Ruy Blas (VICTOR HUGO - 1838) - FICHES-œUVRES

« F C H E S Œ.UVRES Composé en un peu plus d'un mois, Ruy Blas fut joué pour la première fois le 8 novembre au Théâtre de la Renaissance où Hugo, ainsi que Dumas, espéraient imposer définitivement le drame romantique à un public moins conservateur que celui de la Comédie-Française.

Bien accueillie, puis régulièrement jouée, la pièce fut considérée comme une des meilleures réussites de Hugo.

1 -EN QUÊTE D'UNE LÉGITIMITÉ Un drame sans bataille Ruy Blas ne provoqua ni levée de boucliers ni « bataille » comme Hernani (d'ailleurs repris la même année).

La pièce connut un réel succès, mais limité au seul public populaire auquel Hugo s'adressait en passant de la Comédie-Française au Théâtre de la Renaissance.

Se pose donc le double problème de la légitimité du genre et du public.

On est en droit de se demander quelle pièce applaudissaient les spectateurs de Ruy Blas.

S'agissait-il d'un mélodrame accompli ou d'un drame romantique à la réussite crépusculaire? À quel public s'adressait-il? Aux yeux de beaucoup, Ruy Blas apparaissait comme un drame utilisant trop complaisamment les recettes et les accessoires du mélodrame (coups de théâtre, enlèvements, déguisements et masques, quiproquos, situations invraisemblables).

Légitimité historique, politique, sociale et morale La Préface de Ruy Blas avoue des ambitions historiques, politiques et sociales en particulier.

La légitimité historique est indéniable.

À quelques détails près, le drame de Hugo est le tableau fidèle du déclin de la royauté en Espagne au XVIIe siècle.

Mais l'histoire de ce passé est aussi celle du présent.

Avec Ruy Blas, Hugo inter­ roge la Monarchie de Juillet.

À la lumière d'une rétrospection et d'une dramatisa­ tion, il oblige à porter un regard politique sur le gouvernement de Louis-Philippe dont il stigmatise l'échec.

La voix de Ruy Blas, c'est celle d'un peuple qui ne peut être reconnu comme acteur du pouvoir politique autrement que par des voies indi­ rectes: l'amour et la parole.

À cet égard, le suicide du héros est emblématique de cette impuissance.

La Reine(= le pouvoir) n'appelle Ruy Blas(= le peuple) par son véritable nom que lorsqu'il meurt: le droit n'est reconnu qu'au passé.

Le drame de Hugo oblige donc à une interrogation sur la problématique d'une légitimité historique, politique ou sociale.

Il -ÉTHIQUE ET ESTHÉTIQUE DE L'ANTITHÈSE Une vision dualiste et manichéenne Le goût de Hugo pour!' antithèse apparaît dans toute son œuvre, poétique, roma­ nesque ou dramatique.

Ruy Blas ne fait pas exception à la règle.

Les personnages s'opposent, souvent par couples antithétiques : noblesse et roture (Don Salluste-Ruy Blas, la Reine-Ruy Blas), moralité et immoralité (Don Salluste-Don César, Don Salluste-Ruy Blas), haine et amour (Don Salluste-la Reine), grandeur et bassesse (Ruy Blas-les ministres), jeunesse et vieillesse (Ruy Blas-Don Guritan).

Le réa­ lisme a pour pendant nécessaire l'irréalisme, le vraisemblable appelle l'invraisem­ blable et le comique est inséparable du tragique.

LE DRAME ROMANTIQUE =22]. »