Devoir de Philosophie

Une écriture nègre ? Etude lexicale et stylistique - Éthiopiques, Senghor

Publié le 09/08/2014

Extrait du document

senghor

Le rôle du rythme

 

En imposant à la langue d'accueil un rythme africain, Senghor réalise ainsi sur le mode poétique le métissage qu'il théorise ailleurs. Son travail sur le verset dépasse en effet les tentatives de Claudel ou Péguy : support d'une respiration élar­gie, le verset « dépayse « les cadres métriques hérités de la poésie française et transforme la parole poétique en psalmodie. La section VI de « L'absente « (pp. 113-114) ou la section II de « A New York « (pp. 116-117) illustrent cette application à la langue française du rythme africain ancestral. En inventant « le verset émotif «, Senghor assume et revivifie l'héritage poétique français.

senghor

« E X P 0 S É S F C H E S Cet extrait illustre une caractéristique essentielle de cette syntaxe, fondée sur les effets de rupture, ou plus exactement de contrepoint : attaché à restituer « la symétrie asymétrique »qui caractérise la parole nègre, Senghor construit sa phrase sur« des répétitions qui ne se répètent pas».

La construction anaphorique* du pre­ mier et du troisième verset (en phrases nominales) est rompue typographiquement et syntaxiquement par le verset central, qui marque un double décrochage.

De plus, le troisième verset montre à quel point un usage irrégulier de la coordination peut produire une dissymétrie signifiante.

Cette « syntaxe nègre » repose aussi sur un traitement particulier des modes verbaux.

En effet, jouant sur l'homonymie des formes de l'indicatif, du subjonctif et de l'impératif, Senghor produit des énoncés polysémiques: « Nos lianes nagent dans l'onde, nos mains s'ouvrent nénuphars, et chantent les alizés dans nos doigts de filaos »(p.

144).

L'inversion du sujet dans la troisième unité du verset introduit une dissymétrie que Senghor appelle « syncope » et qui rend possible une double modalité du verbe « chantent » (indicatif ou subjonctif), démultipliant ainsi les lec­ tures possibles.

À cela s'ajoute une relative anarchie dans l'ordre de la phrase: les multiples inversions (du sujet, du verbe ou des compléments) font voler en éclats le cadre codifié de la phrase.

Il -l' ANCRAGE DE L'ÉCRITURE DANS LA LANGUE AFRICAINE UN INSTRUMENT POÉTIQUE MÉTISSÉ À la différence de Césaire, qui veut « briser les lois du langage censuré par la grammaire et la sémantique, desserrer les contraintes, rabattre le zèle où se faussa l'école» (entretiens avec Anne Guérin, 1960), Senghor cherche une écriture du métissage, qui fonde en un tout efficace et harmonieux !'oralité africaine et le génie de la langue française.

Oralité et expressivité de l'écriture C'est pourquoi son travail sur la syntaxe tend à donner à la langue française qu'il utilise une oralité et une expressivité qui lui sont étrangères : il use ainsi abondamment de l'invocation, de l'éloge exclamatif et expressif, de l'injonction, de manière à propager dans le langage un perpétuel mouvement, mimétique de celui de la parole.

Le rôle du rythme En imposant à la langue d'accueil un rythme africain, Senghor réalise ainsi sur le mode poétique le métissage qu'il théorise ailleurs.

Son travail sur le verset dépasse en effet les tentatives de Claudel ou Péguy: support d'une respiration élar­ gie, le verset « dépayse » les cadres métriques hérités de la poésie française et transforme la parole poétique en psalmodie.

La section VI de « L'absente » (pp.

113-114) ou la section li de « À New York » (pp.

116-117) illustrent cette application à la langue française du rythme africain ancestral.

En inventant «le verset émotif», Senghor assume et revivifie l'héritage poétique français.

Conclusion: L'écriture de Senghor travaille donc une langue qui s'appuie sur le français canonique appris à l'école, pour mieux en explorer les do­ maines inconnus.

Son écriture est donc« nègre», en ce qu'elle assimile et dépasse le matériau initial pour élaborer une parole-écriture à remodeler sans cesse : « Ma négritude est truelle à la main », écrit Senghor.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles