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Paul Verlaine, « L'enterrement », Poèmes saturniens

Publié le 20/05/2014

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verlaine
Paul Verlaine, « L'enterrement », Poèmes saturniens Je ne sais rien de gai comme un enterrement ! Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille, La cloche, au loin, dans l'air, lançant son svelte trille, Le prêtre en blanc surplis, qui prie allègrement, L'enfant de choeur avec sa voix fraîche de fille, Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement, S'installe le cercueil, le mol éboulement De la terre, édredon du défunt, heureux drille, Tout cela me paraît charmant, en vérité ! Et puis, tout rondelets, sous leur frac écourté, Les croque-morts au nez rougi par les pourboires, Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens, Et puis, coeurs élargis, fronts où flotte une gloire, Les héritiers resplendissants ! L'enterrement est une pièce sombre et d'humeur misanthropique, tirée du recueil « Poèmes saturniens », par Paul Verlaine en 1866, âgé d'une vingtaine d'années à peine, nous plonge, avec un sens concret de la mise en scène, dans le théâtre du monde. Ou plutôt dans l'envers du décor, celui d'une bourgeoisie triomphante sous le règne de Napoléon III : une ruée vers l'or indécente des usuriers, des spéculations boursières honteuses et des prévarications sans scrupules. Dans ce sonnet intitulé « L'Enterrement », où l'on sent nettement l'influence de Baudelaire, il faut prêter l'oeil, comme l'oreille d'ailleurs, au moindre détail. L'artiste déroule devant nous une frise chronologique plutôt macabre, et dans un cadrage plutôt bancal....Dès le premier vers, il y a peu de chances que le lecteur ne s'égare en chemin ! Le cimetière n'est pas un endroit des plus bucoliques, les plaisanteries proverbiales sur les racines de pissenlit n'encouragent pas un enthousiasme ardent... Et pourtant, le trou à peine comblé fait place à une démonstration collective de joie, où même les objets se mêlent de la partie ! Dans un premier temps, nous nous attacherons à étudier de quelle manière Verlaine nous fait voir cette enfilade de protagonistes et d'actions diverses, en montrant que ce poète malicieux s'autorise toutes sortes de remarques ironiques, et ceci sans aucune maladresse visible. Puis, nous mettrons à jour les intentions satiriques de l'auteur qui met en scène ce spectacle féroce de l'hypocrisie humaine. I. La description de la cérémonie religieuse. A. Une galerie de portraits hauts en couleur... Verlaine, la goguenardise en bandoulière, fait feu de tout bois, bien décidé à ne pas s'en laisser compter. L'humour noir sert un feu nourri d'images assez hilarantes et toujours moqueuses. Dans ce sonnet d'une facture somme toute très classique ou convenue, le poète saupoudre tantôt des sarcasmes, tantôt traits humoristiques, pour le moins inconvenants. Une galerie de portraits s'offre à nos yeux éberlués par leur incongruité. Le lecteur s'attendrait, et le titre l'y invite, à voir les proches du défunt prendre le manteau de deuil : les pleureurs de funérailles, la famille rongée par le chagrin, et pourquoi pas une veuve agenouillée, éplorée et sanglotante. Pour les moins désolées, avec au moins la larme à l'oeil. Et bien non. C'est tout le contraire. Des silhouettes assez guillerettes se succèdent, avec une cruelle lenteur, sous nos yeux : un fossoyeur, un ministre du culte, un enfant de choeur... Et puis, pour clore la marche, des employés des pompes funèbres au visage rubicond, passablement avinés. De ceux qui braillent dans les cafés. Le fossoyeur pousse même la chansonnette, avec une voix de croque-mitaine, s'imagine-t-on. Des croque-morts qui sont loin d'être d'une humeur funèbre surgissent tout à trac dans le décor. On entend des voix qui chantent mal, qui déraillent, celle des enfants de choeur en pleine mue adolescente (« L'enfant de choeur avec sa voix fraîche de fille », vers 5). Un bon élan vocal qui fait entendre, comme il se doit à cet âge, des enrouements, comme pour annoncer les poussées pubertaires. Finalement, tout paraît dissoner dans ce poème. Même les rimes détonnent avec le titre qui surplombe le sonnet : une bordée de mots-rimes « brille », « trille », « douillettement », « éboulement », « fille », « drille » entre en dissonance avec le thème de l'inhumation d'un corps, comme pour mieux briser les tabous. Et casser le lyrisme musical des alexandrins. Au débouler, apparaît dans notre champ visuel, un autre personnage : un prêtre, peu nonchalant, qui, à force de débiter fiévreusement des prières à Dieu et à la Vierge, en perdrait son latin ! Visiblement, Verlaine déteste la bigoterie... Surgit alors une escouade de croque-morts ventripotents (« tout rondelets » - vers 10), à la face avinée, assez cossus d'ailleurs puisque leurs poches sont bourrées d'argent («les croque-morts au nez rougi par les pourboires » vers 11). La description est assez réaliste, car sans vouloir forcer le trait, ces employés passaient à l'époque pour de fieffés ivrognes ! Une autre figure de la discordance fait son entrée dans le texte : l'hypallage. Le fait d'attribuer la couleur rubescente des cloisons nasales aux pourboires est doublement comique. Cette gratification financière est remise, étymologiquement, « pour boire »... Dans le même temps, elle n'excuse pas l'ivrognerie. Qui plus est, cette hypallage sert narquoisement à vilipender la funeste tradition du bakchich respectée scrupuleusement par la bourgeoisie des villes. Les bourgeois, par snobisme, veulent montrer qu'ils ont de l'argent, et ceci, en toutes circonstances. Certaines expressions sollicitent l'observation attentive du lectorat. Le surplis blanc ne doit pas prêter à confusion, il est traditionnellement porté sur la soutane. Toujours de couleur blanche. L'expression « le prêtre en blanc surplis » à la fin du premier quatrain est donc pléonastique. En revanche, le fossoyeur tient plus du chanteur d'opéra que de l'employé du cimetière. Les croque-morts, ventripotents « sous leur frac écourté », ne font pas meilleur effet ! Le frac est une tenue de cérémonie en queue de morue. Bien sûr, il n'a pas pas rétréci au lavage. Nos porteurs de cercueil ont sans doute abusé...
verlaine

