de religions). S'il en est bien ainsi, on comprend, en dépit de toutes les objections ration­nelles qui s'opposent à l'hypothèse d'une inexorable fatalité, l'effet saisis­sant d'CEdipe roi. On comprend aussi pourquoi tous les drames plus récents de la destinée devaient misérablement échouer... mais la légende grecque a saisi une compulsion que tous reconnaissent parce que tous l'ont res­sentie. Chaque auditeur fut un jour en germe, en imagination, un CEdipe et s'épouvante devant la réalisation de son rêve transposé dans la réalité, il frémit suivant toute la mesure du refoulement qui sépare son état infan­tile de son état actuel.« La rupture défi­nitive avec Fliess interviendra en 1902.

C'est en 1900 que paraît l'Interpréta­tion des rêves (Die Traumdeutung). Le pos­tulat de départ introduit une rupture radicale avec tous les discours anté­rieurs. L'absurdité, l'incongruité des rêves n'est pas un accident d'ordre mécanique; le rêve a un sens, ce sens est caché et ne découle pas des figures qu'utilise le rêve, mais d'un ensemble d'éléments propres au rêveur lui-même, qui fait dépendre la découverte du sens caché des « associations « pro­duites par le sujet. Il est donc exclu que ce sens puisse être déterminé sans la collaboration du rêveur.

Ce à quoi nous avons affaire, c'est un texte ; sans doute le rêve est-il princi­palement constitué d'images, mais à celles-ci il n'y a d'autre accès que le récit du rêveur qui constitue le «conte­

nu manifeste« qu'il s'agit de déchiffrer, comme Champollion a procédé avec les hiéroglyphes égyptiens, pour découvrir le «contenu latent «. Le rêve est constitué à l'aide des «restes diurnes« auxquels sont transférés les investissements affectés aux représen­tations de désir. Le rêve, en même temps qu'il protège le sommeil, assure donc, sous une forme camouflée, un certain «accomplissement de désir «. L'élaboration du rêve s'effectue à l'aide de techniques spéciales, étrangères à la pensée consciente, la condensation (un même élément représente plusieurs pensées du rêve) et le déplacement (un élément du rêve est mis à la place d'une pensée latente).

Il résulte de cette conception du rêve une structure particulière de l'appareil psychique qui fait l'objet du septième et dernier chapitre. Plus que la division en trois instances, conscient, pré­conscient, inconscient, qui spécifie ce qu'on appelle la première topique, il convient de retenir l'idée d'une divi­sion du psychisme en deux types d'ins­tances, obéissant à des lois différentes et séparées par une frontière qui n'est franchissable qu'à des conditions parti­culières, conscient-préconscient d'un côté, inconscient de l'autre. Cette cou­pure est radicale et irréductible, il ne peut jamais y avoir « synthèse «, mais seulement «tendance à la synthèse «. Le sentiment propre au moi de l'unité que constitue notre mental n'est donc qu'une illusion. Un tel appareil rend problématique l'appréhension de la réalité, qui reste à constituer par le sujet. La position de Freud ici est la même que celle exprimée dans l'Es­quisse: «L'inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. Sa nature intime nous est aussi inconnue que la réalité du monde extérieur, et la conscience nous renseigne sur lui d'une manière aussi incomplète que nos organes des sens sur le monde exté­rieur.«

Le rêve se trouve être, pour Freud, une sorte de carrefour entre le normal et le pathologique, et les conclusions concernant le rêve seront considérées par lui comme valables pour rendre compte des états névrotiques.

La Psychopathologie de la vie quoti­dienne (Zur Psychopathologie des Alltags-lebens) paraît l'année suivante, en 1901. Elle s'ouvre par l'exemple d'un oubli de nom, celui de Signorelli, analyse déjà publiée par Freud en 1898; l'oubli asso­cie dans sa détermination à la fois des motifs sexuels et l'idée de la mort. L'ou­vrage recense toute une série de petits accidents, auxquels on ne prête guère attention d'ordinaire, comme les oublis de mots, les «souvenirs de cou­verture «, les lapsus de la parole ou de l'écriture, les erreurs de lecture et d'écriture, les méprises, les actes man­qués, etc. Ces faits peuvent être consi­dérés comme des manifestations de l'inconscient aux trois conditions sui­vantes : 1. ils ne doivent pas dépasser une certaine limite fixée par notre juge­ment, c'est-à-dire ce que nous appe­lons «les limites de l'acte normal «; 2. ils doivent avoir le caractère d'un trouble momentané ; 3. ils ne peuvent être caractérisés ainsi que si les motifs nous échappent et que nous en sommes réduits à invoquer le « hasard « ou «l'inattention«.

