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Toutes les sociétés, même les plus industrielles et urbaines, ont un passé majoritairement rural et agricole.

Publié le 23/10/2013

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Toutes les sociétés, même les plus industrielles et urbaines, ont un passé majoritairement rural et agricole. L'histoire des campagnes est donc aussi riche que celle des civilisations. Pourtant, on la place volontiers sous le signe de l'immobilisme et du retard : les temps modernes des campagnes font figure de Moyen Âge prolongé, et l'on ne voit en elles depuis le XIX e siècle qu'un musée des traditions et du folklore. Elles connaissent cependant de nombreuses et profondes mutations. Pour tous, le terme de campagne s'oppose à celui de ville ; les campagnes couvrent ainsi, avec les forêts, l'essentiel des terres émergées où l'agriculture est possible. Elles dépendent donc des conditions naturelles. Mais, à la différence de tout espace rural non cultivé, elles sont d'abord des créations humaines. Pas plus que « paysan « n'est synonyme d'agriculteur, leur histoire ne se réduit à celle de l'économie agricole. Toujours peuplée et aménagée, la campagne s'oppose aussi à la nature sauvage : elle porte souvent la marque de siècles de civilisation. Après avoir été longtemps l'objet d'étude d'une histoire locale aux horizons limités, les campagnes sont devenues depuis les années trente celui de l'histoire économique et sociale, des longues durées et des masses anonymes, associant les autres sciences humaines (démographie, sociologie, ethnologie, géographie) à l'étude du « peuple paysan «, si mal connu jusqu'au XVIIIe siècle. Les origines : première domestication de la nature Il est vain de vouloir dater la naissance des campagnes. Au cours de la longue « révolution néolithique «, l'agriculture s'est substituée à l'économie de cueillette. Sa diffusion à partir de la Mésopotamie (le Croissant fertile : VIIIe millénaire), puis des autres foyers (Europe et Amérique centrale : VIIIe millénaire ; Extrême-Orient : VIe millénaire) fut lente. Il fallut attendre encore longtemps pour passer d'une agriculture de brûlis sur champs itinérants à des champs permanents, à des plantes plus nutritives et à un habitat fixe. En effet, les campagnes sont nées quand de petites communautés de cultivateurs plus nombreuses, solidaires et fortes, se sédentarisèrent dans une nature partiellement maîtrisée. Mais les migrations, les « invasions « de peuples souvent nomades et éleveurs fixèrent aussi leurs traits : l'introduction du cheval en Europe, qui s'accompagne d'une différenciation sociale, fut l'oeuvre des Celtes (1500 à 500 avant J.-C.), alors que le seigle, les pois, l'araire et le boeuf de trait vinrent du Moyen-Orient. Les Gaulois connaissaient la charrue ; la colonisation romaine imposa une organisation systématique, avec les villas, le découpage parcellaire et une différenciation des terroirs ( ager, « cultivé «, et saltus, « pâturé «). Le « colon «, petit exploitant indépendant des premiers siècles de notre ère, fit de la triade murs-homme-champs la base des structures agraires ; en ce sens, il est l'ancêtre du « paysan «. Par vagues, les défrichements étendirent les clairières : d'abord les bons terroirs (ou « pays «), puis leurs marges. Les campagnes des autres continents durent aussi leur physionomie à ce long cumul technique et culturel : si le riz cultivé vient de l'Inde, la civilisation chinoise fut le meilleur véhicule de la riziculture irriguée intensive. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats ager agriculture - Histoire de l'agriculture cueillette (économie de) défrichement domestication forêt - Histoire de la forêt française - De l'Antiquité à l'an 1000 habitat - L'habitat rural - Introduction saltus techniques (histoire des) - Le néolithique villa Les livres campagne - maquette d'un manse carolingien, page 832, volume 2 campagne - le labour et les semailles , mosaïque romaine de Saint-Romain-enGal, IIIe siècle, page 833, volume 2 Les campagnes traditionnelles : un monde relativement stable Jusqu'au XIXe siècle, et souvent jusqu'au XXe , la campagne fut le cadre de vie quotidien, l'unique horizon de 90 % de l'humanité. L'agriculture était la base de l'économie, et les ruraux vivaient en autarcie, fabriquant eux-mêmes, jusqu'à la révolution industrielle, leur outillage et leur