DIRE LA VÉRITÉ
Publié le 29/03/2015
Extrait du document
Ces considérations valent d'ailleurs surtout pour le XIXe siècle, car le roman aujourd'hui a perdu sa fonction documentaire. Le journaliste s'est substitué à l'auteur de fiction pour dénoncer les dysfonctionnements de la machine sociale. Nous pensons en particulier à ces journalistes qui se déguisent et parfois se griment pour mieux pénétrer un milieu et le connaître de l'intérieur : John Howard Griffin, auteur de Dans la peau d'un Noir (Gallimard-Folio), Gün-ther Wallraff, auteur de Tête de Turc (Le Livre de poche) ou Jean-Luc Porquet, auteur de La Débine (Flammarion, 1988).
«
66 /Fonctions de la littérature .
El
l'extirper et le détruire." Toute la haute et sévère philo
sophie de nos œuvres naturalistes se trouve admirable
ment résumée dans ces quelques lignes.
Nous cherchons
les causes du mal social; nous faisons l'anatomie des
classes et des individus
pour expliquer les détraque
ments qui
se produisent dans la société et dans
l'homme.»
.....
Claude Bernard (1813-1878), auquel Zola se réfère ici,
était un physiologiste, titulaire d'une chaire de médecine
expérimentale au Collège de France, qui découvrit notam
ment la fonction glycogénique du foie.
Il expliqua les prin
cipes fondamentaux de sa méthode dans
L 'Introduction à
/'étude de la médecine expérimentale (1865).
Cet ouvrage
exerça une forte influence sur
Zola qui s'y référa parfois à
l'excès.
Mais, pour le développement qui nous intéresse ici,
l'analogie entre
le travail du savant et celui du romancier est
tout à fait acceptable.
Ils font apparaître les causes du mal
afin
d'en trouver le remède, remède qui pourra être appliqué
par d'autres.
Immédiatement après le passage que nous
venons de citer,
Zola écrit :
«Cela nous oblige souvent à travailler sur des sujets
gâtés, à descendre au milieu des misères et des folies
humaines.
Mais nous apportons des documents néces
saires pour
qu'on puisse, en les connaissant, dominer le
bien et le mal.
Voilà ce que nous avons vu, observé et
expliqué en toute sincérité : maintenant, c'est aux
légis
lateurs à faire naitre le bien et à le développer, à lutter
avec
le mal, pour l'extirper et le détruire.
Aucune
besogne ne saurait donc être plus moralisatrice que la
nôtre puisque c'est
sur elle que la loi doit se baser.
Comme nous voilà loin des tirades
sur la vertu qui
n'engagent personne! Notre vertu n'est plus dans les
mots, mais dans les faits; nous sommes les actifs
ouvriers qui sondons l'édifice, indiquant les poutres
pourries, les crevasses intérieures, les pierres descellées,
tous ces dégâts
qu'on ne voit point du dehors et qui peu
vent entraîner la ruine
du monument entier.
N'est-ce
pas là un travail plus vraiment utile, plus sérieux et plus
digne que de se planter
sur un rocher, une lyre au bras,
et d'encourager les hommes
par une fanfare sonore?».
»
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