Qu'apportent les particularités de l'écriture au sens du roman?
Publié le 05/08/2014
Extrait du document
Un roi sans divertissement (1947) de Jean Giono.
L'écriture de Giono est originale, elle est caractérisée par un certain nombre de procédés, dont certains sont très utilisés dans ce roman et lui donnent son style. Ainsi certaines figures de style, le choix de certains points de vue narratifs ou la forme ora-lisée du texte, tous ces procédés participent à la création d'un univers propre à l'auteur et à la richesse signifiante du roman.
Un roi sans divertissement (1947) de Jean Giono.
«
178
Il.
Le choix des points de vue
Le point de vue interne à quelques personnages
Même si le narrateur principal, qui ouvre et ferme le roman, peut se confondre
avec l'auteur, le point de vue qu'il adopte n'en est pas pour autant un point de vue
omniscient.
Il rapporte une histoire sur laquelle il a enquêté, et dans laquelle il s'im
plique souvent, devenant en quelque sorte personnage de son propre récit,
et utilisant
alors un point de vue interne.
Il donne ainsi l'impression d'être en train de vivre des
événements vieux
d'un siècle (p.
35).
D'autres points de vue internes viennent relayer
et compléter le sien pour enrichir la réflexion sur les événements et les hommes : celui
de Frédéric II, ceux des villageois et de Saucisse.
L'alternance des points de vue
internes permet au lecteur de les confronter et se faire
sa propre opinion sur l'action
et les personnages, sans dépendre de l'interprétation d'un narrateur omniscient.
Le refus de l'intériorité pour M.V.
et Langlois
Cette originalité de la narration est complétée par l'absence totale d'intériorité
donnée à M.V.
et à Langlois.
En effet, pour eux, ni point de vue omniscient de
l'auteur, ni point de vue interne
à eux-mêmes, ils ne sont décrits que par le point de
vue de Frédéric II pour M.V., des villageois et de Saucisse pour Langlois, avec les
parti-pris et les lacunes que cela entraîne.
Langlois, quant à lui, est à peine plus connu
par les dialogues, souvent laconiques, avec Saucisse.
Leur comportement reste
mystérieux
et leur personnalité complexe et le lecteur continue à s'interroger sur leurs
motivations bien après la fin du récit.
Ill.
Un récit oralisé
Récit ou discours?
On parle beaucoup dans ce roman où le récit devient très souvent discours de l'un
ou de l'autre, aux temps du passé ou au présent -dont on ne sait jamais bien si c'est
un présent d'énonciation ou un présent de narration, tant le statut du texte reste
ambigu.
Le destinataire de ces discours-récits est d'ailleurs souvent flou :
à qui
Frédéric II raconte-t-il l'exécution de M.V.? à qui les villageois racontent-ils la bat
tue au loup?
au narrateur-auteur qui vit cent ans plus tard?! c'est difficile à croire!
Seul le discours de Saucisse est explicitement adressé aux villageois qui lui donnent
la réplique.
Le lecteur est dès lors le principal destinataire et il devient même souvent
l'interlocuteur du narrateur-auteur.
Le dialogue auteur-lecteur
C'est en effet la particularité du roman, que ce dialogue continuel avec un inter
locuteur virtuel dans lequel se projette le lecteur.
Cela commence dès le début du pre
mier récit où le narrateur s'adresse à un
« vous » indéterminé : «Il y a des V.
plus
loin, si vous montez jusqu'au col de Menet...
» (p.
10).
Et cette deuxième personne
du pluriel est présente jusqu'au bout du roman, qui se termine sur une question desti
née à faire poursuivre
au lecteur sa réflexion : «Qui a dit : "Un roi sans divertisse
ment est un homme plein de
misères" ? »(p.
244).
»
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