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identité sexuelle

Publié le 04/04/2015

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identité sexuelle (angl. Gender Identity; allem. Sexuelle Identitàt). Fait de se reconnaître et d'être reconnu comme appartenant à un sexe.

SEXE ET IDENTITÉ SEXUELLE

Le concept d'« identité sexuelle «, intro­duit par R. Stoller en 1968, vise à établir une distinction entre les données bio‑

logiques, qui font objectivement d'un individu un mâle ou une femelle, et celles, psychologiques et sociales, qui l'installent dans la conviction d'être un homme ou une femme.

De ce fait, la traduction par identité sexuelle de Gender Identity n'est pas très heureuse, parce qu'elle élimine en partie l'opposition, voulue par Stoller, entre Sex et Gender, Sex étant réservé au sexe biologique. La détermination de celui-ci dépend d'un certain nombre de facteurs physiques, objectivement mesurables, qui sont le génotype (X( femelle et XY mâle), le dosage hor­monal, la constitution des organes génitaux externes et internes et les caractères sexuels secondaires. La somme de ces éléments aboutit, dans la plupart des cas, à une détermination globale « mâle « ou « femelle « non équi­voque, même s'il existe chez tous les êtres humains, à ce niveau même, une certaine bisexualité due à l'indifféren­ciation originelle de l'embryon. On trouve ainsi des hormones mâles et femelles, dans des proportions diffé­rentes, chez les individus des deux sexes, de même que l'on reconnaît dans les organes masculins et féminins le résultat de l'évolution ou de l'involu­tion de mêmes organes originels.

Dans certains cas se présentent des anomalies physiologiques qui vont de l'aberration chromosomique à l'ambi­guïté des attributs anatomiques. Elles produisent des situations d'intersexua­lité, repérées depuis très longtemps sous le terme vague d'hermaphroditisme et qui ont été les premières à soulever des questions d'ordre psychologique sur l'identité sexuelle, du fait des pro­blèmes évidents que de telles anoma­lies posent quant à l'attribution du sexe.

LES ANOMALIES BIOLOGIQUES

Cependant, ces données biologiques n'interviennent que partiellement dans ce qui constitue le noyau de l'identité

sexuelle. En effet, on a pu constater que, dans le cas d'anomalies physiolo­giques, on se trouvait en présence des développements les plus divers de l'identité sexuelle, selon la manière dont l'entourage de l'enfant y avait réagi. Un des exemples les plus frap­pants exposés par Stoller est celui du développement d'une identité sexuelle féminine normale chez une personne XO, c'est-à-dire neutre sur le plan chro­mosomique, dépourvue donc d'utérus et d'activité hormonale femelle, du fait que, dès sa naissance, ses parents l'avaient reconnue sans hésitation comme fille. Par contre, dans des cas où le caractère anormal des organes géni­taux externes provoque la perplexité et l'inquiétude chez les parents, la ques­tion de son sexe se posera à l'enfant sur un mode problématique, dont l'évolu­tion dépendra à chaque fois de l'his­toire singulière du sujet.

Ce genre d'observations justifie à lui seul la conception selon laquelle l'élé­ment majeur dans la constitution de l'identité sexuelle est d'ordre psy­chologique. Mais les cas les plus inté­ressants sont néanmoins ceux dans lesquels ne se présente aucune anoma­lie d'ordre biologique et qui pourtant posent un problème d'identité sexuelle.

C'est à partir de cas de ce genre que S. Freud, dès les Trois Essais sur la théorie de la sexualité (1905), pouvait affirmer qu'une grande part de ce qu'on appelle sexualité est pour chacun déterminée par des expériences de la vie infantile et ne dépend donc pas seulement de l'hé­rédité et des facteurs organiques, ce qui lui permettait de distinguer, en parti­culier à propos de l'homosexualité féminine (1920), les caractères sexuels physiques des caractères sexuels psy­chiques.

