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Le langage poétique

Publié le 13/10/2019

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langage

Ce que suggèrent les deux derniers vers, c'est que les courbes et les rondeurs des seins, comparés à des fleurs, ont une dimension creuse aspirante, tandis que les creux aspirants des mains qui caressent ont une dimension saillante, remplissante. La caresse amoureuse parait contraire à toute logique, aucune prose ne peut la dire puisqu'elle remplit en aspirant et qu'elle aspire en remplissant. Mais ce que la prose est impuissante à traduire est fon bien dépeint par l'insenion de \"rohan\" à la sonorité pleine entre \"manos\" et \"perfumes\" qui évoquent le creux, et par la juxtaposition de \"flores\" et \"redondas\" qui convenit magiquement l'ouvenure de la corolle en épaisseur charnue, sans que cette épaisseur cesse de s'ouvrir et d'aspirer. Ces nuances sont encore précisées par le contraste entre la parenté sonore de \"rohan\" et de \"redondas\" qui offrent une sone de plein à la bouche qui prononce et l'idée de dérober qui est la signification de \"rohan\". Magiquement ce qui se dérobe s'offre et ce qui s'offre se dérobe.

 

Nous sommes, avec cet érotisme, en plein dans l'univers poétique. Les amants ne sont plus objets l'un pour l'autre. Chacun d'eux est compris dans l'unité qu'ils forment à deux. Cette unité englobante ne peut se former elle-même qu'à la condition de se laisser aller à l'univers qui nous comprend. En ouvrant ainsi une dimension où tout peut fusionner, on referme par là-même la dimension du sujet qui domine un monde cohérent offrant une prise à son action et à ses projets de sécurité. Le reflet de cet univers qui nous dépasse n'est évidemment pas donné dans l'étreinte amoureuse; celle-ci lui permet de se dessiner dans ce qui nous dépasse. Ce reflet ne peut prendre forme sous nos yeux et être donné à notre conscience que dans des vers, ceux de Garcia Lorca, par exemple.

la forme possessive : \"welkin's\" et enfin on entend sa chute dans la sonorité \"cheeks\" qui transforme le mot en onomatopée.

 

Mais ces remarques ne rendent pas compte encore de la poésie qui se dégage de l'ensemble. La beauté est dans l'affinité entre les décharges du ciel et la furie de la mer; il n'y a plus des éléments dont la météorologie pourrait expliquer les dérèglements par des mécanismes, il y a une véritable métamorphose de la physionomie de l'univers, métamorphose qui renvoie vaguement à la recherche d'un invariant qui serait le substrat de ces métamorphoses et dont on devine que la tempête révèlerait l'absence : la tempête nous prive de toute prise sur le monde, elle estompe le monde dominé par la conscience, elle nous donne comme un reflet du monde dans lequel nous sommes compris et au gré duquel nous sommes ballotés. Bien entendu, ce n'est pas quand nous sommes pris dans une tempête que nous percevons ce reflet de l'infini qui nous dépasse, c'est dans un poème de Shakespeare que ce reflet peut se dessiner.

 

Voici d'autres vers, espagnols ceux-là, qui rendent particulièrement bien la surdétermination des mots évoquée plus haut dans le texte de J.P. Sartre :

langage

« ne serait-ce que par l'effort de_ �f!éter l'infini dans des ima§es.A partir de là un problème se pose : tout le monde distingue le langage poétique u langage prosaïque, tout le monde reconnatt qu'un abtme les sépare, mais on considère qu'il va de soi que ·' le langage poétique est o1xenu par une sone de perversion du langage prosaïque; il �t poss ible qu'il n'en soit pas !!�-�_que la �-�c;_ �itgy_'une_dégradation à paifir' du .langage poéti�...E!�i �el.

C'est ce que nous allons essayer de montrer - mamtenant.

1.

Langage poétique et langage prosaïque V �yons d'abord ce qui sépare la prose de la poésie.

Sartre a fait tme comparaison de ces deux formes du langàge qui est devenue classique.

Pour lu� ,., art de la prose s'exerce sur le discours, sa mati�re est naturellement signifiante :c'est-à-dire que les mots ne sont pas d'abord des objets, mais des désignations d'objets.

JI ne lagil pas d'abord de savoir s'ils plaisent ou déplaisent en eux-mêmes, mais s'ils indiquent correctement une certaine chose du monde ou une certaine notion.

Ainsi arrive-t-il souvent que nous .

nous trouvions en possession d'une certaine idée qu'on nous a apprise par des paroles, sans nous rappeler un seul des mots qui nous r ont transmise...

(J.P.

Sartre.

Qu'est-ce que la litté ratur e ?, in "Situations Il", p.

71 (N.R.F.).

Ains� dans 1 a prose, le mot est transparent, on ne le voit pas, œ regarde à travers pour saisir ce qui est désigné.

Qu'on dise : "rue", "street", "calle", peu importe, seul l'objet désigné compte.

Il n'en va pas du tout ainsi quand il s'agit de la pœsie.

Ecoutons encore Sartre: "Il (le poète) les considèe (les mots) comme un pi�ge pour attraper une réalilé fuyante ...

Du coup, d'importants changements s'op�rent dans féconomie interne du mot.

Sa sonorilé.

sa longueur.

ses désinences masculines ou féminines, son aspect visuel lui composent un visage de chair qui npnstnû la signifiCation plutôt qu'il ne l'exprime.

Inversement, comme la signifiCation est réalisée, l'aspect physique du mot se refUte en elle et elle fonctionne à son tour comme image d.u corps verbal".

(In Ibid.

p.

66).

Cette fois, on ne regarde pas par transparence à travers les mots, on regarde les mots eux-m êmes, ils deviennent des choses, ont des qualités propres, peuvent se projeter dans les équivalents qui sont dans le monde.

n faut se garder de penser que le mot est simpl emen t un objet sonore et qu'il ne peut rendre que le monde sonore, la poésie ne se réduit pas aux "serpents qui sifflent sur les têtes", c'est que les sons, les couleurs, les odeurs, les saveurs et les impressions tactiles se rejoignent au niveau poétique.

Ce qui importe ce n'est pas la qualité qui est présente, c'est la réaction qu'elle provoque, et deux qualités correspondant à des sens différents peuvent devenir équivalentes par la réaction au niveau de la sensibilité.

A cela, il faut ajouter que le sens qu'avait le mot dans la prose n'a �s disparu, simplement, il n'a plus l'univocité que lui donnait le contexte; toutes les significations du mot viennent se projeter sur la chose qu'il est devenu pour la colorer de mille chatoi ements divers.

Comme les objets du monde des reves qui sont surdéterminés, selon les analyses de Freud, les choses verbales de la poésie sont elles-mêmes et autre chose encore.

Ecoutons une fois encore Sartre : "Et comme le pol te n'utUiu pas le mot, il ne chois il pas entre des acceptions diverses.

et chacune d'elles, au lieu de lui paraitre une fonction autonome, se donne à lui comme une qualité matérielle qui se fond sous ses yeux avec les autres acceptions.

Ainsi réalise-t-il en chaque mot, par le seul effet de l'attitude poétique, les métaphores dont rêvait Picasso lorsqu'il souhaitait faire une boîte d'allume ttes qui fût tout. »

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