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VILLES TENTACULAIRES (les) d'Émile Verhaeren (résumé & analyse)

Publié le 08/11/2018

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VILLES TENTACULAIRES (les). Recueil poétique d'Émile Verhaeren (Belgique, 1855-1916), publié à Bruxelles chez Deman en 1895.

 

Après les Campagnes hallucinées (1893), nous sommes ici dans les entrailles du monstre, la ville qui ronge la plaine « avec ses suçons noirs ». Le choix de ce thème repose sur une réalité objective : la Belgique fut très tôt le lieu d'élection de gigantesques complexes industriels, comme les usines Cockerill, dont Victor Hugo, impressionné, donne déjà une description dans le Rhin (1842). Mais il est surtout dicté par la métamorphose intérieure du poète qui, au sortir de la crise nihiliste marquée par la publication des Flambeaux noirs (1890), retrouve une autre foi, celle en un ''nouveau Christ\", incarné par le socialisme que prônent alors en Belgique ses amis Destrées et Vandervelde. Devenu, grâce à eux, responsable de la Maison du peuple de Bruxelles, Verhaeren proclama que la transformation matérielle de la société devait s'accompagner

 

d'un accès du peuple à la culture, et qu'il n'y aurait pas d'avenir sans âme. Cette conviction qui inspire son recueil en fait un grand texte de poésie sociale, même s'il n'est pas que cela.

 

Le recueil s'ouvre sur l'agonie de la plaine où le labeur pacifique, effectué « front debout », laisse place désormais au travail convulsif « qui bout comme un forfait » et hache les « morceaux de vie» d'une humanité réduite au néant rythmique de la matière et devenue les «yeux de la machine » (\"la Plaine\"). Corps usés, cœurs fendus, les ouvriers s'agitent comme des pantins dans l'immensité noire des « quartiers rouillés de pluie », où brille un soleil monstrueux. sur une flore pâle et pourrie : « Voici les travailleurs cas sés de peine 1 Aux six coups de marteau des jours de la semaine » (\"les Cathédrales\", \"les Usi nes\"). Lieu de misère et de détresse, la ville est aussi celui de la dégradation, de la perte de toute dignité, avec son cortège de « femmes en deuil de leur âme », et le « blasphème en or criard » des spectacles à bon marché inspirés par un éro tisme sénile et moutonnier (\"les Promeneuses\", \"les Spectacles\").

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« langage âpre et sans concessions qui co ntrastait avec les mièvreries subti­ les abondantes à l'é poque.

Mais le pro­ phétisme parfois grandiloquent, la croyance naïve en un progrès universel et en un avenir paradisiaque lui ont nui et expliquent l'oubli relatif dans lequel elle est tombée, en France du moi ns.

Il semble surtout que cet aspect soc ial ait masqué ses qualités propre­ ment poétiques, qui ne sont pas négli­ geabl es.

Verhaeren fait entrer en poés ie un pan immense de la réalité qui en était exclu, celui du paysage industriel ju squ' aux moindres recoins de sa déso­ lation ("les Usin es", strophes 1-4), mais aussi celui de ses splendeurs mons­ true uses.

Là réside l'originalité du po ète : faire chatoyer, dans la pourri­ ture physique et morale, les tableaux hallucinants d'une beauté violente : les bars, îlots fragiles luisant de cuivres et de liqueurs ("les Usi nes", strophe 5), les ateliers crachant le rouge et l'or dans un enfer de suie (ibid.

), les ports fourmillants, tintamarresques, énigma­ tiques ("le Por t").

Le poème "les Spec­ tacl es", traversé d'images que les pein­ tres de l'époque nous ont rendues familières (bataillons de chairs et de cuisses, étagements d'ors, de gorges et de hanc hes, etc.), révèle l'ambiguïté de la ville qui, à travers l'horreur, suscite la fascinati on.

Mais nul halo romanti­ que, comme chez Baudela ire que Verhaeren admirait.

Il s' agit d'un lyrisme cru d'images violentes comme des coups de marteau, qui, avant Apollinaire, marque un moment de la mo dernité .

Au demeurant la ville, dont l' essence est mouvement, convient pa rfaitement à la sen sibilité poétique de Verhaeren qui écrivait : « Mon corps musculaire est agité d'un rythme qui soutient et souvent produit le mouve­ ment de ma pensée.

Il est certains de mes vers que je danserai s.

C'est avec tout mon être que je fais un poème.

» Il fallait cela sans doute pour trou- ver, par exemple, cette image si simple et si forte : >. »

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