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Platon, Phédon, 84e-85b, trad. M. Dixsaut, GF-Flammarion.

Publié le 19/03/2015

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platon

Le chant du cygne

Les cygnes, dès qu'ils sentent qu'il leur faut mourir, le chant qu'ils chantaient déjà auparavant, ils le chantent alors de façon plus fréquente et plus éclatante, tout à la joie d'aller retrouver le dieu qu'ils servent. Mais les humains, à cause de la peur qu'ils ont de la mort, calomnient même les cygnes, disant : « ils se lamentent sur leur mort, c'est la douleur qui inspire leur dernier chant « ; sans réfléchir qu'aucun oiseau ne chante quand il a faim, quand il a froid, quand il souffre d'une peine quelconque, pas même le rossignol, ni l'hirondelle, ni la huppe, eux dont le chant serait, à ce qu'on raconte, une lamentation inspirée par la souffrance. Mais, pour moi, il me paraît que ce n'est pas la souffrance qui les fait chanter, ni eux, ni les cygnes qui sont, que je sache, les oiseaux d'Apollon et possèdent donc le don de la divination : c'est la prescience des biens qu'ils trouveront chez Hadès qui les fait chanter et se réjouir ce jour-là bien plus que jamais auparavant. Or j'estime juste­ment que je partage avec les cygnes la même servitude et que je suis consacré au même dieu...

 

Platon, Phédon, 84e-85b, trad. M. Dixsaut, GF-Flammarion.

platon

« 90 Le temps de vivre sible: quelque chose comme une mise à l'épreuve qui confir­ mera, ou invalidera le sens d'une vie.

La mort qui menace et surviendra en fixe la direction pour toujours : une telle orien­ tation se révèle enfin.

C'est alors que toute action se charge de son propre sens, dans cette gravité qui fait qu'elle semble répondre de l'être tout entier et en exprimer la nature pro­ fonde.

Le chant du cygne se comprend d'abord comme l'œuvre ultime et le sommet d'une existence.

Le cygne habitué à chanter le fait de façon plus belle encore, plus tragique peut­ être, lorsque la mort s'annonce.

Comme Molière, jouant si bien son dernier rôle avant de mourir sur la scène.

Comme Mozart, composant le Requiem avant de disparaître.

La légende raconte que le musicien Cycnos, roi des Ligures, fut métamorphosé en cygne à la fin de sa vie.

Le cygne est l'oiseau d'Apollon, dieu mâle de la beauté, de la musique, et de l'excellence éthique.

Mais aussi dieu de la prophétie comme de la lumière (Phoebos, « le brillant »).

L'homme musi­ cien, ou philosophe, devenu cygne, est dévolu au dieu, dont il honore la grandeur.

Le chant du cygne n'est pas de douleur, mais de confiance, dès lors qu'avec la mort se brisent les limites qui séparent encore du dieu honoré.

Hadès, outre-tombe, figure un idéal vers lequel se tend la vie, dans son effort pour s'affranchir de tout ce qui entrave sa réalisation accomplie.

La philosophie est ainsi comme la musique et tout art des muses.

Allégorie de l'idéal, ou de l'exi­ gence qui transcende le donné, pour mieux l'élever par cette distance à soi qu'esquisse l'aspiration à l'absolu.

Musicien, poète, ou philosophe, en leur inspiration respective, sont ainsi porteurs d'une exigence qui fait de l'au-delà un horizon, mais aussi une source.

Les voici instituteurs de l'humanité.

Socrate a choisi.

Sa vie sera de recherche du vrai et du juste, quoi qu'il lui en coûte.

Une exigence désormais lui donne sens.

Ne pas transiger avec les titres du vrai, c'est d'abord récuser les prétentions du vraisemblable et du faux, du sédui­ sant qui trompe, du facile qui arrange et conforte.

Le juste n'est pas non plus ce qui plait dans le moment, ni ce qui va dans le sens des intérêts immédiats.

Ainsi, la vie se place dans l'horizon d'une double recherche.

Et se heurte, comme par nécessité, à tout ce que dérange une telle résolution.

Socrate est insupportable aux sophistes, aux rhéteurs, à tous les illusionnistes.

Insupportable peut-être aussi à lui-même,. »

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