Douter de tout est-il permis ?
Publié le 08/08/2014
Extrait du document
« L'incompréhensible, disait Einstein, c'est que le monde soit compréhensible «. Sans aucun doute une tentative de définition de la vérité est-elle très difficile et quasi impossible à établir. En vertu de ce seul échec,
150 on serait tenté de dire en commun accord avec les sceptiques : on peut douter de tout. Mais si l'on ne peut faire confiance ni au sentiment d'évidence, ni à nos sens, si la réussite de la science ne nous semble pas une preuve, si nous ne trouvons qu'une vérité formelle
155 reposant sur des axiomes, une vérité personnelle ou une vérité provisoire, il n'en reste pas moins que le doute cartésien donne ses limites à la philosophie sceptique. Nous ne pouvons pas douter que l'on puisse douter de tout, sauf du fait même que l'on doute.
«
pensée philosophique une pensée mouvante qui ne
s'endort pas dans des certitudes.
Il en fait une pensée
30 qui se retourne sur elle-même, ne se laisse jamais en
paix.
Il en fait une pensée dense où les problèmes s'en
chaînent comme les mots d'une proposition et rebon
dissent comme des cascades.
Il semble bien que
le propre de la philosophie soit de
35 douter de tout.
Les questions en philosophie importent
plus que les réponses.
Mais ce doute porte un danger
en germe :
le philosophe ne risque-t-il pas de délaisser
les questions essentielles et de devenir un « coupeur de
cheveux en quatre».
Est-ce
le cas du sceptique?
40 Est-ce parce qu'ils ont abusé de ce doute, moteur de
la réflexion philosophique, que les sceptiques en sont
arrivés à ce degré
de certitude, ou est-ce l'expérience et
la réflexion qui
les ont conduits à ce doute absolu?
L'analyse de la pensée sceptique nous ferait plutôt
45 pencher en faveur de la seconde réponse et nous inter
dit par là même de prononcer la critique que nous
nous apprêtions à formuler : celle selon laquelle
les
sceptiques auraient déclaré « a priori » qu'il faut douter
de tout pour ensuite le démontrer.
50 En fait, la pensée sceptique a des bases plus solides :
c'est l'expérience qui a appris à Montaigne à douter de
tout, de la même façon qu'elle l'a appris aux premiers
sceptiques.
Ceux-ci étaient en effet de grands voya
geurs : ces philosophes
se sont confrontés avec
55 d'autres philosophes.
Devant les théories contradic
toires qui toutes
se posaient en vérités, ils en ont con
clu que
le réel est changeant et que la vérité est inac
cessible.
Mais ils apportent d'autres preuves, notamment
60 celle de la « régression à l'infini ».
En fait, toute preuve appelle une autre preuve pour
prouver la première preuve et ainsi de suite jusqu'à
l'infini.
Je dois donc remonter jusqu'aux rapports de
l'objet avec l'univers puisque tout est relatif à tout,
65 mais comme je ne connais le tout de rien, cela revient
à dire en fait que je ne connais rien du tout..
»
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