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Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy (fiche de lecture et critique)

Publié le 15/10/2018

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Bonheur d'occasion. Roman de Gabrielle Roy (Canada/Manitoba, 1909-1983), publié à Montréal par la Société des Editions Pascal en 1945. Réédité à Paris chez Flammarion en 1947. Prix Femina.

 

Bonheur d'occasion est un roman charnière dans l'histoire littéraire du Canada français. Il survient à point nommé dans un paysage littéraire encore essentiellement d'inspiration rurale, en dépit d'évolutions sociales notables puisque le pays est devenu urbain à plus de 63 % en 1941. Bonheur d'occasion inaugure la fresque sociale en milieu urbain dans les lettres canadiennes françaises. Mis à part Maria Chapdelaine, aucun roman « québécois » n'a connu une audience aussi vaste : celui-là est l'œuvre d'un Français, celui-ci d'une Manitobaine. Grâce sans doute à leur qualité d'étrangers au

Québec, qui leur conférait une plus grande liberté de regard et d'analyse, ils ont l'un et l'autre marqué un tournant décisif dans l'histoire de cette littérature.

 

Montréal, février 1940. Florentine Laçasse, jeune serveuse de restaurant veut s’arracher à la misère de son milieu et de son quartier populaire, Saint-Henri. Son père Azarius, ancien menuisier, incapable de trouver un métier stable, ne peut assurer la survie de sa nombreuse famille.

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« défi nouveau, la chance d'un accom­ plissement personnel, le royaume du chacun.

pour soi.

Les premiers sont vaincus d'avance tandis que les seconds réussiront leur ascension sociale non sans avoir sacrifié un peu de leur humanité.

La première génération de paysans urbanisés vit dans une société indus­ trielle mais conserve les empreintes d'une mentalité paroissiale : le quartier Saint-Henri à Montréal est une survi­ vance du village au sein de la cité.

Rose-Anna et Azarius se situent à la charnière de deux époques et semblent hésiter à pénétrer plus avant dans un présent où ils se sentent sans référence et sans identité.

Leur nouvel espace est marqué par la présence d'autres cultu• res.

Transfuges, ils deviennent étran­ gers à leur environnement et à eux­ mêmes.

Ils découvrent la solitude.

Autour de ces personnages, l'auteur à bâti une fresque sociale unique où l'observation minutieuse est sans cesse approfondie par une .

bouleversante intuition de la misère humaine.

Gabrielle Roy ne transforme pas, ou très peu, le réel, parce qu'il entre dans son projet de faire du réel l'armature même de son ouvrage.

Ici les rues, les maisons ne forment pas un cadre mais sont en quelque sorte un prolonge­ ment des hommes.

Le quartier est per­ sonnage dans la mesure où il s'identifie à la misère.

Saint-Henri est un lieu clos, un ghetto où les tentations viennent harceler ceux qui ne peuvent y accé­ der.

L'aventure de Florentine, au cœur de l'intrigue, s'inscrit en creux dans l'aventure générale de la famille Lacasse qui, elle-même, s'imbrique dans celle du quartier, celle-ci étant à son tour insérée, avec la guerre, dans l'histoire mondiale.

Les personnages de Bonheur d'occa­ sion n'ont pas de vie intérieure.

Ce qui fait la misère de Florentine n'est pas le manque d'argent, ni d'être serveuse, mais son ignorance, l'absence en elle de tout désir de changement, de toute volonté d'amélioration personnelle.

Elle n'a aucune imagination, elle ne possède aucune notion de ce qu'elle appelle l'amour et qui est à peine la caricature d'un sentiment humain.

Les événements la traversent sans rien lui ajouter.

Dans son aventure avec jean Lévesque n'entre aucune .ferveur.

Comme la plupart des personnages du roman, elle n'a pas eu d'adolescence; le seul acte décisif de sa vie, son mariage, elle le bâcle et le gâche.

Elle passe sans transition, en quel­ ques heures d'abandon, du rêve et de la jeunesse à la vie adulte et noue un pacte définitif avec la réalité.

Jean Lévesque, l'ambitieux, prêt à tout sacri­ fier à son ascension sociale, a le cou­ rage de se détacher d'elle, de résister à la pitié qu'elle lui inspire.

Outre sa qualité de témoignage sur le petit peuple montréalais, Bonheur d'occasion contient aussi une inter­ rogation sur la guerre et ses répercus­ sions dans un milieu défavorisé.

La guerre, injustice.

fondamentale érigée en institution, devient ici -paradoxe terrible - un outil de salut.

Elle permet aux hommes d'accéder à des condi­ tions de vie décentes et de retrouver une dignité.

Pour Azarius, Pitou, Bois­ vert, Alphonse, la guerre devient le moyen d'une survie et d'une libération individuelle.

Cette coïncidence entre le rachat et la destruction confère au roman une dimension apocalyptique.

Si Bonheur d'occasion est un roman social, Gabrielle Roy ne fait pas œuvre de sociologue, elle ne procède à aucune description systématique mais suggère une atmosphère générale et, par tou­ ches, pose un regard naturel et direct sur la principale réalité du milieu qu'elle dépeint : l'enfermement.

Par leur vérité, la sympathie et l'attention que leur accorde l'auteur, les personna­ ges excèdent leurs déterminations. »

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