«En mettant les actes manqués sur le même rang que les manifestations des psychonévroses, nous donnons un sens et une base à deux affirmations qu'on entend souvent répéter, à savoir qu'entre l'état nerveux normal et le fonctionnement nerveux anormal, il n'existe pas de limite nette et tranchée [...]. Tous les phénomènes en question, sans exception aucune, se laissent ramener à des matériaux psychiques incomplètement réprimés et qui, bien que refoulés par la conscience, n'ont pas perdu toute possibilité de se mani­fester et de s'exprimer.«

Le troisième texte, le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient (Der Witz

und seine Beziehung zum UnbewuBten), sort en 1905. Devant ce long et difficile texte, certains se sont demandés pour­quoi Freud avait jugé nécessaire d'ac­cumuler une quantité si grande d'exemples à travers une classification compliquée. Sans doute parce que ses thèses étaient difficiles à mettre en évi­dence. En voici les principales. «L'es­prit ne réside que dans l'expression verbale.« Les mécanismes sont les mêmes que ceux du rêve, la condensa­tion et le déplacement. Le plaisir que l'esprit engendre est lié à la technique et à la tendance satisfaite, hostile ou obscène. Mais surtout le tiers y occupe un rôle de première place, et c'est ce qui le distingue du comique. «L'esprit nécessite en général l'intervention de trois personnages : celui qui fait le mot, celui qui défraie la verve hostile ou sexuelle, enfin celui chez lequel se réa­lise l'intention de l'esprit, qui est de produire du plaisir.« Enfin, «n'est esprit que ce que j'accepte comme tel«. On comprend alors la difficulté de traduire le mot allemand Witz qui n'a pas d'équivalent en français, mais aussi la difficulté de son maniement en alle­mand du fait de ce qui vient d'être rappelé, et la diversité des exemples utilisés, histoires drôles, mots d'es­prits, calembours, contrepèteries, etc. La spécificité du Witz explique l'atten­tion que Freud porte à le distinguer du comique, distinction ainsi résumée: «l'esprit est, pour ainsi dire, au comi­que, la contribution qui lui vient du domaine de l'inconscient «.

La même année paraissent les Trois Essais sur la théorie de la sexualité (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie), où se trouve affirmée et illustrée l'impor­tance de la sexualité infantile et pro­posé un schéma de l'évolution de la libido à travers des phases caractérisées par la dominance successive des zones érogènes buccale, anale, génitale. C'est dans ce texte que l'enfant, au regard de la sexualité, est défini comme un «per‑

vers polymorphe« et que la névrose est située comme «négatif de la perver­sion«.

Entre 1905 et 1918 environ vont se succéder un grand nombre de textes concernant la technique, d'une part, et l'illustration de celle-ci par la présenta­tion de cas cliniques, d'autre part. Parmi ces derniers figurent les Cinq Psy­chanalyses:

—1905, Fragment d'une analyse d'hys­térie: c'est l'observation d'une patiente nommée Dora, centrée sur deux rêves principaux dont le travail d'interpréta­tion occupe la plus grande partie;

en 1909, Analyse d'une phobie d'un petit garçon de cinq ans (le petit Hans): Freud y vérifie l'exactitude des «recons­titutions« effectuées chez l'adulte;

—1909 également, Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (l'Homme aux rats): l'analyse est dominée par un voeu de mort inconscient et Freud s'étonne de vérifier «encore mieux« chez un obsessionnel ses découvertes faites dans l'étude de l'hystérie;

1911, Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa (le président Schreber): la particularité de cette analyse tient au fait que Freud n'a jamais rencontré le patient, se contentant de travailler sur les Mémoi­res écrits par celui-ci pour exposer sa maladie et en faire valoir l'intérêt scien­tifique;

1918, enfin, Extrait de l'histoire d'une névrose infantile (l'Homme aux loups): cette observation présentait pour Freud une importance toute parti­culière. Elle apportait la preuve de l'existence, chez l'enfant, d'une névrose parfaitement constituée, qu'elle soit apparente ou non, celle de l'adulte n'étant que l'extériorisation et la répé­tition de la névrose infantile ; elle démontrait l'importance des motifs libidinaux et l'absence d'aspirations culturelles, cela contre C. Jung; elle donnait une illustration précise de la constitution du fantasme et de la place de la scène primitive.

Il convient de signaler que la solitude de Freud, qui a duré de nombreuses années, a cessé aux alentours de 1906 avec la constitution de la Société du mercredi, jour de réunion des premiers adeptes, rapidement transformée en Société psychanalytique de Vienne.

C'est en 1910 que Freud fonde la Société internationale de psychanalyse dont le premier président est Jung.

