Le beau chez Valéry
Publié le 12/09/2015
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Un moyen sûr permet de distinguer l’écrivance de l'écriture: l’écrivance se prête au résumé, l’écriture non. H porte évidemment l’idée de « résumé » au plus haut point de dégoût. C’est évidemment l’une des fonctions textuelles de H que de déjouer l’abstract, la conservation, le classement. H à la Bibliothèque nationale ? Je suis curieux de savoir quelle en sera la fiche méthodique.
Rien de beau ne peut se résumer. Les barbares pédagogues résument et font résumer des œuvres dont l’absurdité de les résumer est l’essence même. Leurs squelettes de l’Enéide ou de l'Odyssée sont privés des mouvements et des forces et des grâces qui font tout le prix de ces ouvrages aux yeux des personnes positives.
«
Encore faut-il pour cela que le texte à résumer soit sus
ceptible
d'un traitement semblable à celui qu'exige
cette épreuve.
Et c'est ici que la critique de Valéry
retrouve toute sa pertinence.
Puisque résumer consiste
à conserver le sens tout en modifiant la forme du texte,
seuls peuvent être résumés
les textes dans lesquels
compte essentiellement
le message et non le style ou la
manière dans laquelle celui-ci est exprimé.
Ce qui
revient à dire
qu'on peut résumer un texte d'idées
- article de presse, essai, ouvrage philosophique -
mais non un roman et moins encore un poème.
Ou du
moins,
si l'on s'essaye à résumer l'un de ces derniers
textes,
il ne faut le faire qu'en ayant conscience qu'on
perd ainsi l'essentiel de sa valeur.
Pour revenir au cas
de Valéry:
il est tout à fait possible de résumer l'un des
textes de
Variétés- et Valéry est d'ailleurs, du fait de la
rigueur avec laquelle il construit
ses textes, l'un des au
teurs
les plus mis à contribution dans les sujets de fran
çais proposés au bac.
Il serait par contre tout à fait
absurde de vouloir résumer
La Jeune Parque.
Au-delà de ces considérations strictement pédagogi
ques, la remarque de Valéry est intéressante en ceci que
- dans
le droit fil des considérations esthétiques de
l'auteur- elle nous permet de saisir ce qui fait la spéci
ficité du texte littéraire.
Celui-ci ne se définit pas uni
quement par
le sens qu'il véhicule- et que le résumé
serait en mesure de restituer: pour
le sens, l'« universel
reportage» (Mallarmé) ou la philosophie suffisent.
L'œuvre littéraire, et tout particulièrement
le poème,
se caractérise d'abord par un travail sur la matière
même du langage, que
tout résumé, toute paraphrase
ferait inévitablement s'évaporer.
Que resterait-il, après
résumé,
d'un sonnet de Mallarmé? La vraie littérature
ne
se raconte pas: elle se lit et s'écrit.
..,..
On retrouverait chez beaucoup d'écrivains contem
porains des considérations semblables à celle que.
»
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