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Masque et sincérité dans Tartuffe de Molière

Publié le 29/06/2015

Extrait du document

LES DANGERS DU MASQUE

Un deuxième aspect du masque apparaît ici dans les risques qu'il comporte.

Le déguisement pris par Silvia et Dorante pour mettre l'autre à l' épreuve est utilisé pour duper. Dès lors, plusieurs questions sont posées. L'épreuve n'est-elle pas une entreprise perverse destinée à s'assurer une domination sur l'autre, tout en restant soi-même prémuni ? Et, de la sorte, la prise du masque n'aboutit-elle pas à une participation à ce jeu social impitoyable des trompeurs et des trompés que Silvia dénonce dans la première scène du Jeu ?

L'ambiguïté du masque, instrument de pouvoir et instru­ment de liberté, éclate. D'autant que la liberté qu'il donne peut se transformer en aliénation. En effet, en se déguisant, le personnage risque sa propre identité. Il en vient à douter de lui-même comme des autres. Les positions dans la hié­rarchie sociale se trouvant déplacées, il est à la recherche de ses repères.

Ainsi les valets s'étonnent de leur nouveau pouvoir et veu­lent faire durer ce secret qui le leur donne. Silvia et Dorante,

au contraire, se trouvent dans un monde qui leur échappe et où leur autorité n'est plus reconnue. Dès lors, on com­prend que leur déguisement leur pèse, que le jeu devienne cauchemar. D'ailleurs, dès l'acte II, Silvia veut jeter le mas­que. (« C'est que je suis bien lasse de mon personnage «, II, 11.) Dans la scène suivante, c'est Dorante qui se découvre

(II,   12).

L'EXIGENCE DE LA SINCÉRITÉ

Un troisième aspect du masque étroitement lié au précédent peut être dégage : l'expérience du déguisement fait paradoxa­lement ressentir la nécessité d'être sincère. Nous avons plu­sieurs fois souligné cette « obsession « de la sincérité, de la vérité qui donne sens à l'oeuvre de Marivaux. Celui-ci décla­rait 

« Chaque personnage est double : lui-même et cet autre qu'il tente d'imiter.

De surcro~t, il se trouve confronté, dans cha­ que rencontre décisive, avec un personnage que sa dualité rend difficilement déchiffrable.

On comprend par là le titre du Jeu de l'amour et du hasard dans sa traduction allemande : « Mask für Mask »(Masque pour masque).

Chacun est une énigme pour l'autre.

D'autant qu'au masque matérialisé par les déguisements s'ajoute l'écran constitué par le langage lui­ même.

En effet les personnages du Jeu tentent de mystifier ceux qu'ils rencontrent par leur discours.

Pour se faire pas­ ser pour un « Monsieur » aux yeux de Lisette, Arlequin cher­ che à employer le style noble.

Tant que les personnages jouent ainsi un rôle et gardent un secret (le secret de leur identité), la transparence de la communication ne peut être assurée.

En voulant à la fois exprimer ce qu'ils ressentent et cacher qui ils sont, les per­ sonnages finissent par ne plus se comprendre.

Silvia, par de perpétuelles questions, manifeste la difficulté de communi­ quer due à l'opacité du langage : « Qu'on s'explique ? >> «Que veut-on dire?» «Qu'est-ce que cela signifie?» Le langage est donc un second masque qui rend parfois obscurs les sentiments véritables ou les rapports de force qui naissent entre les personnages et il engendre des doutes, des inquiétudes et des malentendus.

CRISE D'IDENTITÉ Le rôle du masque est peut-être précisément de faire nahre des interrogations.

Le masque ne peut être considéré, dans le Jeu, comme une simple « ficelle » du théâtre ou comme une convention de la comédie.

En créant l'ambiguïté, le déguisement invite à la réflexion.

Les personnages qui font l'expérience du déguisement et se risquent ainsi à « jouer l'autre» sont amenés à s'interroger sur leur propre identité, sur celle de leur protagoniste, enfin sur le sens de leur aventure.

Pour cela Marivaux a choisi des personnages jeunes dont l'identité n'est pas totalement fixée.

TI en est ainsi de Silvia qui s'interroge dans la première scène et se demande:. »

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