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Avocat, cultivé, amoureux du « beau langage », Clamence a pour seule arme la parole.

Publié le 26/09/2018

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Avocat, cultivé, amoureux du « beau langage », Clamence a pour seule arme la parole. I - Une parole maîtrisée Tout est calcul Le trait de génie dans L’Etranger, c’est la naïveté du personnage principal, la limpidité et la spontanéité de son expression. A l’inverse, chez Clamence, tout est calcul. En bon rhétoriqueur, il oriente son discours et le répartit en étapes savamment équilibrées : le déroulement de l’aveu, les hésitations, les omissions, la disposition des anecdotes, tout repose sur un plan préalable. Le discours semble aller de lui-même vers son dénouement, l’invitation à parler à son tour, et s’arrête alors. Une langue de séduction Ne pas ennuyer, comme les classiques : éviter avant tout les longueurs et privilégier les tournures elliptiques dans les narrations, où les termes caractérisants remplacent de longues descriptions (« une canne hésite au bord du trottoir »), les verbes accumulés rendent compte des caractères (« Aussitôt, ils s’éveillent, frétillent, s’informent, s’apitoient », p. 38). Même les envolées philosophiques sont plus rares que de sobres aphorismes* : « Nous avons remplacé le dialogue par le communiqué » (p. 50).
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« E X P 0 S É S F C H E S La respiration Le phrasé suit les états d'âme de Clamence : longues phrases dans le lyrisme, brèves dans l'aveu.

On a pu même noter un rythme saccadé lorsqu'il étouffe dans sa chambre, calqué sur la dyspnée de Camus.

Les phrases brèves des pages 150 et 151 sont celles d'un homme exalté mais fiévreux.

Ill -LA LANGUE COMME ARME La logorrhée enveloppante Si la stratégie de Clamence est celle de l'araignée guettant sa proie, le venin par lequel il l'anesthésie puis s'en rend maître est la parole: «Dès que j'ouvre la bouche, les phrases coulent» (p.

16).

Ce« trop-plein» étourdit l'auditeur, qui a tout juste la place de réponses polies ( « merci, vous êtes courtois » ).

Certes, on plaint le solitaire qui peut enfin se confier et ne contrôle plus son débit, mais l'œil reste vigilant et le laisser-aller n'est qu'apparent.

Celui qui a la parole a le pou­ voir ; Camus le démontre dans la nouvelle initialement voisine de La Chute, Les Muets, qui sont des ouvriers tonneliers silencieux et dignes, parfait contrepoint de notre avocat bavard.

Lyrism~~ ironi~ Parfois, Clamence semble se laisser aller à son émotion et à des développe­ ments lyriques, sur la Grèce de l'innocence, sur la fête des jours présumés heu­ reux (p.

34).

Ces élans sont presque toujours interrompus par une remarque froide ou cynique, preuve de leur absence de spontanéité.

Ainsi l'ironie* ou le cynisme sont-ils toujours en contrepoint d'un faux abandon ; ce sont parfois des bons mots, le plus souvent l'expression paradoxale de l'indignation, par exemple sur l'efficacité dans le« nettoyage» du ghetto par« nos frères hitlériens».

De même, la dernière page lance un appel émouvant à la jeune noyée, pour qu'elle le sauve ; mais aussitôt, une remarque cynique sur la température de l'eau rappelle sa lâcheté et brise l'émotion.

L'ironie est sa figure favorite: procédé de duplicité, puisqu'on dit le contraire de ce que l'on pense, en laissant au contexte le soin de rétablir la vérité.

Figure de distanciation par rapport au réel, elle traduit la révolte et le refus lucide, seules solutions possibles dans l'impuissance de la condition humaine.

!!!:1mour* ~ mot~~~~-~prit L'ancien avocat parisien se complaît dans un tourbillon de bons mots.

S'ils peuvent paraître superficiels, ils sont souvent chargés de sens.

Apprenant que l'interlocuteur connaît Dante, il s'étonne en une interjection banale: «Diable! » (p.

88.) Or, c'est justement de la vision de Satan par Dante qu'il veut parler.

..

Par­ fois, il propose même une devinette (p.

125), en forme d'énigme.

Mais l'énigme n'est-elle pas la définition même de Clamence? Lorsqu'il utilise des métaphores*, elles sont parfois ornementales, mais plus souvent pédagogiques: ainsi l'assimila­ tion des nuages du ciel hollandais à des colombes, qui suggéreront l'attente déses­ pérée de la réconciliation avec Dieu.

Conclusion : Le langage est une arme pour Clamence, ainsi que le note R.

Quilliot, dans sa préface à l'édition de La Pléiade : « li semble se prendre au piège des mots, et c'est nous qui nous retrouvons prisonniers.». »

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