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Quel sens, appliqué à La Bruyère, le mot « moraliste » revêt-il ?

Publié le 14/08/2014

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II est traditionnel de dire de La Bruyère qu'il est un moraliste. Or, cette notion ne va pas de soi. D'une part, il faut savoir ce que recouvre exactement ce terme ; d'autre part, il faut comprendre en quoi La Bruyère enrichit la notion.

« Décrire et conseiller Le moraliste n'est pas dupe de son pouvoir.

Il sait qu'il n'a guère d'autorité et qu'il ne peut que conseiller.

Faire « renoncer fermement » aux travers du monde (DC, 98) est une autre histoire.

Au début de son Discours sur Théophraste, La Bruyère réduit même sa tâche à la description : « Je me renferme seulement dans cette science qui décrit les mœurs, qui examine les hommes et qui développe leurs caractères ».

Cependant, sa description n'aboutit pas à une sèche typologie.

Tournant le dos aux systèmes, il aime entrer dans le détail pour décrire des être à mi-chemin entre individu et type.

Enfin, il tend aux hommes un miroir pour qu'ils puissent se connaître eux-mêmes, et s'il glisse des conseils, c'est sans insister (DC, 33).

Mondanité et vie solitaire L' Antiquité établissait une distinction entre action et contemplation.

Au XVII" siècle, cette distinction se traduit par le choix entre vie en société ou retraite (DC, 101).

Le moraliste du temps s'intéresse moins aux problèmes politiques qu'aux salons, et si La Bruyère évoque la possibilité de la retraite (DC, 101 ), il sait néanmoins que ses interlocuteurs sont dans le monde.

Lui-même est séduit par les apparences qu'il dénonce (voir sa vision idyllique de la noblesse et de la magistrature dans DG, 40).

Il se fait donc le théoricien de la tactique à adopter pour ne pas « courir où les autres courent » (DC, 22), pour retrouver, dans le cadre de la cour, une certaine paix intérieure qui passe par le renoncement à l'ambition (DC, 98).

Ill.

Réflexion morale et rhétorique Variation sur des lieux communs L'idée centrale du moraliste est que« tout est dit[ ...

] depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent» (ainsi débutent Les Caractères).

Le moraliste classique a con­ science qu'il ne peut pas être original.

Il puise donc dans les lieux communs existants.

Mais, au lieu de considérer cette masse de lieux communs comme un obstacle, il l'exploite et se spécialise dans la variation.

Ainsi il arrive souvent que plusieurs remarques se suivent et qu'elles traitent, de manière différente, un même thème.

Variations autour d'une écriture Le moraliste dégage de son observation une réalité réordonnée par son esprit.

On a accusé La Bruyère d'ignorer l'art de la composition et pour cette raison d'avoir choisi d'écrire par remarques.

En fait, le désordre des remarques est un désordre voulu, qui refuse de sim­ plifier le monde par une trop grande régularité de la composition.

La Bruyère valorise extrême­ ment l'écriture, donne un tour piquant à ce qu'il dit, manifeste un goût pour le jeu qui se traduit par la tendance à la parodie.

Il transforme les hommes en fantoches (DG, 32).

Le paradoxe de l'écriture du moraliste, c'est qu'elle oscille sans cesse entre la sentence défini­ tive et la réflexion fugace d'inspiration mondaine.

Ainsi, être moraliste, c'est se donner la tâche élevée de réformer les hommes, en exclu­ ant aussi bien la théologie que la politique, à travers une écriture qui, loin du traité, soit capa­ ble de divertir et de plaire.. »

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