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Le roman réaliste - Histoire de la littérature

Publié le 25/01/2018

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histoire

du premier lit, maltraité par son père et sa belle-mère, qui s'enfuit de chez lui, vit avec des bohémiens, s'engage contre les Espagnols, se distingue à la guerre et entre au service de Richelieu comme agent secret; au moment de la Fronde, il est d'abord du parti des princes, puis revient au parti du roi, est utilisé par Mazarin avec lequel il s'entend mal; avant sa retraite définitive, nécessitée par son âge et son état de santé, il se tient de plus en plus à l'écart de la vie publique et n'est plus que l'acteur ou le témoin de diverses historiettes, procès, vols, querelles de voisinage, événements familiaux. La première partie de son histoire est donc celle d'un individu parti de rien et acquérant à force de courage et d'énergie une situation éminente; la seconde prend l'allure d'un témoignage historique où les actions de premier plan et les événements publics éclipsent le narrateur et sa vie personnelle; la troisième est décousue, l'intérêt se disperse et le roman devient un recueil d'anecdotes. D'Artagnan est connu parce qu'A. Dumas a utilisé ses prétendus Mémoires pour écrire son roman des Trois Mousquetaires : petit gentilhomme de Béarn, il va se mettre à Paris sous la protection d'un compatriote aussi pauvre que lui à ses débuts et qui avait fait une grande fortune à la cour, le comte de Tréville; il mène alors simultanément une carrière militaire, des missions d'agent secret en Angleterre et à Bordeaux, des intrigues galantes et des affaires d'honneur. Sa vie est un tissu d'aventures pittoresques et mouve­mentées plus que vraisemblables bien qu'une très grande partie en soit authentique; l'auteur ne se soucie guère de mettre une leçon dans tant d'événements et d'Artagnan meurt en 1673 devant Maestricht sans avoir pu faire le bilan de sa riche expérience ni dire au lecteur à quelle philosophie de la vie elle l'avait mené. Quand on isole du contexte historique les épisodes personnels à d'Artagnan, comme ont fait quelques éditeurs modernes, on transforme ses Mémoires en une espèce de roman comique très inférieur à ceux de Sorel ou de Scarron : ils ont moins pour but de raconter la vie d'un homme que de témoigner sur une époque; c'est dans le cadre de cette époq1,1e que l'existence personnelle du héros a son sens. Les titres complets en font la preuve, en annonçant des << particularités remarquables ~> ou << quantité de choses particulières et secrètes 1>; ainsi celui du troisième roman : Mémoires de Mr. de B ... , Secrétaire de Mr L[e] C[ardinal] D[e] R[ichelieu], dans lesquels on y découvre la plus fine politique et les affaires les plus secretes, qui se sont passées du régne de Loüis le Juste, sous le Ministere de ce grand Cardinal; et l'on y en voit quelqu'autres de curieuses et de singulieres sous celui de Loüis le Grand. Courtilz ne tient pas toutes ses promesses, son récit ne dépasse pas l'année 1637. Mr. de Bouy est un orphelin; tout ce qu'il sait de son origine, c'est qu'il est noble, et probablement de noblesse distinguée; mais élevé par la charité d'un bénéficier, il doit interrompre ses études quand celui-ci meurt, et se faire charpentier; il épouse une femme laide et sans nom, mais dotée et, ce qui vaut encore mieux, affectueuse; il cherche vainement à retrouver sa famille en allant travailler de château en château, s'enrichit au service d'une corsaire barbaresque, songe à s'installer comme marchand dans quelque port de l'océan, quand sa situation se transforme soudain : il lui est révélé que sa femme est la fille d'un Président de Paris; le père la reconnaît, la fait venir à Paris, procure au gendre un emploi de sous-secrétaire du Cardinal-ministre. A partir de là, encore plus nettement que dans l'histoire de M.L.C.D.R., la politique, haute ou basse, passe au premier plan; le narrateur n'est plus qu'un instrument, parfois une victime, des entre­prises de son chef suprême; il finit même par ne plus jouer aucun rôle, sauf celui

2. La confusion, consciente ou inconsciente, du vrai et du faux est la consé-quence de la ‘ crise s intellectuelle et morale diagnostiquée par P. Hazard. Le roman s'en ressent plus que tout autre genre littéraire, parce qu'il n'est pas codifié par des règles et n'a pas pour but d'être fidèle à un idéal esthétique, mais de figurer une réalité et des sentiments vécus. A l'aube du xvn:re siècle en France, il est difficile à un écrivain, à un individu cultivé plus généralement, do faire coïncider son expérience et l'image du monde qu'il a reçue de son éducation; les moyens de pensée et d'expression hérités ne lui paraissent plus les moyens suffisants de penser et d'exprimer le vrai; ils ne lui ouvrent plus une perspective d'où il voie tout çt d'où tout soit à sa place. Il s'est alors passé quelque chose d'analogue à ce qui s'est passé de nos jours, où aucun individu ne peut plus donner une signification générale à son contact avec l'existence. Mais de nos jours le roman en est mort, alors qu'au début du xvn:re siècle il a été métamorphosé par une seconde naissance. Nos romanciers actuels, qui savent que leur expérience est fragmentaire, incohérente, confondent eux aussi le faux et le vrai, le subjectif et l'objectif; s'ils proposent une vérité générale, c'est celle de l'absence de vérité, à moins qu'ils n'identifient la vérité avec leurs phantasmes. Il ne saurait exister de roman de l'inorganique. Au contraire, dans les années dont nous parlons, l'inorganique est provisoire : l'expérience qui décentre la perspective et fait craquer les cadres de la connaissance est l'expérience d'une richesse et d'une ressource débordantes, non d'une impuissance; ceux qui l'éprouvent ne se sentent pas dépossédés, mais investis de l'avenir; à la période de scepticisme, d'indétermination, succédera une période de prospection et d'organisation qui commence dès 1715 avec Gil Bias et se continuera jusqu'au second tiers du xxxe siècle.

