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UN BESOIN IRRÉPRESSIBLE Écrire, c'est se faire l'écho de ce qui ne peut cesser de parler. Maurice Blanchot

Publié le 28/03/2015

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Pour Blanchot, l'écrivain authentique se coupe du réel pour créer, mais il ne s'en évade pas comme on part en vacances. Il s'abstrait — douloureusement — de la vie pour mieux l'exprimer. Il se laisse envahir tout entier par l'exigence intérieure et si l'on peut parler d'évasion à son propos, c'est seulement quand il réussit à échapper à la fascination de l'oeuvre à faire pour se mêler au quotidien :

«Le plus souvent, on dit de l'artiste qu'il trouve dans son travail un moyen commode de vivre en se sous­trayant au sérieux de la vie. 11 se protégerait du monde où agir est difficile, en s'établissant dans un monde irréel sur lequel il règne souverainement. C'est en effet l'un des risques de l'activité artistique : s'exiler des dif­ficultés du temps et du travail dans le temps sans toute­fois renoncer au confort du monde ni aux facilités apparentes d'un travail hors du temps. L'artiste donne souvent l'impression d'un être faible qui se blottit peu­reusement dans la sphère close de son oeuvre, là où, par­lant en maître et agissant sans entrave, il peut prendre la revanche de ses échecs dans la société. Même Stendhal, même Balzac font naître ce doute, à plus forte raison Kafka ou Hôlderlin - et Homère est aveugle. Mais cette vue n'exprime qu'un côté de la situation. 

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« 44 / Fonctions de la littérature .

ITl tournée vers le recueillement, et Blanchot cite à ce propos une lettre de Rilke (Autriche, 1875-1926): «Depuis des semaines, sauf deux courtes interruptions, je n'ai pas pro­ noncé une parole; ma solitude se ferme enfin et je suis dans le travail comme le noyau dans le fruit.

» Cette solitude permet à !'écrivain de se mettre à l'écoute d'une force «interminable», ce «besoin d'écrire» souvent étouffé par les exigences de la vie pratique.

Il doit pour cela se fermer au monde : «Quand écrire, c'est découvrir l'interminable, l'écrivain qui entre dans cette région ne se dépasse pas vers l'uni­ versel.

Il ne va pas vers un monde plus sûr, plus beau, mieux justifié, où tout s'ordonnerait selon la clarté d'un jour juste.

Il ne découvre pas le beau langage qui parle honorablement pour tous.

Ce qui parle en lui, c'est ce fait que, d'une manière ou d'une autre, il n'est plus lui­ même, il n'est déjà plus personne.

Le "Il" qui se substi­ tue au "Je", telle est la solitude qui arrive à l'écrivain de par l'œuvre.

"Il' ne désigne pas le désintéressement objectif, le détachement créateur.

"Il" ne glorifie pas la conscience en un autre que moi, l'essor d'une vie humaine qui, dans l'espace imaginaire de l'œuvre d'art, garderait la liberté de dire "Je".

"Il", c'est moi-même devenu personne, autrui devenu l'autre, c'est que, là où je suis, je ne puisse plus m'adresser à moi et que celui qui s'adresse à moi ne dise pas "Je", ne soit pas lui­ même.» Il y a donc dans l'acte d'écrire une sorte de détachement par rapport au «moi» dans ce qu'il a de singulier.

Cela explique, pour Maurice Blanchot, que de nombreux écri­ vains aient éprouvé le besoin de tenir un journal.

Le journal est pour le créateur un moyen de «garder le rapport avec soi», de maintenir le lien avec celui qu'il est quand il n'écrit pas.

Tout écrivain est en proie à deux forces opposées.

L'une qui le pousse à n'être que l'écho de ce qui en lui ne peut cesser de parler; l'autre qui tend à l'écarter de cette fascination.

Certains vivent dans une perpétuelle dialectique entre ces deux tendances.

La plupart surmontent la crise et, préférant. »

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