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Nietzsche, Le Gai Savoir,§ 41, trad. P. Wotling, GF-Flammarion.

Publié le 18/03/2015

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nietzsche

L'éternel retour

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire

solitude et te disait:« Cette vie, telle que tu la vis et l'a vécue, il te faudra la vivre

encore une fois et encore d'innombrables fois. Et elle ne comportera rien de

nouveau ; au contraire, chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque

soupir, et tout ce qu'il y a dans ta vie d'indiciblement petit et grand doit pour toi

revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement - et également

cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et

moi-même. L'éternel sablier de l'existence est sans cesse renversé, et toi avec lui,

poussière des poussières ! « Ne te jetterais-tu pas par terre, en grinçant des dents

et en maudissant le démon qui parla ainsi ? Ou bien as-tu vécu une fois un instant

formidable où tu lui répondrais : «Tu es un dieu et jamais je n'entendis rien de

plus divin ! «

Si cette pensée s'emparait de toi, elle te métamorphoserait, toi, tel que tu es, et,

peut-être, t'écraserait; la question, posée à propos de tout et de chaque chose,

«veux-tu ceci encore une fois et encore d'innombrables fois?«, ferait peser sur

ton agir le poids le plus lourd ! Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la

vie pour ne plus aspirer à rien d'autre qu'à donner son approbation et apposer ce

sceau ultime et éternel ?

Nietzsche, Le Gai Savoir,§ 41,

trad. P. Wotling, GF-Flammarion.

nietzsche

« 86 Le temps de vivre vivre naïve et native, l'affirmation pure de ce qui est, sans arrière-pensée, qui semble se disqualifier.

Et avec elle ce qui fait vouloir vraiment, ce qui donne aux choix le poids de l'éternel.

Ne faut-il pas vouloir toute chose comme si elle devait advenir pour toujours, et situer ainsi la responsabilité à son niveau le plus radical ? C'est peut-être aussi la seule façon de donner valeur et sens aux décisions.

Fiction de l'Eternel retour : fiction pour vivre et lester chaque conduite de sa force propre.

Nietzsche y insiste.

L'être réel ne peut se dire que du devenir, car il n'y a pas d'autre façon de vivre ; et le devenir, c'est l'action elle-même, telle qu'elle se déploie en sa réalité multiple, source de figures différentes.

C'est la richesse de ces différences qui vaut, sans autre horizon que le temps de vivre.

Rien de négatif n'affecte cette richesse, pourvu qu'on l'assume à la fois comme une chance et comme un risque.

La vie est un labyrinthe, dont il n'est nul besoin de s'échap­ per.

Les multiples détours du hasard, semblables aux entrelacs du palais construit par Dédale, sont le lieu même de l'accom­ plissement.

Pourquoi vouloir en sortir ? Ariane a donné son fil à Thésée, qui l'a abandonnée.

C'est un bonheur illusoire que la sortie du labyrinthe existentiel.

Ariane rencontre enfin Dio­ nysos, dieu de la vie sans autre référence qu'elle-même, et leur couple dira l'éternité réconciliée avec le temps.

«Nous avons pour le labyrinthe une curiosité particulière, nous tâchons, pour cela, de faire connaissance de Monsieur le Minotaure dont on raconte des choses si terribles.

Que nous importe votre chemin qui monte, votre corde qui aide à sortir ! Qui aide à parvenir au bonheur et à la vertu ...

Vous voulez nous sauver au moyen de votre corde ? Et nous nous vous supplions de vous pendre avec!» (La Volonté de puissance, § 167).

Le véritable labyrinthe, c'est Dionysos lui-même.

Il invite à y vivre dans l'ivresse native des multiples expériences osées.

Le vrai fil est celui de l'affirmation existentielle.

Et il s'enroule sur lui-même au lieu de conduire vers l'exil.

Que sont les hommes et que sont leurs actions, ombres fur­ tives dont s'absente déjà la lumière? D'éphémères dessins se noient dans les sables.

Chaque moment se resserre, et dispa­ raît bientôt.

Traces courtes, effacées sans retour.

Degré zéro du travail de mémoire.

« Carpe diem » : cueille le jour, vive présence à soi de l'instant qui ne vit que de passer, mais condense en lui la force pure des ferveurs nouvelles.. »

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