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LA VENGEANCE DE TRISTAN - Tristan et Yseut de Béroul

Publié le 15/09/2018

Extrait du document

meurtre sans autre forme de procès de deux des traîtres. Godoïne est tué par Tristan alors qu'il épie les amants, et donc se trouve, effectivement, dans un rapport d'agression par rapport à eux. Mais Denoalain, quelles que soient ses (mauvaises) intentions, est mis à mort par le héros alors qu'il se consacre à l'activité chevaleresque par excellence, la chasse. Il chasse le sanglier, et c'est lui qui devient la proie du « chasseur >> expert qu'est Tristan ; symétrie qui rappelle tous les rêves prémonitoires où l'ennemi du couple courtois est incarné par une bête féroce, sanglier ou taureau sauvage.

 

La ressemblance du félon avec le fauve ou le monstre ne s'arrête pas là : Tristan ne se satisfait pas de l'avoir tué, il lui coupe la tête et l'emporte avec lui, comme la langue d'un vulgaire dragon, afin qu'elle atteste sa prouesse... aux yeux d'Yseut, la reine courtoise... Et que dire de la sauvagerie avec laquelle Yseut, apercevant avant son ami la tête du traître, requiert le plus tranquillement du monde que Tristan bande son arc pour mettre à mort Godoine ? Le scénario de la Blanche Lande est rejeté dans les limbes romanesques : la scène est en Irlande, de nouveau, et le prix qu'il faut payer pour conquérir la dame est la vie d'un monstre, ou d'un géant, ou des deux.

 

Ainsi, le texte de Béroul s'interrompt sur une liquidation qui est un retour du refoulé, le retour de la violence et de la sauvagerie présentes dans les « versions >> celtiques du mythe. Dans la mesure où il n'y a d'autre fin possible à la légende des amants de Cornouailles que la mort, telle que l'orchestre Thomas d'Angleterre, ce n'est peut-être pas un hasard si l'unique manuscrit de Béroul s'arrête là, sur cette scène emblématique : une rencontre clandestine des amants, Tristan mettant à mort pour l'amour d'Yseut ceux qui tentent de s'opposer à leur passion.

« de Godo"ine ; avoir le temps de demander un prêtre pour se confesser.

Le fragment s'arrête au milieu d'un couplet, et c'est aussi la tel que nous l'avons conservé.

COMMENTAIRE L' éternel retour Il est évident que cet épisode, qui repend certaines situations et même certains vers de séquences antérieures (le Rende z-vous épié, par exem­ ple, ou la Loge de feuillages) a pour fonction de clore le cycle tout en en assurant l'éternel recommencement :il n'y a pas de raison que les choses changent, et en un sens le roman de Thomas, qui précipite le lecteur in medias res dans un cadre nouveau où les cho ses ont, en apparence, changé, trahit l'essence même du mythe.

En dépit des péripéties variées qui auraient dû réduire les effectifs des traîtres, ceux-ci se retrouvent intacts, aussi prêts à nuire aux amants qu'à l'ouverture du roman, comme si rien d'irré parable, rien d'irréver­ sible n'avait eu lieu .

Et de fait, cette pérennité des« méchants >>sou­ ligne celle, à peine moins incroyable, de la situation initiale : apr ès le flagrant délit, la condam nation à mort, la fuite et l'exil de trois ans dans la forêt, après la réconci liation et la justification de la reine, Tristan et Yseut se retrouvent exactement au même point: le noyau dur de la légende, cette succession de rendez-vous secrets où s'échangent les plai ntes lyriques d'amants contrai nts à la séparation, demeure inchangé.

Brutalité du subs trat mythique Lorsque Tristan fait allusion en apercevant l'ombre de Godo1ne aux «t rois félons qui sont en Grande-Bret agne)), on retrouve clairement dans son discours la structure habituelle des« triades celtiques* )), qui constituent une sorte de mémoire de la civilisation comportant aussi bien les trois meilleur es reine s que les trois femmes infidèles, ou les trois plus grands cris qui ont retenti sur le royaume ..

Mais ce dérapage de la parole tristanienne ne fait que confirmer l'im pression d'ensemble laissée par l'épisode :à ce stade du roman, après le triom phe de la courtoisie que constitue d'une certaine manière I' Escondit de la reine en présence du roi Arth ur, le fonds primitif de la légende resurgit avec une sourde violence, qui se mar que par le. »

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