Aimez et faites ce que vous voulez

« LES >"YSTÈJŒS DE >!ORALE 323 Elle était autrement dilatante la prédication de saint AUGUSTIN, qui donnait ce mot d'ordre ama et fac quod vis (1); aime, et fais ce que tu veux, Et cependant on devra bien reconnaître que cette morale élargissante et ouverte de l'amour demande et obtient davanfüge qne ia rontra.ignante et étroite morale du devoir.

L EXPL!CATIO:'i DE L :IL\XDIE.

A.

11 Aimez n, Remarquom:-Je d'abord, saint Aum.oTI:-< nous dit, non pas : «Aimez Dieu, aimez votre prochain, aimez votre devoir d'état "; mais absolument : « Aimez.

'' Il y a une nuance entre " aimer quelqu'un ou quel­ que chose)) et "aimer"· sans complément.

Suivi d'un complément, le verbe aimer a ordinairement un sens faible ou même très faible : c'est ainsi qu'on aime ses occupations coutumières ou un employé ponctuel et docile.

Mais lorsque quelqu'un, pour expliquer l'étrangeté de sa conduite, prononce ce petit mot : « J'aime n, c'est un tout autre sentiment qu'il veut exprimer.

L'amour de quelque chose ou de quelqu'un nous stabilise en quelque sorte en nous-mêmes : 'nous aimons ce qui nous assure une existence tranquille et douillette ou en quoi nous pensons trouver le bonheur; c'est pour nous, en définitive, ce que nous déclarons aimer.

Au contraire, celui qui constate qu'il aime prend conscience de la force qui le porte hors de lui-même, vers un autre : cette sorte d'amour est exta­ tique, au sens étymologique du mot.

Voilà ce que nous suggère cet emploi absolu du verbe aimer.

De ce que saint AuausTIN nous dit absolument : « Aime n, il ne s'ensuit pas qu ïl nous invite soit à rester indéfiniment les bras ouverts sans jamais rien embrasser, soit à les refermer au hasard sur ce qui se présente.

Dans l'impératif. »