habillement. Les XIe , XIIe et XIIIe siècles connurent une première révolution agricole : extension des défrichements (les « essarts «) par les communautés paysannes ou les ordres monastiques ; diffusion de certaines techniques comme l'assolement triennal, qui permit, dans le Bassin parisien, de réduire la jachère (terre en repos) et d'accroître les subsistances. C'est ainsi que s'ouvrit le « Beau Moyen Âge « du XIIIe siècle. Les générations paysannes qui se succédèrent en Europe jusqu'au XIXe siècle furent celles d'un « monde plein «, aux paysages stables et humanisés. Les densités évoluaient peu : la population française oscillait entre 15 et 18 millions d'habitants. D'autres civilisations ont atteint cet équilibre agraire avec des densités supérieures (Asie des moussons) ou inférieures (Afrique « sèche «). Dans ces campagnes traditionnelles, l'encadrement économique et sociopolitique des individus reposait sur trois éléments. La famille, plus ou moins nombreuse, aisée ou hiérarchique, était toujours relativement autonome. Maintes fermes françaises portent encore le nom d'un « lignage « paysan abrité durant plusieurs siècles. Ce cadre intimiste du « foyer « s'insérait dans celui, plus communautaire, du village. Quand l'habitat était groupé au coeur du finage (dans les openfields, ou « champagnes «, du Bassin parisien), certains travaux agricoles étaient collectifs. Quand l'habitat était dispersé (bocages normand et breton), l'individualisme était plus grand, mais la communauté restait représentée par son église, ses fêtes religieuses ou son cimetière. Partout en Europe occidentale, la gestion des terres et des troupeaux collectifs (les « communaux «) ou de l'irrigation par l'assemblée des chefs de famille permettait un certain égalitarisme politique, garanti par les « chartes de franchise « remontant parfois à la fondation des villages. Ces libertés villageoises protégeaient les individus du troisième cadre, d'origine immémoriale : la seigneurie féodale. Sur un territoire donné (le « fief «), celle-ci établissait entre seigneurs (souvent nobles, mais aussi ecclésiastiques) et tenanciers des liens économiques (impôts en argent, le cens, ou en nature, le champart) et juridiques (pour les serfs, pas de liberté matrimoniale ; pour tous, la justice seigneuriale). Si certaines terres étaient libres de redevance (les alleux), la « réserve seigneuriale « était cultivée par le système des corvées paysannes. Les châteaux, qui dominent encore le paysage de bien des campagnes occidentales, témoignent de ces siècles d'aliénation partielle de la liberté et de la propriété rurales sous l'Ancien Régime. Pourtant, ce monde n'était ni immobile, ni homogène. En France, les paysans s'émancipèrent peu à peu : le servage recula, souvent sous l'impulsion du gouvernement central, et l'inflation dévalorisa les redevances en argent. Certains rendements s'élevaient. Mais, périodiquement, de grandes crises économiques et sociales, dont on évoque parfois le caractère régulateur, retardaient ces progrès, laminaient ces acquis. Celles de 13401450 et de 1550-1700 amenèrent le retour des grands fléaux, famine et épidémies, et des révoltes (jacqueries médiévales, croquants de l'époque moderne). Chaque fois, des familles étaient plongées dans la misère, et l'écart se creusait entre « laboureurs « (moyens propriétaires possédant l'attelage) et « manouvriers « ou « journaliers «, prolétaires ruraux pour qui aucune sécurité n'était jamais acquise. Ensuite, l'artisanat ne consistait pas uniquement en une activité de morte-saison : certains métiers spécialisés (tel celui de maréchal-ferrant), au même titre que certaines fonctions (curés, personnel seigneurial), établissaient au sein du village des différences de condition. Ces tendances longues s'accélérèrent au XVIe et au début du XVIIIe siècle. La bourgeoisie des villes commençait à acquérir des terres, un peu sur le modèle de l'Angleterre, où, depuis le XVI e siècle, le mouvement des « enclosures « (appropriation des terres collectives) fit naître une nouvelle aristocratie foncière (les landlords) et un premier capitalisme agraire. Enfin, et outre la différence de prospérité entre « bons « et « mauvais « pays, le choix de plantes plus commerciales (chanvre, vigne) ou le maraîchage intensif que pratiquaient les petits paysans hollandais depuis le XVe siècle témoignaient localement d'une plus grande ouverture au sein même de ce monde dominé par le troc. Que dire enfin des campagnes d'un nouveau type, nées avec les plantations coloniales sur les îles ou aux Amériques ? Leur vocation, strictement commerciale, préfigurait une des grandes révolutions rurales du XIXe siècle dans l'Ancien Monde. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats assolement bocage cens corvée croquants (révolte des) défrichement féodalité habitat - L'habitat rural - Habitat groupé et habitat dispersé jacquerie Moyen Âge - La civilisation médiévale - Un monde dominé par l'économie agricole openfield redevance - 1.DROIT réserve seigneuriale seigneurie servage techniques (histoire des) - Le Moyen Âge européen vaine pâture villa village Young Arthur Les livres campagne - visite du seigneur,, page 833, volume 2 Les campagnes dans le monde contemporain La période 1720-1850 fut pour la France le « grand siècle paysan «. Les physiocrates du XVIIIe siècle consacrèrent les productions terriennes comme base de la richesse nationale. Les densités rurales culminèrent à la veille de la révolution urbaine et industrielle ; les famines disparurent d'Europe vers 1850 ; les réseaux routier et ferroviaire désenclavèrent enfin les terroirs. Les campagnes anglaises, puis françaises, à partir de 1840, purent devenir un indispensable réservoir de main-d'oeuvre pour l'industrie naissante. L'« exode rural « toucha d'abord les paysans sans terre et les travailleurs non agricoles : « déprolétarisation « et spécialisation agricole des campagnes datent du XIX e siècle. Mais, avec l'élévation de la productivité du travail (mécanisation) et des rendements (marnage des sols, recours aux engrais après 1880), la terre avait encore trop de bras : son dépeuplement auto-entretenu fut accéléré en France par la crise de la natalité et par la Grande Guerre. La condition de ceux qui ne l'avaient pas abandonnée évolua de manière ambiguë : avec la Révolution (abolition des privilèges, vente des biens nationaux), ils avaient accédé à une pleine propriété ; par la suite, les modes de faire-valoir se clarifièrent (recul du métayage, maintien du fermage) ; certains courants politiques s'identifièrent aux ruraux (bonapartisme, radicalisme vers 1900) ; la III e République suscita un nouvel apogée du village. Pourtant, au XXe siècle, se développa un malaise paysan, dû largement au laminage tendanciel des revenus de la terre par rapport à ceux de l'industrie (crise des « ciseaux «), puis des services. Malgré les efforts considérables d'adaptation (rapide reconstruction du vignoble après le phylloxéra dans la seconde moitié du XIXe siècle ; spécialisation de régions entières comme l'Ouest dans l'élevage ; motorisation des exploitations ; essor du syndicalisme et de la coopération), les campagnes se paupérisèrent par rapport aux villes. L'atténuation actuelle du décalage entre campagnes et villes dans les pays développés tient davantage à la mort des civilisations rurales traditionnelles et à l'installation de citadins en milieu rural (la « rurbanisation «) qu'à un rattrapage dont bénéficierait le monde agricole. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats espace rural exode rural exploitation agricole fermage métayage migrations de populations mir physiocratie réforme agraire révolution industrielle - Déséquilibres et contestations de la civilisation industrielle rurbanisation structure agraire Les livres campagne - la Beauce, près de Chartres, page 835, volume 2 campagne - paysage dans la presqu'île du Cotentin, dont les bocages marquent la région, page 832, volume 2 campagne - un tracteur dans le Berry en 1912, page 834, volume 2 campagne - un marché dans l'ouest de la France, page 834, volume 2 campagne - paysans vosgiens, page 834, volume 2 campagne - une noce cévenole au début du XXe siècle, page 834, volume 2 campagne - une rizière dans la région de Gullin, page 835, volume 2 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats espace rural Les indications bibliographiques M. Bloch, les Caractères originaux de l'histoire rurale française, A. Colin, Paris, 1931. R. Dion, Essai sur la formation du paysage rural français, Flammarion, Paris, 1991. G. Duby et A. Wallon, Histoire de la France rurale, Seuil, Paris, 1975-1992. E. Le Roy Ladurie et D. Vigne, l'Inventaire des campagnes, Lattès, Paris, 1980. H. Mendras, la Fin des paysans, A. Colin, Paris, 1970.

