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Lettre sur les aveugles à L'USAGE DE CEUX QUI VOIENT de Denis Diderot (analyse détaillée)

Publié le 22/10/2018

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diderot

Lettre sur les aveugles à

L'USAGE DE CEUX QUI VOIENT.

 

Ouvrage philosophique de Denis Diderot (1713-1784), publié à «Londres» [Paris, Durand] en 1749.

 

Comme l'indique le titre de l'ouvrage, il s'agit pour Diderot d'utiliser le cas des aveugles à des fins instructives. Depuis l'Essai sur l'entendement humain (1690) de Locke, de nombreux philosophes, en effet, espéraient tirer, des expériences médicales permettant aux aveugles de naissance de recouvrer la vue, des informations capitales sur le passage de la sensation à l'idée (voir le résumé que fait Voltaire de l'ensemble de la question dans les Éléments de la philosophie de Newton, 1738). Diderot va plus loin, en ruinant l'apologétique fondée sur le spectacle de la nature, évidemment irrecevable pour un non-voyant, et en attribuant à l'aveugle Saunderson des pensées matérialistes, ce qui lui valut trois mois d'incarcération au donjon de Vincen-nes, sur lettre de cachet.

 

La Lettre est adressée à une femme savante qui attendait beaucoup de l’opération pratiquée par Réaumur sur une fille aveugle. L’académicien ayant préféré tenir secrets les résultats de son expérience, des réflexions philosophiques sur le sujet consoleront la dame du spectacle manqué.

 

Une « interview » de l’aveugle-né du Puiseaux fait d’abord ressortir l’importance des données de nos sens et surtout de leur influence sur nosidées. Ainsi la métaphysique des clairvoyants, qui s’appuie sur les merveilles de la nature, ne peut-elle s’accorder avec celle des non-voyants. La réflexion porte ensuite sur la manière dont ces derniers passent de la sensation à l’abstraction. Les prodiges en calcul et les « expressions heureuses» d'un professeur de sciences aveugle, Saunderson, conduisent ensuite Diderot à mettre en cause l’idéalisme de Berkeley, en lui opposant Condillac. Après ces « digressions », le philosophe revient à Saunderson pour rapporter la discussion sur l'existence de Dieu qu’il aurait eue, à l’article de la mort, avec le pasteur Holmes ; contraint de s’en remettre au témoignage de grands philosophes comme Newton sur l’ordre admirable qui règne dans l’univers, l’aveugle s’autorise au moins à représenter la formation du monde comme le résultat de l’arrangement d’une matière dont le mouvement perpétuel engendra aussi des « mondes estropiés » et des monstres, auxquels leur défaut d’organisation n’a pas permis de subsister.

 

En dernier lieu est abordé le fameux problème posé par Molyneux à Locke : un aveugle-né à qui l’on aurait appris à distinguer par le toucher un globe d’un cube serait-il capable, recouvrant la vue, de les discerner sans les toucher? Locke, comme Molyneux, avait répondu catégoriquement par la négative ; Condillac était plus critique, notamment à l'égard de l’oculiste Cheselden qui prétendait avoir vérifié les raisonnements des philosophes après une opération de la cataracte. Diderot, lui, prend en compte tous les arguments et conclut qu’un géomètre comme Saunderson, à la différence du commun des mortels, saurait à la vue faire la distinction entre le globe et le cube.

 

La Lettre sur les aveugles se situe dans le prolongement des Pensées philosophiques (1746) du même auteur. Cette apologie du déisme n'était pas, en effet, sans laisser entrevoir la pente qui entraînait Diderot vers le matérialisme. La condamnation, dans les pensées XVIII à XX, des preuves métaphysiques de l'existence de Dieu au profit de l'argument tiré du spectacle de la nature amorçait une critique raisonnée des réfutations de l'athéisme. En 1749, Diderot, sous l'influence des « observations microscopiques » de Needham, se rallie finalement à la thèse lucrétienne

des générations spontanées, qu'il jugeait en 1746 victorieusement combattue par les ouvrages de Newton et de Nieuwentuyt contenant « des preuves satisfaisantes de l'existence d'un être souverainement intelligent ».

 

Les progrès de la science jouent donc un rôle déterminant dans l'évolution philosophique de Diderot. La Lettre sur les aveugles, par ses références, témoigne de l'attention avec laquelle le philosophe suit l'évolution de l'optique, de la physique, de l'algèbre et surtout de la médecine : « Pas de livres que je lise plus volontiers que les livres de médecine », écrit-il dans les Éléments de physiologie. C'est pourquoi les aveugles, comme plus tard les sourds-muets dans sa Lettre sur les sourds et muets (1751), sont au cœur de sa réflexion philosophique. Ils constituent des cas limites qui lui permettent d'approfondir sa théorie de la connaissance. Ils lui apprennent notamment la possibilité de suppléer à un sens par un autre, l'existence d'une sorte de sixième sens universel, l'insuffisance des sensations passives dans la formation des idées : c'est par le langage que la connaissance parvient à son accomplissement. Diderot aboutit ainsi à un sensualisme original, qui se distingue de celui de Condillac.

diderot

« idées.

