Aristote, Politiques, I, 4, 1253b, trad. R Pellegrin, GF-Flammarion.

L'histoire humaine a largement fait passer dans la réalité le songe fulgurant d'Aristote. Les progrès techniques sont là. Dans les usines textiles, les navettes tissent toutes seules. Les esclaves ont-ils disparu ? Question à transposer si l'on consi­dère certaines formes de travail comme un esclavage moderne. La réflexion doit alors s'engager sur la façon dont les sociétés modernes s'approprient le progrès technique et répartissent les gains de productivité qu'il rend possibles. Les enfants du tiers-monde qui travaillent sans hygiène ni loisir pour les mul­tinationales, avec des horaires qui rappellent ceux qui étaient en vigueur au xixe siècle, sont les esclaves modernes. Et les chômeurs n'ont de loisir que par ironie amère : esclaves en un autre sens d'un « marché du travail « qui n'est guère plus ave­nant que les marchés d'esclaves de l'Antiquité.

Les navettes automates

Si donc il était possible à chaque instrument parce qu'il en a reçu l'ordre ou par simple pressentiment de mener à bien son oeuvre propre, comme on le dit des sta­tues de Dédale ou des trépieds d'Héphaïstos qui, selon le poète, entraient d'eux-mêmes (automaton) dans l'assemblée des dieux, si, de même, les navettes tissaient d'elles-mêmes et les plectres jouaient tout seuls de la cithare, alors les ingénieurs n'auraient pas besoin d'exécutants ni les maîtres d'esclaves.

Aristote, Politiques, I, 4, 1253b, trad. R Pellegrin, GF-Flammarion.