On a souvent défini le drame romantique comme un théâtre anti-classique. Qu'en pensez-vous ?

« DISSERTATIONS LITTÉRAIRES tableaux est présent aussi bien chez Hugo que chez Vigny, Musset, Dumas ou Ros­ tand.

La traditionnelle structure en cinq actes est commune à plusieurs œuvres.

Des héros dignes de leurs ancêtres Les héros du drame romantique n'ont rien à envier à leurs ancêtres classiques.

Eux aussi connaissent les tourments de la passion, les dilemmes, la grandeur et la misère de l'homme, ses espoirs et ses désillusions.

L'ambiguïté de Néron, la faiblesse de Bri­ tannicus, la noblesse de Rodrigue ou l'égarement de Phèdre se retrouvent dans les grands rôles du drame (Lorenzo, Ruy Blas, Chatterton, Hernani, Kean ...

).

L'émotion tragique et le pathétique De même, l'émotion tragique et le pathétique sont présents dans les drames qui ont sans doute le tort de trop les accentuer parfois.

Le pathétique de Marion Delorme, celui d' Hernani, de Ruy Blas ou de Chatterton met en relief un tragique peut-être trop apparent.

Mais le destin des héros romantiques est aussi sombre que celui des héros de la tragédie classique : solitude, échec, suicide, meurtre.

Ill -UNE AUTRE ESTHÉTIQUE Aristote et Shakespeare Les dramaturges romantiques ne méconnaissent pas les mérites de la tragédie classique, inspirée des préceptes de la Poétique d'Aristote.

Il en contestent l'appli­ cation aveugle et sclérosante.

Aux modèles de I 'Antiquité, aux héros de la tragédie classique, ils préfèrent ceux qu'a créés Shakespeare.

Mais si Hamlet leur paraît plus proche de ce qu'ils ont à exprimer, Hugo, Vigny ou Musset mettent en scène des héros qui empruntent autant aux tragiques grecs qu'à Shakespeare.

Le peuple avant la cour L'esthétique classique était tournée vers la cour, la grande règle étant de plaire aux « honnêtes gens ».

Le drame romantique, en particulier chez Hugo, mais aussi chez Dumas, vise un public beaucoup plus élargi.

Il vise même le peuple pour lui proposer un spectacle édifiant qui renonce aux facilités du mélodrame comme à la trop grande abstraction de la tragédie classique.

Il adopte souvent la prose (Vigny, Musset, Dumas), sans pour autant renoncer au vers (Hugo).

Un nouveau souffle Le drame romantique a constamment cherché à tendre vers le réalisme sans pour autant renoncer à l'expression des idéaux (Ruy Blas, Chatterton, Lorenzaccio en sont des illustrations).

Il a voulu traduire la nature des êtres et des choses, au risque de tomber dans l'artifice ou le mauvais goût.

Il a surtout cherché à représenter la vie dans sa force et dans sa totalité.

Ainsi le drame romantique est animé d'un souffle et d'une dynamique propres.

C'est en effet le mouvement et le verbe (la parole) qui animent Hernani, Ruy Blas, Chatterton, Kean ou Lorenzaccio.

Conclusion: Réduire le drame romantique à un théâtre anti-classique, c'est en donner une vision presque caricaturale, car s'il est un théâtre du refus, voire de la provocation, il est aussi un théâtre structuré qui obéit à une esthé­ tique et participe d'une réflexion sur le genre dramatique et son esthétique.

En ce sens, le drame romantique est un théâtre de recherche, de libération et d'invention, ce que fut au départ le théâtre classique.

LEDRAMEROMANTIQUE~. »