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Chrétien de Troyes: Quelle est la place de l'œuvre dans la tradition littéraire?

Publié le 03/10/2018

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Au Moyen Âge, une œuvre littéraire se présente parfois comme le fruit d'une tradition orale, et un auteur peut présenter son œuvre comme la mise par écrit de contes circulant par oral. De fait, le rôle essentiel n'est alors pas tenu par le livre, mais par la voix; et la réception de l'œuvre écrite elle-même ne prend pas la forme d'une lecture individuelle, mais la forme d'une« performance4 »collective. La vie littéraire est ainsi dominée conjointement par les auteurs, qui consacrent leur temps à réécrire des livres, et par les jongleurs, qui consacrent le leur à réciter des histoires. Or la question des relations entre auteurs et jongleurs, autrement dit des rapports entre tradition écrite et tradition orale, est longtemps restée embarrassée de préjugés. Une croyance encore répandue veut d'un côté que les auteurs soient des personnes austères, gens nobles attachés à leur culture savante, puisant exclusivement leur inspiration dans les livres; de l'autre, que les jongleurs soient des hommes guillerets, gens du peuple tout en émotions simples, véhiculant des contes où tout est spontané. Une telle croyance est très éloignée de la vérité: les auteurs s'intéressaient à la tradition orale, dans laquelle ils puisaient volontiers leur inspiration, et les jongleurs, dont la formation était rigoureuse, puisaient aussi leur répertoire dans la tradition écrite. 

« de Flandre comme quelques années auparavant il a écrit Lancelot pour Marie de Champagne; et Philippe de Flandre lui donne le « livre» de l'histoire du Graal de même que Marie de Champagne lui a donné la« matière» et le« sens» de l'histoire de Lancelot 3 • En vérité, il est difficile de mesurer la sincérité de telles déclarations.

Sur le livre de Philippe de Flandre comme sur le travail de Chrétien de Troyes, toutes les hypothèses sont permises.

D'un côté, puisqu'on n'a jamais retrouvé le livre, on peut se demander s'il a tout simplement existé.

De l'autre, comme on connaît le talent de l'auteur par ses précédentes œuvres, on peut dou­ ter qu'il se soit limité dans celle-ci à réécrire l'histoire sans rien lui donner d'autre que l'agré­ ment des rimes.

Il.

La tradition orale Les sources orales Au Moyen Âge, une œuvre littéraire se présente parfois comme le fruit d'une tradition orale, et un auteur peut présenter son œuvre comme la mise par écrit de contes circulant par oral.

De fait, le rôle essentiel n'est alors pas tenu par le livre, mais par la voix; et la récep­ tion de l'œuvre écrite elle-même ne prend pas la forme d'une lecture individuelle, mais la forme d'une« performance 4 »collective.

La vie littéraire est ainsi dominée conjointement par les auteurs, qui consacrent leur temps à réécrire des livres, et par les jongleurs, qui consa­ crent le leur à réciter des histoires.

Or la question des relations entre auteurs et jongleurs, autrement dit des rapports entre tradition écrite et tradition orale, est longtemps restée embar­ rassée de préjugés.

Une croyance encore répandue veut d'un côté que les auteurs soient des personnes austères, gens nobles attachés à leur culture savante, puisant exclusivement leur inspiration dans les livres; de l'autre, que les jongleurs soient des hommes guillerets, gens du peuple tout en émotions simples, véhiculant des contes où tout est spontané.

Une telle croyance est très éloignée de la vérité: les auteurs s'intéressaient à la tradition orale, dans laquelle ils puisaient volontiers leur inspiration, et les jongleurs, dont la formation était rigoureuse, puisaient aussi leur répertoire dans la tradition écrite.

Le cas du Conte du Graal La source du Conte du Graal, ce n'est donc peut-être pas seulement le livre de Philippe de Flandre, si du reste un tel livre a existé; c'est peut-être une certaine tradition dont le livre de Philippe de Flandre est lui-même l'un des représentants.

Cette complémentarité entre une source écrite précise et entre une source orale diffuse est suggérée par un passage curieux du texte.

Le bel habit de Keu faisant l'objet d'une description, la ceinture suscite un petit commentaire:« Je m'en souviens et l'histoire le dit.» (p.

84) Si Chrétien de Troyes ne fait que réécrire le livre de Philippe de Flandre, pourquoi ressent-il encore le besoin d'invoquer sa mémoire personnelle? Peut-être faut-il comprendre là que la même histoire, il l'a déjà entendu plusieurs fois raconter, et que ce détail est resté gravé dans sa mémoire au cours de ces «performances ».

Comme beaucoup d' œuvres du Moyen Âge, le Conte du Graal semble donc s'inscrire dans une tradition littéraire, à la fois écrite et orale.

3.

Prologue de Lancelot.

4.

Le terme « performance » est emprunté à l'anglais pour combler une lacune du fran­ çais : il sert ici à désigner l'exécution publique d'une œuvre littéraire par un jongleur (cf.

l'anglais to perform).. »

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