de cette liaison n'est pas la première venue, mais elle exclut les coïncidences invraisemblables et les aventures extraordinaires; comme les romanciers burlesques ou parodistes qui l'ont précédé, Chasles attire quelquefois l'attention sur la diffé­rence de nature entre son œuvre et les romans romanesques, dans les rares cas où l'on pourrait s'y tromper: car si Chasles a repris à son compte quelques artifices bien éprouvés de l'exposé ou de l'intrigue, récits dans le récit, conversations surprises, lettre perdue, déguisements, ils semblent naturels et s'accordent au caractère passionné et hardi des personnages 1Aux romanciers qui se prétendent historiens authentiques, Chasles s'oppose en déclarant qu'il a « fait exprès des fautes d'anachronisme s, brouillé les lieux, changé les noms, et même qu'il ignore qui sont ses héros et ses héroïnes, bien que ce dernier point soit difficile à croire et contredise ses autres déclarations; peut-être est-èe de sa part un calcul habile : les pseudo-historiens affirment ne dire que l'exacte vérité, Chasles affirme qu'il la déguise; bien loin de la mettre en doute, son lecteur ne cherchera plus qu'à la découvrir; mais peut-être est-il sincère et a-t-il compris qu'un romancier n'est pas un gazetier : les histoires qu'il raconte ont leur source dans la vie; livrées telles quelles au public, elles n'auraient qu'un intérêt de curiosité; une portée générale leur est conférée par une mise en forme qui ne trahit pas leur vérité; ce que Chasles propose à ses lecteurs n'est ni une déformation caricaturale, ni une révélation scandaleuse, mais une image exemplaire du réel.

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« mais quand il fait une opération d'alchimie ou de nécromancie, c'est avec des appareils de prestidigitation ou de physique amusante; il nous donne ainsi à admirer d'un côté sa science mystique, de l'autre son talent mystificateur : encore ses mystifications mêmes sont-elles très improbables, personne n'ayant à cette date le moyen de réaliser les expériences qu'il décrit 1• 2.

La conf usion, consciente ou inconsciente, du vrai et du faux est la consé­ quence de la « crise » intellectuelle et morale diagnostiquée par P.

Hazard.

Le roman s'en ressent plus que tout autre genre littéraire, parce qu'il n'est pas codifié par des règles et n'a pas pour but d'être fidèle à un idéal esthétique, mais de figurer une réalité et des sentiments vécus.

A l'aube du xvn:re siècle en France, il est difficile à un écrivain, à un individu cultivé plus généralement, do faire coïncider son expérience et l'image du monde qu'il a reçue de son éducation ; les moyens de pensée et d'expression hérités ne lui paraissent plus les moyens suffisants de penser et d'exprimer le vrai ; ils ne lui ouvrent plus une perspective d'où il voie tout çt d'où tout soit à sa place.

Il s'est alors passé quelque chose d'analogue à ce qui s'est passé de nos jours, où aucun individu ne peut plus donner une signification générale à son contact avec l'existen ce.

Mais de nos jours le roman en est mort, alors qu'au début du xvn:re siècle il a été métam orphosé par une seconde naissance.

Nos romanciers actuels, qui savent que leur expérience est fr agmentaire, incohérente, confondent eux aussi le faux et le vrai, le subjectif et l'obj ectif; s'ils proposent une vérité générale, c'est celle de l'absence de vérité , à moins qu'ils n'identifient la vérité avec leurs phantasmes.

Il ne saurait exister de roman de l'inorganique.

Au contraire, dans les années dont nous parlons, l'inorganique est provisoire : l'expérience qui décentre la perspective et fait craquer les cadres de la connaissance est l'expérience d'une richesse et d'une ressource débordantes, non d'une impuissance ; ceux qui l'éprouvent ne se sentent pas dépossédés, mais investis de l'avenir ; à la période de scepticisme, d'indétermination, succédera une période de prospection et d'organisation qui commence dès 1715 avec Gil Bias et se continuera jusqu'au second tiers du xxxe siècle.

3· Les problèmes qu'affrontent la plupart des héros sont des problèmes d'action et non de sentiment; le roman raconte comment un individu s'est fait une place dans le monde, a gagné de l'argent, des protecteur s, a déconfit ses ennemis, a perdu ou gagné des procès, ou a été ruiné, a cherché une situation de ville en ville, a commis des crimes ou des fautes qui lui ont valu la pri son ; les atten tats, les déguisements, les voyages, les rencontres ne sont plus seulement la trame merveilleuse d'une fiction romanesque, ils sont les accidents quotidiens d'une existence agitée, les « aventures >> qu'évoquent de très nombreux titres de romans .

Aventures d'aventuriers, pressés par la nécessité, par l'intérêt, quelque­ fo is par un grain de folie, et non plus aventures de chevaliers errants ou de héros 1.

Prévost, qui montrera lui aussi un « opérateur "• le Signor Miracoloso Florisonti, dans les Mémoires et Avantures d'un Homme de Qualité, laissera de même le lecteur hésiter entre une explication naturelle et une explication occulte.

Mais Prévost, grand artiste et âme inquiète, voudra cette ambiguït é.

Olivier et les romanciers de sa catégorie ne se sont pas interrogés sur les rapports du naturel et du surnaturel.. »

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