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CORNEILLE (Pierre)

Publié le 23/02/2019

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corneille
CORNEILLE (Pierre), poète dramatique français (Rouen 1606 Paris 1684). Corneille fut à coup sûr le plus grand dramaturge français du xviie s. par l'ampleur de son œuvre, la gloire sans égale qu'il obtint, l'importance des innovations qu'il apporta. Sa thématique reflète de façon exemplaire les valeurs majeures de son époque et les interrogations qu'elles suscitaient. Son œuvre fut longtemps un modèle admiré. Pourtant, sa situation dans l'esprit du public aujourd'hui est paradoxale : un nom illustre, une œuvre (le Cid) connue de tous, un adjectif (« cornélien ») passé dans l'usage courant contrastent avec une certaine méconnaissance ou au moins un oubli de pans entiers de sa création, qui font perdre de vue la profondeur et la diversité de son théâtre.
 
Une « étrange carrière ». Pour caractériser l'itinéraire social de Racine, R. Picard a parlé d'une « étrange carrière » : la formule peut à bon droit s'appliquer tout autant à Corneille. En effet, sa biographie le fait apparaître comme un personnage qui, sous des dehors banals, occupe une situation très particulière dans la société de son temps. Sa jeunesse, qui reste mal connue, semble anodine. Né dans une famille de la petite bourgeoisie de robe de Rouen, il fait de solides études au collège des jésuites, puis s'oriente vers un diplôme d'avocat (1622). Son père le pourvoit de deux charges d'avocat du Roi (1628) au siège des Eaux et Forêts et à l'amirauté de Rouen. Charges modestes, qui font de Corneille un fonctionnaire moyen : mais, aîné de sa génération, il se trouve ainsi en situation d'accéder à un rang social un peu plus élevé que celui de son père. Itinéraire courant à l'époque. L'entrée dans l'âge mûr coïncide avec l'entrée dans la vie littéraire : en 1629, la troupe de Mondory accepte de jouer sa comédie Mélite. C'est un succès ; dès lors, Corneille va donner régulièrement des pièces nouvelles, qui reçoivent toutes un accueil au moins favorable {la Veuve, 1631 ; la Galerie du Palais, 1631-32 ; la Suivante, 1632-33; la Place Royale, 1633-34). Pour autant, il ne quitte pas son rôle d’avocat provincial : ses succès se jouent à Paris, mais il réside toujours à Rouen, où il remplit consciencieusement ses charges. On ne sait guère ce qui l'a orienté vers la création littéraire. Il a composé des poèmes dans sa jeunesse, mais qui n'en composait alors ? Il a lui-même attribué cette orientation à un amour malheureux pour une jeune fille plus riche, que l'on maria avec un autre. L'éducation reçue chez les jésuites a sa part aussi, qui familiarisait l'élève avec la versification latine et avec des pièces de collège à sujets historiques. Reste l'essentiel : le « mythe » et le goût personnel.
 
Au fil des années, le succès va croissant. Richelieu forme un groupe dit des « Cinq Auteurs », où Corneille collabore avec les écrivains en vue dans sa génération (Rotrou, Boisrobert, L'Estoile, Colle-tet) à des pièces commanditées et conçues par le cardinal {la Comédie des Tuileries, 1635). À trente ans, quand il écrit le Cid, Corneille est donc déjà célèbre, mais cette œuvre lui apporte une gloire sans précédent : succès immense, anoblissement (1637), polémique violente aussi (v. Cid [te]). Il reste trois ans sans donner de nouvelle pièce, puis revient au théâtre avec des tragédies conformes aux « règles » : Horace (1640), Cinna (1641), Polyeucte (1643), la Mort de Pompée (1643). Ces tragédies sont déjà tenues par ses contemporains
 
pour ses œuvres majeures. Il devient un modèle du genre tragique (mais Mairet et Rotrou l'avaient rénové avant lui), même s'il continue à écrire des comédies (te Menteur, 1644 ; Don Sanche d'Aragon, 1650). Parvenu au faîte de la gloire littéraire, il joue sur deux tableaux. De ses œuvres, il retire du prestige et des profits, veillant avec soin à ses droits d'auteur et tentant même de se faire reconnaître en 1643 la propriété permanente de ses pièces, ce qui n'était pas dans les usages du temps. Mais il poursuit aussi (jusqu'en 1650) sa carrière de bourgeois parlementaire, se montre fidèle au pouvoir et soutient Mazarin durant la Fronde. Il y gagne d’être promu procureur du Roi à Rouen (1651), mais on lui retire bientôt le poste en faveur d'un protégé de Condé.
 