Ainsi la métaphysique des clairvoyants, qui s'appuie sur les merveilles de la nature, ne peut­ elle s'accorder avec celle des non-voyants.

La réflexion porte ensuite sur la manière dont ces derniers passent de la sensation à l'abstraction.

Les prodiges en calcul et les «expressions heu­ reuses » d'un professeur de sciences aveugle, Saunderson, conduisent ensuite Diderot à mettre en cause l'idéalisme de Berkeley, en lui opposant Condillac.

Après ces « digressions», le philoso­ phe revient à Saunderson pour rapporter la dis­ cussion sur l'existence de Dieu qu'il aurait eue, à l'article de la mort, avec le pasteur Holmes : contraint de s'en remettre au témoignage de grands philosophes comme Newton sur l'ordre admirable qui règne dans l'univers, l'aveugle s'autorise au moins à représenter la formation du monde comme le résultat de l'anrangement d'une matière dont le mouvement perpétuel engendra aussi des « mondes estropiés» et des monstres, auxquels leur défaut d'organisation n'a pas permis de subsister.

En dernier lieu est abordé le fameux problème posé par Molyneux à Locke : un aveugle-né à qui l'on aurait appris à distinguer par le toucher un globe d'un cube serait-il capable, recouvrant la vue, de les discerner sans les toucher? Locke, comme Molyneux, avait répondu catégorique­ ment par la négative ; Condillac était plus critique, notamment à l'égard de l'oculiste Cheselden qui prétendait avoir vérifié les raisonnements des philosophes après une opération de la cataracte.

Diderot, lui, prend en compte tous les arguments et conclut qu'un géomètre comme Saunderson, à la différence du commun des mortels, saurait à la vue faire la distinction entre le globe et le cube.

La Lettre sur les aveugles se situe dans le prolongement des Pensées philosophi­ ques (1746) du même auteur.

Cette apologie du déisme n'était pas, en effet, sans laisser entrevoir la pente qui entraînait Diderot vers le matérialisme.

La condamnation, dans les pensées XVIII à XX, des preuves métaphysiques de l'existence de Dieu au profit de l'argument tiré du spectacle de la nature amorçait une critique raisonnée des réfutations de l'athéisme.

En 1749, Diderot, sous l'influence des « observa­ tions microscopiques » de Needham, se rallie finalement à la thèse lucrétienne des générations spontanées, qu'il jugeait en 1746 victorieusement combattue par les ouvrages de Newton et de Nieuwentuyt contenant « des preuves satisfaisantes de l'existence d'un être souverainement intelligent».

Les progrès de la science jouent donc un rôle déterminant dans l'évolution philosophique de Diderot.

La Lettre sur les aveugles, par ses références, témoi­ gne de l'attention avec laquelle le phi­ losophe suit l'évolution de l'optique, de la physique, de l'algèbre et surtout de la médecine : « Pas de livres que je lise plus volontiers que les livres de médecine», écrit-il dans les Éléments de physiologie.

C'est pourquoi les aveugles, comme plus tard les sourds-muets dans sa Lettre sur les sourds et muets ( 17 S 1), sont au cœur de sa réflexion philoso­ phique.

Ils constituent des cas limites qui lui permettent d'approfondir sa théorie de la connaissance.

Ils lui apprennent notamment la possibilité de suppléer à un sens par un autre, l'existence d'une sorte de sixième sens universel, l'insuffisance des sensations passives dans la formation des idées : c'est par le langage que la connaissance parvient à son accomplissement.

Dide­ rot aboutit ainsi à un sensualisme ori­ ginal, qui se distingue de celui de Condillac.

Les aveugles, dans la Lettre, sont aussi, outre des cas de figure, des per­ sonnages littéraires.

Saunderson, en particulier, s'il a effectivement existé et fut bien professeur de mathématiques à Cambridge, acquiert dans l'œuvre de Diderot une vie propre.

En lui prêtant sur son lit de mort des propos qu'il n'a pas tenus, l'écrivain en fait une figure de roman, comme il le fera plus tard avec le neveu de Rameau.

Bien plus, quand il met dans la bouche du savant cette question adressée au ministre Holmes : « Qu'avions-nous fait à Dieu, vous et moi, l'un pour avoir cet organe, l'autre pour en être privé?», Diderot. »

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