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Bajazet: Acte II Scène I de Racine

Publié le 15/09/2018

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renforçant sa dimension prédatrice, à double tranchant, puisqu’il peut aboutir sur une union, et un couronnement, ou bien sur la mort. Bajazet est donc face à un véritable dilemme. Ce jeu d’opposition est aussi présent au début de la réplique, avec les adjectifs possessifs « tes voeux », « tes raisons forcées » rimant avec « mes pensées » : cela marque un schisme entre la volonté de Bajazet et celle de Roxane, qui sont en réalité totalement opposées ; il aime Atalide et Roxane aime Bajazet, et à ce stade de la scène on peut voir que les deux personnages se dirigent lentement vers une impasse. En outre, les deux termes riment (« tes raisons forcées », « mes pensées » ), mais s'excluent en fait, puisque Roxane veut épouser Bajazet, mais pas ce dernier : ses pensées, son amour sont tournées uniquement vers Bajazet, de qui elle devient véritablement esclave sentimentalement parlant, alors que lui ne fait que feindre son amour, et dissimuler la vérité.

 

Roxane apparaît donc comme forte et faible à la fois, comme une hypertrophie de ces deux dimensions ; à la fois toute puissante maîtresse du Sérail, mais aussi esclave, au sens propre ( puisqu'avant d'être sultane, elle était esclave d'Amurat, décrite comme « une esclave barbare » acte cinq scène huit, mais aussi comme « une esclave attachée à ses seuls intérêts », jeu de mot de la part de l'auteur qui souligne sa seule motivation ; ses intérêts propres et son égoïsme ) mais aussi au sens figuré, puisque devient totalement dépendante de sa passion destructrice pour Bajazet.

 

Cet extrait illustre donc parfaitement les rapports de pouvoir et d'opposition de la pièce puisque l'on y retrouve à la fois les contrastes entre Bajazet et son frère Amurat, dont les personnalités contrastent clairement, mais aussi car le paradoxe concernant le pouvoir de Roxane y est clairement présent : elle est à la fois une puissante Sultane aux nombreux pouvoirs, mais aussi une esclave de sa passion pour Bajazet.

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« De plus, on remarque aux vers 529 et 530 une rime entre « je fasse » et « ta grâce », association de deux termes qui renforce le pouvoir de Roxane sur Bajazet : le destin de ce dernier dépend donc entièrement de la décision et de l'action de Roxane qui, en l'absence d'Amurat a toute autorité sur le Sérail et utilise ce pouvoir à des fins personnelles en décidant du destin de Bajazet, comme on peut le lire dans sa réplique précédente : « Songez vous que je tiens les portes du palais, Que je puis vous l'ouvrir ou fermer à jamais, Que j'ai sur votre vie un empire suprême, Que vous ne respirez que tant que je vous aime ? ». Roxane s'autoproclame donc comme sauveuse de Bajazet, et comme sa seule issue, son seul moyen de survie. Enfin on assiste, et ce tout au long de la réplique, à une construction des phrases avec la présence de Roxane, sujet qui parle, et de Bajazet ; c'est donc, dans la bouche de la Sultane, une véritable mise en rapport des deux personnages.

Les agissements de Roxane ont toujours une conséquence cruciale sur Bajazet : si elle l'épouse, il se voit accorder la grâce, et le trône, si elle le rejette, il est fait tuer. La réplique de Roxane illustre donc clairement le pouvoir qu'a cette dernière sur Bajazet, c'est à dire le droit de vie et de mort, donc un pouvoir que l'on pourrait juger d'absolu.

Néanmoins ce pouvoir se construit aussi via des jeux d'opposition entre les différents personnages présents et mentionnés. La réplique de Roxane comporte une multitudes d'oppositions, renvoyant particulièrement aux différences et aux contrastes entre Bajazet et son frère, le Sultan Amurat, n'étant que mentionné dans la pièce.

En effet, alors que Bajazet est décrit comme un homme honnête, juste, au caractère et à la personnalité presque effacée (il n'apparait que peu de fois dans la pièce, par rapport à Roxane ou Atalide par exemple, alors qu'il en est le héro éponyme), son frère ainé Amurat semble être le parfait tyran, à la tête d'un puissant empire, un conquérant en train d'assiéger Babylone, cruel et inflexible.

Il est effectivement mentionné dans la préface écrite par Racine qu'Amurat avait fait étrangler son frère ainé Osman, et l'on apprend dans la pièce qu'il avait donné l'ordre de tuer son cadet, par peur d'une possible rivalité et pour éliminer toute menace au trône.

Cette dimension est renforcée aux vers 533 et 534, avec la rime suffisante de « frère » et « colère », qui souligne l'aspect cruel et tout puissant du Sultan.

La mention d'Amurat fait immersion au milieu de la réplique de Roxane, et est introduite par la conjonction de coordination « mais », au vers 533 ; la sultane se sert en réalité d'Amurat comme une sorte de solution de repli : elle aime en réalité Bajazet, mais pourrait se contenter de son ainé s'il se trouvait n'être pas sincère quant à ses sentiments.

A ce moment de la réplique, Roxane apparaît comme anxieuse car elle prend conscience que sa puissance est limitée : en sauvant Bajazet elle désobéit au Sultan, duquel elle tenait toute autorité mais se doit d'appliquer ses ordres puisqu'elle se sait espionnée par des sous fifres d'Amurat, et risque donc la mort s'il se sait trahi. Pour elle, Amurat a donc une double valeur : il est à la fois la menace qui pèse sur elle, l'ultime autorité, mais aussi l'arme face au rejet de Bajazet, puisqu'en le tuant, elle ne fait finalement qu'obéir à ses ordres. Ces oppositions entre Bajazet et son frère se ressentent des vers 533 à 536, avec notamment l'emploi d'adjectifs possessifs « ton frère » « ton sang », qui marquent une séparation nette entre les deux frères : alors que l'un apparaît comme un être cruel qui réclame le sang de son frère, et donc son assassinat, l'autre se dessine comme juste et honnête, puisque, et ce particulièrement dans cette scène, il n'ose pas tromper totalement Roxane dans le perfide but d'accéder au trône.

Alors qu'Amurat use de méthodes lâches, tyranniques et sanguinaires qui impliquent l'assassinat, et donc l'action, Bajazet, lui, s'en tient aux paroles et à des méthodes plus subtiles et justes qui ne feront qu’aboutir à sa perte. De plus, ces vers présentent aussi des oppositions qui se manifestent par l'emploi des pronoms personnels « il » et « tu », mis en avant dans un parallélisme de construction au vers 534 « il m'aime, tu le. »

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