1651 est aussi l'année où sa tragédie de Pertharite lui fait subir son premier échec au théâtre. Dès lors, il cesse d écrire pour la scène, quitte tout emploi et se consacre presque exclusivement à la poésie pieuse : il avait entrepris depuis quelque temps une traduction en vers de l'imitation de Jésus-Christ (1656) dans laquelle il donnera à la méditation abstraite le rythme du dialogue dramatique. Il se consacre aussi à sa vie familiale : tuteur de ses frères mineurs à la mort de son père, marié en 1641 (il aura 7 enfants), il se montre attentif à diriger sa famille et à gérer ses biens. Après la conquête de la noblesse, de la gloire littéraire et d'un emploi public important mais passager, il semble se replier sur une vie effacée de bourgeois de province.
 
Sa vieillesse est pourtant marquée par le retour au théâtre et à la recherche de la gloire. Au fond, il n'a jamais vraiment perdu de vue la création dramatique. Son frère Thomas, qui vit avec lui, poursuit une carrière d'auteur à succès : sa tragédie romanesque de Timocrate -(1656) connaît une des plus grosses affluences du siècle. Lui-même travaille dès 1656 à une tragédie « à machines » commandée par un seigneur normand : ce sera la Toison d'or (jouée en 1661). Le surintendant Fouquet le commandite cependant pour Œdipe (1659), qui marque sa rentrée. Le public a gardé le souvenir et le goût de ses œuvres. Il vient s'installer à Paris (1662) et donne, de Sertorius (1662) à Suréna (1674), huit tragédies importantes (Sophonisbe, Othon, Agésilas, Attila, Tite et Bérénice, Pulchérie). Elles révèlent des efforts considérables de renouvellement. D'autre part, sa gloire a atteint un apogée : une édition de ses œuvres avec des commentaires en 1660, puis une luxueuse publication in-folio en 1663 lui dressent de véritables monuments qu'aucun auteur n'avait eus de son vivant. Pourtant, le public et ses goûts ont aussi évolué : malgré son prestige, malgré le pouvoir que lui confère sa renommée et le « clan » littéraire qui s'est formé autour de lui, Corneille voit le succès s'éloigner, au profit notamment du jeune Racine, à qui on l'opposa bientôt dans le « parallèle » célèbre (« Corneille peint les hommes tels qu'ils devraient être, Racine les peint tels qu'ils sont », La Bruyère). Peu à peu, il renonce. Le mécénat royal, qui l'a toujours récompensé, lui octroie depuis 1664 une gratification annuelle ; il continue à donner des poèmes d'éloges du roi. Mais, dès 1674, il ne compose plus pour la scène. Après des épreuves familiales (décès de ses fils), il revoit une dernière édition collective de son Théâtre (1682), et meurt en 1684.
 
Même si elle s'achève dans une certaine amertume, sa carrière de petit bourgeois provincial devenu noble, parisien, et surtout l’écrivain le plus illustre de son temps, est sans égale. Paradoxalement, cette ascension se fonde sur un genre, le théâtre, qui certes connaît au xvii® s. une expansion sans précédent, mais qui reste mal vu des autorités, surtout religieuses. Il est vrai que Corneille lui a donné (et la décision royale de 1637 confère à l'expression un jeu de sens symbolique) ses lettres de noblesse. Autre paradoxe : cet homme illustre n'a pas une personnalité brillante. Il est vrai qu'elle disparaît derrière l'œuvre, et que l'« homme » se laisse peu saisir. Les quelques éléments dont on dispose (notamment sa biographie par son neveu Fontenelle) le montrent réservé, un peu
 
