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Le miel et l'absinthe

Publié le 19/03/2015

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Le miel et l'absinthe

et puis, sur un sujet obscur, je compose des vers si lumineux, imprégnant tout de charme poétique. Encore ce choix n'est-il pas sans raison : quand les médecins veulent donner aux enfants l'absinthe rebutante, auparavant ils enduisent les bords de la coupe d'un miel doux et blond pour que cet âge étourdi, tout au plaisir des lèvres, avale en même temps l'amère gorgée d'absinthe et, loin d'être perdu par cette duperie, se recrée au contraire une bonne santé.

 

Lucrèce, De la nature, I, vers 933-942, trad. J. Kany-Turpin,GF-Flammarion.

« 14 Prologue , Si la philosophie est la médecine de l'âme, comme le dit Epicure, elle se doit d'agir sur la façon de vivre le rapport au monde.

Rien ne peut faire que les choses apparaissent autre­ ment.

Cependant la réflexion peut déjouer l'apparence et lui ôter son pouvoir d'illusion.

La raison n'est pas simple décret, mais travail quotidien d'affranchissement.

Sans nier la pré­ sence sensible, elle s'en délivre pour en changer le sens.

Ni douce ni amère, la pensée restitue le monde à ce qu'il est, indépendamment de la manière dont il touche les hommes, ou dont ceux-ci se l'approprient.

Elle s'affirme en son ordre propre, connaissance d'un autre genre que la connaissance sensible.

Il y a bien une joie de la pel!sée, d'une espèce originale.

Mais elle est difficile d'accès.

A une certaine distance des choses, la chaleur de la vie et des émotions semble s'oublier.

Il faut pourtant cette distance, qui donne au souci de com­ prendre le loisir et le recul qu'il requiert.

Le poète et le philo­ sophe, chacun selon son style, placent la conscience en retrait du spectacle des choses, pour que s'en manifeste la vérité.

Descartes, dont la pensée n'a rien du rationalisme étriqué qu'on lui prête trop souvent, n'oppose nullement poésie et philosophie par la nature du but qu'elles viseraient.

Il les dis­ tingue bien plutôt par la façon dont l'une et l'autre assument le souci de vérité et le rapport au langage que cela implique.

La fulgurance de l'intuition n'a rien d'irrationnel quand sont neutralisés les faux-semblants du vécu.

L'empire du préjugé doit se dissoudre.

L'expression poétique traduit alors une cer­ taine présence du vrai.

C'est que l'imagination poétique n'est pas tributaire des images sensibles qui composent l'expérience ordinaire.

Elle les réinvestit, en délivre le sens des captations ordinaires de la conscience.

Elle les détache pour cela de leurs effets usuels sur une vie hantée par ses attentes et ses craintes, trop prise au piège des apparences immédiates.

Et si la poésie semble atteindre d'emblée une profondeur que la philosophie rejoint à la longue par la seule patience du concept, l'une et l'autre visent la même lumière de vérité.

Lumière étincelante dans l'instant poétique : grâce de ce qui semble s'offrir.

Lumière plus diffuse dans la lente progression de l'étude philoso­ phique : compréhension conquise par le travail théorique.

Descartes le dit lui-même de façon poétique : « De même que l'imagination se sert de figures pour concevoir les corps,. »

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