Le personnage de Tartarin d’Alphonse Daudet

relève le héros de Cervantès. Le trait de génie d’Alphonse Daudet est d’avoir combiné en un seul personnage don Quichotte et Sancho Pança. Et nous assistons continuellement à un dialogue cocasse entre Tartarin-Quichotte et Tartarin-Sancho, bourgeois tranquille, qui s’attriste de ses rhumatismes. Il y a des moments où Tartarin-Quichotte finit par l’emporter, parce que la vanité est plus forte, une vanité gonflée par l’applaudissement universel de Tarascon. Le héros part donc pour l’Algérie, pour la Suisse, pour la Polynésie. Mais Tartarin-Sancho ne tarde guère à prendre sa revanche. C’est encore ce Tartarin-là qui finit, en une heure critique, par voir clair en lui-même et par confesser qu’il a beaucoup menti, qu’il n’a jamais tué de lion. Tout cela n’est pas très joli, et nous sommes loin du Chevalier à la triste figure : Tartarin est un lâche, il n’a pas d’honneur, il a au fond toute la timidité, la jobardise, la suffisance du petit bourgeois du xixe s., du Joseph Prudhomme d’Henri Monnier. Mais ce n’est pas un méchant homme: loin de chercher à duper, c’est lui qui est toujours dupe, aussi prompt à croire les galéjades d’autrui que les siennes. Comme il le dit lui-même, il a le mal des gens du Midi, il s’est trop nourri de « regardelïe », de tout ce qui pousse à paraître et à se faire valoir. Est-ce à dire qu’il faille voir en lui le type accompli du Méridional ? Ce serait aller contre les intentions de Daudet lui-même. Tartarin est une caricature, il a le grossissement comique de l’épopée : s’il est bien l’homme d’une région particulière, d’une époque donnée (celle des lendemains du romantisme ; et l’on a pu voir en Tartarin