La dimension initiatique dans Ethiopiques

« E X P 0 S É S F C H E S La Femme initiatrice Dans Éthiopiques comme dans toute la poésie de Senghor, l'initiation se fait grâce à la Femme, médiatrice exemplaire.

Dans « Congo » comme dans « Ted­ dungal »ou« Chaka »,c'est une figure de femme qui guide l'itinéraire de l'initié.

C'est d'elle qu'il attend la fin de ses épreuves(« Congo», p.

102).

Cette présence féminine dans un rituel purement masculin montre que, pour Senghor, la théma­ tique initiatique n'est pas une concession au pittoresque africain, mais une compo­ sante essentielle de son imaginaire et de sa poésie.

Il -ÉTHIOPIQUES COMME LIEU D'UNE AUTRE INITIATION CELLE DE SENGHOR POÈTE Si la thématique initiatique est aussi récurrente dans le recueil, c'est qu'elle ren­ voie à l'expérience poétique vécue par Senghor lui-même dans l'espace des poèmes.

Une initiation poétique On remarque en effet un parallélisme thématique remarquable entre les cinq premiers poèmes du recueil et ceux qui sont consacrés à la Princesse ( « Épîtres à la Princesse » et « La mort de la princesse » ).

Ces deux derniers poèmes, où le «je » a une dimension nettement autobiographique, peuvent aussi être lus comme le récit d'une initiation, poétique celle-là.

«Épîtres à la Princesse » montre combien le départ pour la France a été vécu comme un arrachement pour le jeune Africain, confronté brutalement à un Ailleurs où il manque de repères (pp.

137-138).

Cette rupture initiale avec le monde de l'enfance prend ici une forme radicale: en chan­ geant de continent, le jeune Africain fait l'expérience de !'altérité absolue.

La Prin­ cesse devient alors celle par qui la révélation peut advenir : « Le ciel de ton esprit, le pays haut de ta prestance, la nuit bleue de ton cœur/ Me seront fêtes à la fin de !'Initiation.

Tu es mon univers » (p.

139).

De!' arrachement de!' exil à la révélation dans l'éblouissement final, c'est bien une initiation que le poète a vécue.

Une initiation philosophique Cette initiation n'est pas seulement poétique: elle est aussi philosophique.

En découvrant l'Europe et la Princesse, Senghor fait l'épreuve de la dialectique de l'altérité et de la ressemblance qui fonde sa philosophie et l'amènera à devenir le théoricien d'une civilisation de !'Universel et du métissage : «Car comment vivre sinon dans !'Autre au fil de !'Autre [ ...

]/ Et pourquoi vivre si !'on ne danse !'Autre?» (p.

144).

Mais cette initiation est aussi la découverte d'une vocation: « Ambassadeur du peuple noir » (p.

135), « Barbare rutilant de feux de brousse et de tam-tams» (p.

137), le poète sait désormais quelle place il peut et doit prendre dans sa tribu : « J'ai mémoire de Lanza le Troubadour/ Quand il chantait la geste des Vikings[ ...

]/ Me voici rendu à mon Peuple à mon honneur» (p.

141).

Conclusion : Éthiopiques est donc doublement un recueil à tonalité initiatique.

Il restitue par l'image poétique les valeurs ancestrales constitutives de la négritude, tout en donnant à voir l'itinéraire d'un poète qui découvre sa vocation, donc sa place dans le monde : « J'ai la confiance de mon Peuple.

on m'a nommé !'Itinérant» (p.

135).. »