« campagne - le labour et les semailles , mosaïque romaine de Saint-Romain-en- Gal, IIIe siècle, page 833, volume 2 Les campagnes traditionnelles : un monde relativement stable Jusqu'au XIX e siècle, et souvent jusqu'au XX e, la campagne fut le cadre de vie quotidien, l'unique horizon de 90 % de l'humanité.

L'agriculture était la base de l'économie, et les ruraux vivaient en autarcie, fabriquant eux-mêmes, jusqu'à la révolution industrielle, leur outillage et leur habillement.

Les XI e, XII e et XIII e siècles connurent une première révolution agricole : extension des défrichements (les « essarts ») par les communautés paysannes ou les ordres monastiques ; diffusion de certaines techniques comme l'assolement triennal, qui permit, dans le Bassin parisien, de réduire la jachère (terre en repos) et d'accroître les subsistances.

C'est ainsi que s'ouvrit le « Beau Moyen Âge » du XIII e siècle.

Les générations paysannes qui se succédèrent en Europe jusqu'au XIX e siècle furent celles d'un « monde plein », aux paysages stables et humanisés.

Les densités évoluaient peu : la population française oscillait entre 15 et 18 millions d'habitants.

D'autres civilisations ont atteint cet équilibre agraire avec des densités supérieures (Asie des moussons) ou inférieures (Afrique « sèche »). Dans ces campagnes traditionnelles, l'encadrement économique et sociopolitique des individus reposait sur trois éléments.

La famille, plus ou moins nombreuse, aisée ou hiérarchique, était toujours relativement autonome.

Maintes fermes françaises portent encore le nom d'un « lignage » paysan abrité durant plusieurs siècles.

Ce cadre intimiste du « foyer » s'insérait dans celui, plus communautaire, du village.

Quand l'habitat était groupé au cœur du finage (dans les openfields, ou « champagnes », du Bassin parisien), certains travaux agricoles étaient collectifs.

Quand l'habitat était dispersé (bocages normand et breton), l'individualisme était plus grand, mais la communauté restait représentée par son église, ses fêtes religieuses ou son cimetière.

Partout en Europe occidentale, la gestion des terres et des troupeaux collectifs (les « communaux ») ou de l'irrigation par l'assemblée des chefs de famille permettait un certain égalitarisme politique, garanti par les « chartes de franchise » remontant parfois à la fondation des villages. Ces libertés villageoises protégeaient les individus du troisième cadre, d'origine immémoriale : la seigneurie féodale.

Sur un territoire donné (le « fief »), celle-ci établissait entre seigneurs (souvent nobles, mais aussi ecclésiastiques) et tenanciers des liens économiques (impôts en argent, le cens, ou en nature, le champart) et juridiques (pour les serfs, pas de liberté matrimoniale ; pour tous, la justice seigneuriale).

Si certaines terres étaient libres de redevance (les alleux), la « réserve seigneuriale » était cultivée par le système des corvées paysannes.

Les châteaux, qui dominent encore le paysage de bien des campagnes occidentales, témoignent de ces siècles d'aliénation partielle de la liberté et de la propriété rurales sous l'Ancien Régime. Pourtant, ce monde n'était ni immobile, ni homogène.

En France, les paysans s'émancipèrent peu à peu : le servage recula, souvent sous l'impulsion du gouvernement central, et l'inflation dévalorisa les redevances en argent.

Certains rendements s'élevaient. Mais, périodiquement, de grandes crises économiques et sociales, dont on évoque parfois le caractère régulateur, retardaient ces progrès, laminaient ces acquis.

Celles de 1340- 1450 et de 1550-1700 amenèrent le retour des grands fléaux, famine et épidémies, et des révoltes (jacqueries médiévales, croquants de l'époque moderne).

Chaque fois, des familles étaient plongées dans la misère, et l'écart se creusait entre « laboureurs » (moyens propriétaires possédant l'attelage) et « manouvriers » ou « journaliers », prolétaires ruraux pour qui aucune sécurité n'était jamais acquise.

Ensuite, l'artisanat ne consistait pas uniquement en une activité de morte-saison : certains métiers spécialisés (tel celui de maréchal-ferrant), au même titre que certaines fonctions (curés, personnel seigneurial), établissaient au sein du village des différences de condition. Ces tendances longues s'accélérèrent au XVI e et au début du XVIII e siècle.

La bourgeoisie des villes commençait à acquérir des terres, un peu sur le modèle de l'Angleterre, où, depuis le XVI e siècle, le mouvement des « enclosures » (appropriation des terres collectives) fit naître une nouvelle aristocratie foncière (les landlords ) et un premier capitalisme agraire.

Enfin, et outre la différence de prospérité entre « bons » et « mauvais » pays, le choix de plantes plus commerciales (chanvre, vigne) ou le maraîchage intensif que pratiquaient les petits paysans hollandais depuis le XV e siècle. »

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