gauche, ayant une foi solide. S'il fut en contact avec les écrivains en vue de son temps (Chapelain, Guez de Balzac, Saint-Évremond), il fréquenta peu les salons, ne fut élu à l'Académie qu'en 1647. Le plus admiré des auteurs fut aussi le plus contesté. Il est certain que sa fierté, volontiers querelleuse quand il s'agissait de défendre son œuvre, ne facilitait rien. Reste que, pour l'essentiel, la personnalité échappe, et que l'œuvre doit se lire moins comme projection du personnage social que selon sa dynamique et ses caractéristiques propres.
 
Une esthétique originale. 32 pièces réparties sur 45 ans : il est évident que ce théâtre présente une évolution, de la diversité, des contrastes même. Cela a donné lieu, de longue date, à des controverses critiques. Certaines peuvent bien être vaines, ainsi celles qui naissent de la volonté d'étiqueter Corneille comme « classique » ou « baroque ». Outre l'imprécision de tels concepts, il est manifeste que le théâtre cornélien recèle des traits de l'un et de l'autre, ne serait-ce que parce qu'il a évolué avec les goûts, mais aussi avec les moyens scéniques de l'époque, passant par exemple des décors multiples des débuts à des scénographies qui (sans doute à partir de Cinna} s'adaptent au décor unique devenu la règle générale. Il convient toutefois de discerner les lignes de force de son esthétique. Or, dans cette tentative, on dispose d'un document exceptionnel : les trois Discours sur le genre dramatique et les Examens de ses pièces que Corneille a donnés dans l'édition de 1660.
 
Il se fonde, pour l'essentiel, sur la doctrine, alors communément admise, de la Poétique d'Aristote. Mais il fait preuve d'originalité en révisant celle-ci en fonction des attentes du public moderne. C'est ainsi qu'il insiste sur le fait que le théâtre doit avant tout plaire et que, s'il veut instruire, il ne peut y parvenir qu'à proportion de l'intérêt et de l'émotion qu'il éveille chez le spectateur. S'appliquant surtout à la tragédie, Corneille reprend le principe de la catharsis, comprise comme la présentation sur scène de passions violentes de façon à en « purger » le cœur et l'esprit des spectateurs : selon Aristote, elle repose sur deux sentiments majeurs, la terreur et la pitié ; Corneille y fait intervenir une force nouvelle : l'admiration. En corollaire, il apporte des correctifs à un autre principe clef de l'époque : la vraisemblance, qui oblige à ne présenter que des actions recevables par l'esprit du public. Il soutient pour sa part que « les grands sujets qui remuent fortement les passions, et en opposent l'impétuosité aux lois du devoir ou aux tendresses du sang, doivent toujours aller au-delà du vraisemblable » (Discours du poème dramatique). Il affirme donc les droits du vrai, tel au moins que le présente l'histoire, voire la légende, contre les bienséances. Ainsi a-t-il mis sur scène l'infanticide de Médée, l'action foisonnante du Cid, les fureurs d'Attila.
 
Corneille s'est assez mal accommodé des « unités » de temps, de lieu et d'action. La querelle du Cid l'a poussé à leur accorder plus d'attention, mais les événements nombreux qui occupent ses pièces tiennent difficilement dans la limite des 24 heures. Le décor multiple lui convient mieux que le lieu unique. Enfin, à l'action simple, il substitue ce qu'il appelle l'unité de péril : plusieurs intrigues différentes peuvent se lier en une seule, pourvu qu'elles reposent sur l’immanence d'un même danger pour les protagonistes. Au total, donc, tout en respectant le cadre général de la dramaturgie classique, il affirme son originalité. Il n'était pas seul à penser de la sorte ; en particulier, Mairet, son rival, l'avait précédé sur plusieurs points. Mais sa gloire et la fermeté avec laquelle il énonça ses vues leur donnèrent un poids sans égal. Il en résulta d'ailleurs des conflits avec d'autres théoriciens, notamment l'abbé d'Aubignac, auteur de la Pratique du théâtre (1657).
 