LES COMPLÉMENTS NÉCESSAIRES

Sous ce titre, on peut essayer de ras­sembler un certain nombre de thèmes qui, quoique présents bien souvent dans les premiers écrits, n'ont été éla­borés par Freud qu'assez tardivement. C'est d'abord la question du père trai­tée avec une ampleur exceptionnelle dans Totem et tabou en 1912-13, reprise à partir d'un exemple particulier dans Moïse et le monothéisme (1932-1938). Elle constitue un des points les plus diffi­ciles de la doctrine de Freud, du fait du polymorphisme de la fonction pater­nelle dans son oeuvre. Puis c'est le concept de narcissisme qui fait l'objet du grand article de 1914 Pour introduire le narcissisme, nécessaire pour lever les difficultés rencontrées dans l'analyse de Schreber et tenter de rendre compte des psychoses, mais aussi pour ébau­cher une théorie du moi. L'Inquiétante Étrangeté (Das Unheimliche), publiée en 1919, concerne plus spécialement la problématique de la castration. Mais le bouleversement le plus considérable vient de la conceptualisation de l'auto­matisme de répétition et de l'instinct de mort qui sont le sujet de Au-delà du principe de plaisir (Jenseits des Lustprin-zips, 1920). La théorie du moi et l'iden­tification seront les thèmes centraux de Psychologie collective et analyse du moi (Massenpsychologie und Ich-Analyse, 1921).

La Dénégation (Die Verneinung, 1925) enfin vient souligner la primauté de la parole dans l'expérience psychanaly­tique, en même temps qu'elle définit

un mode particulier de présentification de l'inconscient.

LES REMANIEMENTS DOCTRINAUX

Freud n'a jamais cessé de tenter le ras­semblement, dans une visée qu'il appelle métapsychologique, des dé­couvertes que sa technique lui a per­mises et des élaborations qui n'ont jamais cessé d'accompagner sa pra­tique, tout en soulignant que cet effort ne devait pas être interprété comme la tentative de constitution d'une nou­velle «vision du monde« (Weltan­schauung).

Certains remaniements valent com­me des corrections de positions anté­rieures. C'est le cas de la théorie du fantasme qui remplacera autour de 1910 la première théorie traumatique de la séduction précoce (Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, 1907; For­mulation sur les deux principes de l'événe­ment psychique, 1911; «l'Homme aux loups «, 1918).

C'est le cas aussi du masochisme, considéré d'abord comme un renverse­ment du sadisme. Les thèses de Au-delà du principe de plaisir rendront conce­vable l'idée d'un masochisme primaire que Freud sera amené à faire équiva­loir, dans les Problèmes économiques du masochisme (1925), à l'instinct de mort et au sentiment de culpabilité irréduc­tible et inexpliqué que révèlent cer­taines analyses.

De façon sans doute arbitraire, on peut ranger dans les remaniements nécessités par l'usure des termes (étant entendu que bien d'autres motifs les justifient) l'introduction de la deuxième topique, constituée des trois instances, ça, moi et surmoi (le Aloi et le Ça (Das 'ch und das Es], 1923), les nouvelles considérations sur l'angoisse, comme signal de danger (Inhibition, symptôme et angoisse [Hemmung, Symptom und Angst], 1926), le dernier texte, enfin, inachevé, le Clivage du moi dans le proces­sus de défense (Die Ichspaltung im

Abwehrvorgang, 1938). Dans ce texte, Freud annonce que, malgré les appa­rences, ce qu'il va dire, en reprenant l'observation de l'article de 1927 sur le fétichisme, est, là encore, tout à fait nouveau. Et, en effet, les formulations qui y sont proposées se présentent bien comme l'amorce d'un remodelage de l'ensemble de l'économie de sa doc­trine.

Deux textes ont un statut apparem­ment un peu particulier dans l'oeuvre de Freud. Ce sont l'Avenir d'une illusion (Die Zukunft einer Illusion), publié en 1927, qui examine la question de la religion, et le Malaise dans la civilisation (Das Unbehagen in der Kultur, 1929), consacré au problème du bonheur considéré par Freud comme inattei-gnable et aux exigences exorbitantes de l'organisation sociale envers le sujet humain.

 

Il s'agit bien en effet de la considéra­tion de phénomènes sociaux à la lumière de l'expérience psychanaly­tique. En réalité, comme toujours chez Freud, l'angle choisi pour traiter quel­que question que ce soit lui sert avant tout à apporter des précisions ou des mises au point sur des aspects impor­tants de l'expérience. Ce sont, dans l'Avenir, la question du père et celle de Dieu comme son corollaire ; dans le Malaise, la méchanceté fondamentale de l'être humain et la constatation paradoxale que plus le sujet satisfait aux impératifs moraux, ceux du sur­moi, plus celui-ci se montre exigeant.

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