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Chimères (les). Recueil poétique de Gérard de Nerval (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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Chimères (les). Recueil poétique de Gérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie (1808-1855), publié avec les *Filles du Feu à Paris chez Giraud en 1854. Les dates de composition s'échelonnent de 1841 à 1853 et celles de publication de 1845 à 1854, certains sonnets changeant au fil des éditions : \"El Desdichado\" (le Mousquetaire, 1853), \"Myrtho\" (l'Artiste, 1854 ; la composition remonte sans doute à 1841), \"Horus\" (les Filles du Feu, 1854 ; première version 1841), \"Antéros\" (les Filles du Feu, 1854), \"Delfica\" (l'Artiste, 1845 ; première version 1841), \"Arté-mis\" (les Filles du Feu, 1854), \"le Christ aux Oliviers\" (l'Artiste, 1844), \"Vers
dorés\" (l'Artiste, 1845 ; première version 1841).
 
Si les douze sonnets des Chimères couronnent la production poétique de Nerval, la poésie émaille tout son chemin de prosateur : il fait paraître dès 1826 des Élégies nationales et Satires politiques, et en 1832 et 1835 il publie des Odelettes dont cinq seront reprises dans la Bohème galante (1852) et dans Petits Châteaux de Bohême (1853).
 
Abstraction faite de la signification mythologique du mot « chimère », le titre du recueil a pu être inspiré à Nerval par le texte de Dumas cité dans la Préface des Filles du Feu : le poète y est appelé un « guide entraînant dans le pays des chimères et des hallucinations ».
 
Les Chimères sont composées de douze sonnets qu’il est possible de séparer en deux groupes, de six sonnets chacun.
 
“El Desdichado”, “Myrtho”, “Horus”, \"Antéros\", \"Delfica\" et \"Artémis\" se fondent pour une large part sur un matériau mythologique gréco-romain ou égyptien. Ils installent un « je », éventuellement un « nous » (dans la partie médiane du groupe, formée par “Horus\" et \"Antéros\"), par rapport aux éléments mythologiques, représentés (dans les deux premiers et les deux derniers sonnets) par un « tu ». Dans “El Desdichado\" [le déshérité], ce «je» exprime son regret de l’Italie, tout en s’interrogeant sur sa propre identité : est-il lié à la France comme Lusi-gnan, amoureux de la fée Mélusine, ou à l’Italie comme les dieux Amour et Phébus ? \"Myrtho\" décrit ce même rêve italien sous la forme d’un paysage de Naples, avec le sacre du poète sous le « laurier de Virgile ». image entamée par la victoire du christianisme et reliée désormais à celui-ci. \"Horus\" représente une scène de la mythologie égyptienne, où Kneph, le plus vieux des dieux, est combattu par Isis, l’épouse régénératrice d’Osiris et la mère de Horus ; un « nous » admire l’« image adorée » d’Isis, qui est d’ailleurs rapprochée de Cybèle, la déesse grecque de la terre fertile. \"Antéros\", autre poème de la révolte, est consacré au frère d’Éros qui, invulnérable comme Achille, jure de venger la défaite des dieux anciens, vaincus par Jéhovah, en semant, comme Cadmos, les dents du dragon et en donnant ainsi naissance, tel Caïn auquel il se compare, à la violence. \"Delfica” nous ramène au rêve d'un retour à l’univers mythologique : le sonnet reprend l’image des dents du dragon, «semence» qui dort dans la terre (voir Cybèle), et évoque une « chanson d’amour qui toujours recommence », tout comme reviendra l’ordre ancien des dieux antiques. Finalement, \"Artémis” oppose de nouveau l’univers païen à l’univers chrétien tout en évoquant, comme \"El DesdiChado”, l’image d’une femme unissant la mort et la naissance, exactement comme Artémis ou Diane, tantôt accompagnant les âmes aux Enfers, tantôt assistant aux naissances (telle Isis).
 
