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L’ÉCLATEMENT DU RÉEL CHEZ RIMBAUD

Publié le 20/09/2018

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rimbaud

Dans sa lettre à Paul Demeny datée du 15 mai 1871, Rimbaud expose la théorie du voyant et définit la fonction du poète :

 

Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérègle ment de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant! — Car il arrive à l'inconnu! [...] Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues!

 

Quel est cet inconnu dont parle Rimbaud ? Cet inconnu n’est autre qu'une nouvelle réalité, née de la destruction d'un réel vidé de toute transcendance et surgie d'un nouveau chaos.

 

Les Illuminations s’ouvrent sur le moment qui suit le Déluge, c’est-à-dire sur un moment de recréation. Cette recréation est indissociable de la destruction du lien que la poésie traditionnelle entretenait avec la réalité, et de l’invention, par le langage et dans le langage, d’une nouvelle réalité.

 

L’ÉCLATEMENT DU RÉEL

 

Dans les Illuminations, Rimbaud travaille à rendre étrangers au lecteur des objets qui lui sont familiers. Les comparaisons et les métaphores n’ont plus de référent en dehors du poème, le réel est toujours fragmenté ou au contraire surdéterminé. Le cadre spatial ou temporel convoqué par le poète ne permet pas au lecteur d’établir entre les objets un rapport d’ordre et de hiérarchie.

À l'effet de fragmentation se juxtapose un effet de prolifération ou de foisonnement. Foisonnement des déterminants, des objets.

 

Il peut arriver que la multiplication des critères de définition d’un objet, loin de faciliter la reconnaissance par le lecteur de cet objet, lui fasse obstacle. Le poète use de la surdétermination et fait ainsi sortir les objets des limites de leur définition traditionnelle. C’est le traitement que subit dans Antique la figure du fils du Pan : à la fois homme et dieu, homme et animal, naturel et artificiel, végétal et minéral, dionysiaque (le double sexe) et orphique (la cithare). Le poète se livre ainsi à une étrange tératologie.

rimbaud

« La métaphore vive Dans les Illuminations, Rimbaud a recours de mani ère sys tématique à la figure de la métaphore.

Mais la métaphore n'est pas pour lui une simple ornementation ou un moyen d'établir une analogie entre deux réalités connues du lecteur , elle est d'abord le moyen de créer une nouvelle réalité.

Dans " Métropolitain , sur gissent d'« atroces fleurs qu'on appell erait cœurs et sœurs "· Le " on , désigne ici les poètes et les termes de " cœurs , et de " sœurs , sont les mots qui le plus souvent riment avec celui de" fleurs , pour en constituer un double métaphorique.

Derrière le conditionnel se dissimule la critique d'un lieu commun poétique que Rimbaud s' est plu à railler dans " Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs , en 1871 .

Dans " Métropolitain », les " fleurs atroces , ne désignent a priori rien d'a utre qu'une végétation proliférante et inqu iétante que les gens de bien se plaisent à appeler de noms fades.

Il s'agit bien d'une métaphor e in absentia , dont les comparants classiques sont niés, mais cette métaphor e ne désigne rien d'autre qu'elle-même.

Il en va de même pour Je " pavi llon en viande saignante » de " Barbare ''· L'union dans une même expression de termes relevant de registres différents suffit à la désigner comme une métaphore.

L'express ion désigne-t-elle ici le pavi llon rouge d'un navire ? Pourquoi le poète choisit-il alors de représenter la couleur rouge par la métaphore de la « viande saignante »? Le " pavillon en viande saignante » ne saurait être lu de manière univoque.

C'est un rouge cru.

La viande saignante évoque la boucherie et le meurtre, et l'ex pression provoque l'horreur et le dégoût.

Ce pavi llon n'est pas seulement un objet connu, un drapeau, l'image tout entièr e ne représente pas un seul objet, elle évoque des réalités qui dépassent de loin cet objet.

La métaphor e rimbaldienne est une métaphor e vive parce qu'elle désigne des réalités qui n'existent pas ailleur s que dans les poèmes.

En unissant des réalités relevant de registres thématiques différents, le poète empêche le lecteur de se référer à une réalité connue.

En. »

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