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Lecture méthodique: À QUATRE PRISONNIERS (Après leur condamnation) - Les Châtiments, Livre IV, 12 (texte intégral).

Publié le 14/03/2015

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Lecture méthodique

À QUATRE PRISONNIERS (Après leur condamnation)

Mes fils, soyez contents ; l'honneur est où vous êtes. Et vous, mes deux amis, la gloire, ô fiers poètes, Couronne votre nom par l'affront désigné ; Offrez aux juges vils, groupe abject et stupide,

5                  Toi, ta douceur intrépide, Toi, ton sourire indigné.

Devant cette salle où Dieu voit la laideur des âmes, Devant ces froids jurés, choisis pour être infâmes, Ces douze hommes, muets, de leur honte chargés,

10    Ô justice, j'ai cm, justice auguste et sombre,

Voir autour de toi dans l'ombre

Douze sépulcres rangés.

Ils vous ont condamnés, que l'avenir les juge ! Toi, pour avoir crié : la France est le refuge

15         Des vaincus, des proscrits ! — Je t'approuve, mon fils !

Toi, pour avoir, devant la hache qui s'obstine,

Insulté la guillotine,

Et vengé le crucifix !

Les temps sont durs ; c'est bien. Le martyre console.

20         J'admire, ô Vérité, plus que toute auréole,

Plus que le nimbe ardent des saints en oraison,

Plus que les trônes d'or devant qui tout s'efface,

L'ombre que font sur ta face

Les barreaux d'une prison !

25     Quoi que le méchant fasse en sa bassesse noire, L'outrage injuste et vil là-haut se change en gloire. Quand Jésus commençait sa longue passion, Le crachat qu'un bourreau lança sur son front blême

Fit au ciel à l'instant même

30               Une constellation !

Conciergerie. Novembre 1851.

[18/1/1852]

 

Les Châtiments, Livre IV, 12 (texte intégral).

 Hugo donne l'impression d'avoir assisté, avec ce procès, à une parodie de justice. Pour lui, la sentence rendue va totalement à l'encontre de ce qui est juste, de ce qui est équitable. C'est pour­quoi il prend à témoin la vraie justice, à laquelle il veut montrer combien son image est ternie par un procès comme celui-ci. Dans la troisième strophe du poème, la justice est donc apos­trophée : « O justice «, « justice auguste et sombre « (vers 10), « toi « (vers 11). Le poète invite la justice à constater que ce qui s'est passé en son nom dans ce tribunal est en fait un déni de justice : « j'ai cru [...I / Voir autour de toi dans l'ombre / Douze sépulcres rangés « (vers 10-12). La justice, ce principe noble et sacré, a été en quelque sorte enterrée lors de ce procès : « sépulcre « est le terme littéraire désignant le tombeau.

Par le verdict qu'ils ont rendu, les juges ont donc offensé la vraie justice. Ils ont commis un « outrage injuste et vil « (vers 26), non seulement à l'égard des personnes condamnées, mais aussi envers le principe de justice qu'ils prétendent servir. Face à ce triste constat, les victimes, comme le lecteur, sont cependant invités à garder espar.

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« 25 Quoi que le méchant fasse en sa bassesse noire, L'outrage injuste et vil là-haut se change en gloire.

Quand Jésus commençait sa longue passion, Le crachat qu'un bourreau lança sur son front blême Fit au ciel à l'instant même 30 Une constellation! Conciergerie.

Novembre 1851.

[18/111852] Les Châtiments, Livre IV, 12 (texte intégral).

--·INTRODUCTION Situation du poème Daté de novembre 1851, ce poème a été écrit quelques jours avant le coup d'État de Napoléon Ill (2 décembre), et donc avant l'exil de Victor Hugo.

Il s'inscrit dans un contexte politique très particulier.

Depuis décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est prési­ dent de la République.

L'Assemblée législative, élue en 1849, a mis en place une politique réactionnaire, restreignant notam­ ment la liberté de la presse et privant du droit de vote l'électo­ rat pauvre.

Face à ces mesures impopulaires, Louis-Napoléon Bonaparte s'est présenté comme le défenseur des revendica­ tions démocratiques, comptant ainsi entraîner le peuple derrière lui, et permettre au coup d'État de réussir.

Dans ce poème, Hugo ne condamne pas l'action politique du président de la République, dont le pouvoir est encore légi­ time.

Il s'en prend aux mesures réactionnaires qui sont adoptées par l'Assemblée, en particulier aux lois sur la presse qui entraî­ nent des condamnations injustes.

Les « quatre prisonniers » évo­ qués ici sont quatre proches de Hugo qui ont été récemment condamnés pour s'être exprimés trop librement.

Écrit aux der­ nières heures de la Deuxième République, le poème se ressent nettement de cette agonie des valeurs démocratiques.

135. »

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