L’autre volet des Chimères, formé par les cinq sonnets du \"Christ aux Oliviers” et par le sonnet final, “Vers dorés”, se présente, dans le contexte, comme l’explication des deux côtés chrétien et païen du premier groupe de poèmes. \"Le Christ aux Oliviers” est inspiré du « Dieu est mort ! le ciel est vide... » du romantique allemand Jean-Paul, mis en épigraphe. Jésus-Christ, ayant parcouru les cieux, n’a pu constater que la non-existence de Dieu. Or, ce « fou » désespéré, qu’on peut d’ailleurs rapprocher du poète recherchant le sens de l’univers, est comparé à Atys, roi syrien qui, s’étant castré lui-même, est mort, puis est ranimé par Cybèle. Devant le silence de l’oracle de Jupiter, le poème ouvre, dans les deux derniers vers, une brèche vers le Créateur, mais non vers le père de Jésus-Christ. Le sonnet \"Vers dorés” (\"Pensée antique” dans la première version) admet, avec Pythagore cité en épigraphe, l’existence d’un « Dieu caché » en toutes choses : «Tout est sensible», et «un pur esprit» habite la matière. Le message païen de ce dernier poème correspond ainsi au rêve du retour à l’univers mythologique antique.
 
Ces douze sonnets, auxquels Valéry ne voyait « pas d'analogues dans notre littérature », sont le prolongement et le commentaire naturels des Filles du Feu auxquelles l'écrivain les a volontairement intégrées : aussi importe-t-il de les lire à leur place «géographique» dans l'univers nervalien, c'est-à-dire entre « Sylvie » (les Filles du Feu) et Aurélia, entre l'échec de l'éducation et la rédemption salvatrice dont les \"Vers dorés\" se font l'écho.


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« naissance, tel Ca:ln auquel il se compare, à la vio­ lence.

"Delfica" nous ramène au rêve d'un retour à l'univers mythologique : le sonnet reprend l'image des dents du dragon, « semence » qui dort dans la terre (voir Cybèle), et évoque une «chanson d'amour qui toujours recommence », tout comme reviendra l'ordre ancien des dieux antiques.

Finalement, "Artémis" oppose de nou­ veau l'univers païen à l'univers chrétien tout en évoquant, comme "El Desdichado", l'image d'une femme unissant la mort et la naissance, exacte­ ment comme Artémis ou Diane, tantôt accompagnant les âmes aux Enfers, tantôt assis­ tant aux naissances (telle Isis).

L'autre volet des .Chimères, formé par les cinq sonnets du "Christ aux Oliviers" et par le sonnet final, "Vers dorés", se présente, dans le contexte, comme l'explication des deux côtés chrétien et païen du premier groupe de poèmes.

"Le Christ aux Oliviers" est inspiré du « Dieu est mort! le ciel est vide ...

» du romantique allemand Jean­ Paul, mis en épigraphe.

Jésus-Christ, ayant par­ couru les cieux.

n'a pu constater que la non-exis­ tence de Dieu.

Or, ce «fou » désespéré, qu'on peut d'ailleurs rapprocher du poète recherchant le sens de l'univers, est comparé à Atys, roi syrien qui, s'étant castré lui-même, est mort, puis est ranimé par Cybèle.

Devant le silence de l'oracle de Jupiter, le poème ouvre, dans les deux der­ niers vers, une brèche vers le Créateur, mais non vers le père de Jésus-Christ.

Le sonnet "Vers dorés" ("Pensée antique" dans la première ver­ sion) admet, avec Pythagore cité en épigraphe, l'existence d'un «Dieu caché» en toutes cho­ ses : « Tout est sensible », et « un pur esprit » habite la matière.

Le message païen de ce dernier poème correspond ainsi au rêve du retour à l'univers mythologique antique.

Ces douze sonnets, auxquels Valéry ne voyait. »

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