« Verlaine, la goguenardise en bandoulière, fait feu de tout bois, bien décidé à ne pas s'en laisser compter.

L'humour noir sert un feu nourri d'images assez hilarantes et toujours moqueuses.

Dans ce sonnet d'une facture somme toute très classique ou convenue, le poète saupoudre tantôt des sarcasmes, tantôt traits humoristiques, pour le moins inconvenants. Une galerie de portraits s'offre à nos yeux éberlués par leur incongruité.

Le lecteur s'attendrait, et le titre l'y invite, à voir les proches du défunt prendre le manteau de deuil : les pleureurs de funérailles, la famille rongée par le chagrin, et pourqu oi pas une veuve agenouillée, éplorée et sanglotante.

Pour les moins désolées, avec au moins la larme à l'œil.

Et bien non.

C'est tout le contraire.

Des silhouettes assez guillerettes se succèdent, avec une cruelle lenteur, sous nos yeux : un fossoyeur , un ministre du culte, un enfant de chœur...

Et puis, pour clore la marche, des employés des pompes funèbres au visage rubicond, passablement avinés.

De ceux qui braillent dans les cafés.

Le fossoyeur pousse même la chansonnette, avec une voix de croque -mitaine, s'imagine -t-on.

Des croque -morts qui sont loin d'être d'une humeur funèbre surgissent tout à trac dans le décor.

On entend des voix qui chantent mal, qui déraillent, celle des enfants de chœur en pleine mue adolescente (« L'enfant de chœur avec s a voix fraîche de fille », vers 5).

Un bon élan vocal qui fait entendre, comme il se doit à cet âge, des enrouements, comme pour annoncer les poussées pubertaires.

Finalement, tout paraît dissoner dans ce poème.

Même les rimes détonnent avec le titre q ui surplombe le sonnet : une bordée de mots -rimes « brille », « trille », « douillettement », « éboulement », « fille », « drille » entre en dissonance avec le thème de l'inhumation d'un corps, comme pour mieux briser les tabous.

Et casser le lyrisme musi cal des alexandrins.

Au débouler, apparaît dans notre champ visuel, un autre personnage : un prêtre, peu nonchalant, qui, à force de débiter fiévreusement des prières à Dieu et à la Vierge, en perdrait son latin ! Visiblement, Verlaine déteste la bigote rie...

Surgit alors une escouade de croque -morts ventripotents (« tout rondelets » - vers 10), à la face avinée, assez cossus d'ailleurs puisque leurs poches sont bourrées d'argent (« les croque -morts au nez rougi par les pourboires » - vers 11).

La descri ption est assez réaliste, car sans vouloir forcer le trait, ces employés passaient à l'époque pour de fieffés ivrognes ! Une autre figure de la discordance fait son entrée dans le texte : l'hypallage.

Le fait d'attribuer la couleur rubescente des cloiso ns nasales aux pourboires est doublement comique. Cette gratification financière est remise, étymologiquement, « pour boire »...

Dans le même temps, elle n'excuse pas l'ivrognerie.

Qui plus est, cette hypallage sert narquoisement à vilipender la funeste tradition du bakchich respectée scrupuleusement par la bourgeoisie des villes.

Les bourgeois, par snobisme, veulent montrer qu'ils ont de l'argent, et ceci, en toutes circonstances. Certaines expressions sollicitent l'observation attentive du lectorat.

Le surplis blanc ne doit pas prêter à confusion, il est traditionnellement porté sur la soutane.

Toujours de couleur blanche.

L'expression « le prêtre en blanc surplis » à la fin du p remier quatrain est donc pléonastique.

En revanche, le fossoyeur tient plus du chanteur d'opéra que de l'employé du cimetière.

Les croque -morts, ventripotents « sous leur frac écourté », ne font pas meilleur effet ! Le frac est une tenue de cérémonie en qu eue de morue.

Bien sûr, il n'a pas pas rétréci au lavage.

Nos porteurs de cercueil ont sans doute abusé des galopins de bière ou des chopines de tord -boyaux, ce qui explique pourquoi ils ne rentrent plus dans leur costume de parade.

Leurs bedaines indiqu ent qu'ils sont rassasiés par les collations.

On croirait ces personnages repus et grassouillets tout droit sortis des tableaux flamands de Jérôme Bosch ou de Brueghel ! Avec des nez rouges à l'image des clowns de cirque ou des Augustes de foire ! La clo che n'arrête pas de faire des pirouettes dans son campanile.

Le lecteur qui prend du champ aux premières loges pourrait se convaincre que le clocher se place au milieu de la paroisse.

Et que ses ouailles continuent à aimer fraternellement les hommes. Que nenni ! Au fil du récit se profile une fresque déroutante, se présentent de face ou en silhouette des officiants qui se pavanent comme à la revue.

Et surtout, l'auteur ramène la descripti on à des. »

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