LE TRANSSEXUALISME

L'illustration la plus démonstrative de cette dissociation entre le biologique et

le psychique est offerte par les trans­sexuels. Ce sont en effet des individus qui ne présentent aucune anomalie biologique ou même simplement ana­tomique et qui, tout en convenant de la réalité de leur anatomie sexuelle, ont la conviction d'appartenir à l'autre sexe. Ils se présentent comme «une femme dans un corps d'homme « ou, plus rare­ment, l'inverse et, le plus souvent, réclament la « rectification « chirurgi­cale de leur anatomie dans le sens de ce qu'ils considèrent comme leur identité profonde.

Pour cerner la question qu'ils posent, il convient de les distinguer de plu­sieurs autres cas avec lesquels ils ris­quent d'être confondus. Tout d'abord, ils ne s'identifient pas à l'autre sexe de manière inconsciente, dans leurs rêves ou dans certains de leurs comporte­ments, c'est-à-dire que leur revendica­tion ne se présente pas sous la forme propre à la névrose. D'autre part, il ne faut pas non plus les confondre avec les travestis fétichistes, qui jouissent préci­sément de la présence de leur pénis sous les vêtements féminins et ne remettent donc pas du tout en question leur identité masculine.

Enfin, ce ne sont pas non plus des homosexuels efféminés, qui, même s'ils jouent parfois le rôle d'une femme au point même de se travestir, le font comme une parodie et conservent à leur pénis une fonction essentielle dans leur vie sexuelle. Seuls les transsexuels exigent l'ablation de leur organe viril, afin de rendre leur corps conforme au sexe dont ils revendiquent l'identité.

Ils constituent donc une entité singu­lière, qui pose des problèmes tout à fait spécifiques. En effet, si les observations de transsexuels, nombreuses aujour­d'hui, éclairent la genèse de cette pro­blématique, l'interprétation à laquelle elles conduisent généralement n'est pas sans poser des questions, qui rejail­lissent sur toute la théorie de l'identité sexuelle.

FORMATION DE L'IDENTITÉ TRANSSEXUELLE

Le premier constat est que les trans­sexuels, quoique désirés comme gar­çons, reconnus sans équivoque et bien acceptés comme tels, présentent dès leur petite enfance un comportement féminin, aussi bien dans leurs choix vestimentaires, leurs jeux, que dans leur gestuelle, leurs intonations de voix et leur vocabulaire.

D'autre part, leurs mères sont décri­tes comme présentant certaines carac­téristiques communes, qui sont de s'être mariées tard et sans enthou­siasme avec des hommes qui ne comp­tent guère et s'absentent beaucoup, d'avoir eu avec leurs fils une relation de proximité physique très étroite beau­coup plus longtemps qu'il n'est habi­tuel et, enfin, de ne voir aucune objection, bien au contraire même, aux conduites féminines de leurs fils.

Cette relation, Stoller la qualifie de « symbiotique « mais la distingue de celle qui unit la mère du schizophrène à son enfant en ce qu'il n'existerait ici aucune source de souffrance, aucun double bind, simplement l'installation sans conflit d'une identité féminine dans la période pré-oedipienne par un processus d'identification induit par la mère et dont toute problématique phallique serait exclue.

UNE THÉORIE ANTIFREUDIENNE

On voit donc que la théorie de Stoller est clairement antifreudienne sur ce point. L'origine de l'identité sexuelle se situe en effet pour lui dès l'âge de un an et demi à deux ans, indépendamment des complexes d'CEdipe et de castra­tion. Conformément aux positions de K. Horney et de E. Jones, il considère comme obsolète la conception d'une libido unique et donc du caractère fon­dateur et central du phallus pour les deux sexes.

Outre que l'usage qu'il fait du terme phallus n'indique pas clairement qu'il

ait saisi la portée qu'il a chez Freud, cette prise de position a pour consé­quence, en ce qui concerne le trans­sexualisme, de rendre impossible sa définition en tant que structure patho­logique. Ce ne peut être ni une névrose ni une perversion, puisque cette struc­ture est antérieure à la problématique oedipienne, et pourtant ce n'est pas non plus une psychose, puisque le trans­sexualisme s'installe sans conflit et sans double lien, point de vue confirmé à ses yeux par le constat que les capaci­tés d'intégration sociale de ces patients restent intactes.

Ce dernier point pose pourtant un problème sérieux parce qu'il n'est pas sans conséquences sur la conduite à tenir par rapport à la demande d'inter­vention chirurgicale faite par les trans­sexuels. En toute logique, si l'on suit le raisonnement de Stoller, on ne voit pas en effet pourquoi on refuserait cette demande puisqu'elle n'est ni névro­tique, ni perverse, ni psychotique, et en quoi une identité transsexuelle bien ancrée ne trouverait pas une solution bénéfique dans la chirurgie.

Or, Stoller lui-même ne tire pas du tout de telles conclusions de sa théorie. Au contraire, il s'est toujours opposé fermement à ces interventions, forcé de reconnaître par l'expérience que les suites de ces opérations sont loin de présenter le caractère idyllique que rêvent les transsexuels et leurs chirur­giens. Il remarque même que les trans­sexuels opérés continuent inévitable­ment leur quête vers d'autres objectifs de plus en plus inaccessibles.

Quelles conclusions peut-on tirer de ces contradictions ?

IDENTITÉ SEXUELLE ET INCONSCIENT

Sans doute la définition de la psychose à laquelle Stoller se réfère est-elle insuf­fisante pour répondre à la question que pose le transsexualisme. Elle va de pair avec la manière simpliste dont il conçoit la problématique phallique. En

effet, alors qu'il reconnaît que ces mères de transsexuels se comportent avec leur enfant comme s'il était une partie d'elles-mêmes, plus précisément une partie de leur corps — il va jusqu'à dire leur phallus —, faute d'établir la distinction nécessaire entre castration imaginaire, réelle et symbolique, il ne peut tirer de ce constat la conséquence qui s'impose, à savoir qu'elles ins­tallent ainsi, du fait même de l'absence en elles de désir pour un homme qui viendrait les séparer de leur enfant, une situation propice à l'éclosion de la psy­chose. Cet enfant, ainsi privé de castra­tion symbolique, ne pourra qu'être le phallus imaginaire de sa mère, ce qui exclura pour lui qu'il puisse l'avoir. Pro­blématique qu'il posera dorénavant toujours dans ces termes : être, au prix d'une castration réelle, non pas une femme entre autres, mais la Femme, celle qui, il en fera douloureusement et interminablement l'épreuve, n'existe pas. Pour le président Schreber aussi, c'était ,‹ une chose singulièrement belle que d'être une femme «, mais, et c'est ce qui signe la psychose, il s'agissait d'être la femme de Dieu.

Cette difficulté, que soulève exem­plairement la compréhension du trans­sexualisme, rejaillit évidemment sur le concept d'identité sexuelle dans son ensemble, du fait essentiellement de l'insuffisance de ses références analy­tiques. C'est ainsi que Stoller, malgré ses propres réticences devant un terme aussi imprécis, se voit contraint de faire appel à une «force biologique «, à côté des données physiologiques et psy­chologiques, pour rendre compte de certaines aberrations du comporte­ment que ces dernières ne suffisent pas à expliquer. Par exemple, dans le cas d'une petite fille qui, dès sa plus tendre enfance, se conduisait, avec une mère selon lui parfaitement féminine, comme un petit garçon, c'est-à-dire avec impétuosité, brutalité et violence, seule à son avis pouvait être incriminée une «force biologique« mâle.

On voit là, sans entrer davantage dans les détails, à quel point cette approche, fondée essentiellement sur l'observation des comportements et la référence à des modèles sociologiques, est insuffisante pour rendre compte de ces problèmes d'identité sexuelle. Ce qui lui manque, à l'évidence, c'est la dimension, proprement psychanaly­tique, de l'inconscient, dont il semble qu'elle se soit perdue, après Freud, dans les développements anglo-saxons de son enseignement, au profit d'une psychologie du moi, auquel le terme d'identité sexuelle fait clairement réfé­rence.

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