Dans ses pièces animées, fertiles en rebondissements (que l'on pense, par exemple, à la structure d'Horace}, les personnages offrent des caractères volontiers extrêmes. Le fait est sensible dès ses comédies : Alidor, le héros de la Place Royale, se lance un défi à lui-même. Auguste, dans Cinna, ou Attila,
 
ne feront pas autrement. Corneille affectionne les êtres taillés dans l'étoffe des « forts » (y compris pour les « méchants ») et propres à susciter l'« admiration » au sens premier du terme. C'est pourquoi il faut prendre grande précaution pour employer à son propos la notion de réalisme qui lui a été appliquée : si l'on pousse au-delà des décors pittoresques de ses comédies, ce que l'on peut nommer réalisme n'est pas la peinture fidèle de réalités observées, mais l'art de mettre en jeu sans concession des conflits essentiels qui s'imposent aux hommes de son temps.
 
Le jeu scénique est servi par un texte à l'écriture virtuose. Son style abonde en formules lapidaires, en antithèses, mais aussi en métaphores galantes qui l'ont fait parfois ranger parmi les « précieux ». Le public d'alors goûtait les « morceaux de bravoure ». Il y a chez Corneille un plaisir évident des jeux de langage, de la grandeur (le style « pom peux ») et des effets scéniques. En fait, ces jeux ont une fonction de points de repère dans des propos amplement déployés. Lorsqu'il reprend une maxime morale générale, en la condensant en une formule ramassée, c'est pour situer l'état d'esprit d'un personnage. De même, les tours lapidaires ont un rôle d'emblème pour ceux qui les profèrent (le fameux « Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis », Serto-rius, III, 1, 936). Au total, un langage de la force, même si certains vers alambiqués, chers à la rhétorique de l'époque, nous paraissent aujourd'hui affadis. Les constantes dramaturgiques et stylistiques soutiennent une œuvre d'une grande diversité. Comédie, tragi-comédie, tragédie historique aussi bien que tragédie « à machines », comédies héroïques, et jusqu'à l'« étrange monstre » qu'est l'illusion comique (1635), son répertoire est remarquablement varié. De la sorte, il agréait au public mondain, désireux de se divertir, aussi bien qu'aux « doctes », plus attentifs au substrat historique et au respect des règles.
 
Corneille, auteur de comédies. La critique et la mise en scène modernes

corneille

« d'avocat (1622).

Son père le pourvoit de deux charges d'avocat du Roi (1628) au siège des Eaux et Forêts et à l'amirauté de Rouen.

Charges modestes, qui font de Corneille un fonctionnaire moyen : mais, alné de sa génération, il se trouve ainsi en situation d'accéder à un rang social un peu plus élevé que celui de son père.

Itinérai.re courant à l'époque.

L'entrée dans l'âge mtlr coincide avec l'entrée dans la vie littéraire : en 1629, la troupe de Mondory accepte de jouer sa comédie Mélite.

C'est un succès; dès lors, Cor ­ neille va donner régulièrement des piè­ ces nouvelles, qui reçoive nt toutes un accueil au moins favorable (la Veuve, 1631 ; la Galerie du Palais, 1631-32 ; la Suivante, 1632-33; la Place Royale, 1633-34).

Pour autant, il ne quitte pas son rôle d'avocat provincial : ses succès se jouent à Paris, mais il rés id e toujours à Rouen, où il remplit consciencieuse­ ment ses charges .

On ne sait guère ce qui l'a orienté vers la créa tion littéraire.

li a composé des poèmes dans sa jeu­ nesse, mais qui n'en composait alors? Il a lui-même attribué cette orientatio n à un amour malheureux pour une jeune lille plus riche, que l'on maria avec un autre.

L'éducation reçue chez les jésuites a sa part aussi, qui familiarisait l'él èv e avec la versification latine et avec des piéœs de collège à sujets historiques.

Reste l'essentiel : le. »

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