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la passion nous eloigne-t-elle de la réalité

Publié le 16/10/2013

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"Que diable allait - il faire à cette galère ?", - la passion de GERONTE pour son argent est si forte qu'il refuse la réalité des faits, qu'il se refuse à la reconnaître (MOLIERE. Les Fourberies de Scapin. II, 7). La passion est cette tendance qui envahit toute la conscience et tout l'être si bien que rien de ce qui la contrarie n'apparaît possible, croyable et, à plus forte raison, réel. Comment ne pas concevoir dès lors que la passion met à distance le passionné de la réalité ? Cependant, la question de GERONTE pour être incongrue dans un moment où il ne faudrait qu'agir, où toutes ses forces devraient tendre à secourir un fils malheureux, pose dans sa passion une question fort juste : comment un homme, même jeune, peut - il s'être laissé berner par un Turc ? et comment un Turc saurait - il ce que représentent cinq cents écus ("Sait - il bien ce que c'est que cinq cents écus")1 ? La passion de GERONTE ne l'éloigne pas de la réalité sociale : demander, comme il le souhaite, l'aide de la justice, réclamer du ravisseur un délai, cela n'est pas aussi sot que veut le faire croire SCAPIN. L'avarice de GERONTE ne l'éloigne que d'une certaine réalité : de l'astuce de SCAPIN. Ainsi, de quelle nature est l'éloignement de la réalité que provoquerait la passion ?    Que la passion éloigne de la réalité, ce thème est une antienne de la tradition philosophique. Par leur origine, par leur but, ou par leur univers qu'elles créent, les passions ne sauraient se déployer dans la réalité. La passion ne peut qu'éloigner de la réalité parce qu'elle procède d'une distorsion d'avec la réalité. En effet, elle provient, selon les Stoïciens, d'un jugement erroné sur la réalité. Rien n'est comme la passion nous le fait croire parce que la réalité de la passion à laquelle la passion croit avoir affaire n'est pas la réalité. Le passionné se trompe de monde : il prend pour la réalité le monde intérieur de ses affects. "Ce qui m'arrive est un grand bien&...

« trompe de monde : il prend pour la réalité le monde intérieur de ses affects.

"Ce qui m'arrive est un grand bien", dira l'homme passionnément épris.

Il oublie que ce monde n'existe nulle part, sinon dans sa sensibilité subrepticement placée dans le monde.

Le passionné élabore une réalité conforme aux jugements qu'il porte sur les faits qui seuls sont réels. La passion éloigne du réel par l'univers quasi féerique qu'elle crée.

Comme l'a décrit STENDHAL, par son analyse de la cristallisation, l'homme passionné d'amour pare l'objet de sa flamme de toutes les vertus, - et particulièrement de vertus effectivement absentes.

La passion est une puissance mystificatrice qui trompe son monde, une puissance fabricatrice d'illusions.

Les yeux ne se dessillent que lorsqu'elle cesse : "Je ne la savais pas ainsi".

Ce cri de la raison retrouvé, SWANN le poussera aussi reconnaissant dans Odette de Crécy une femme, et non plus la créature de son désir.

L'imagination cesse lorsque la possession commence : lorsque la réalité s'impose et que se dissipe l'aspiration à la réalité. La passion éloigne de la réalité par le but qu'elle se propose.

Il existe au fond de toute passion une aspiration à l'infini et une tendance à la répétition.

Le désir se satisfait ; il ne saurait être satisfait.

La passion diffère toujours parce qu'elle exige davantage.

Le joueur ne veut que jouer encore ; l'avare ne veut que davantage d'argent.

La passion n'a pas de cesse parce qu'elle ne peut pas s'achever.

Ce pourquoi il existe une passion amoureuse, - mais non pas une passion de la sexualité.

La sexualité trouve à se satisfaire.

Mais comment apaiser une soif délirante (Phèdre.

244 a, 249 d - 250 a) d'infini ? La passion exprime une tendance de retour et de répétition dans le passé qui ne sont autres que des mouvements de renfermement sur soi. DESCARTES se prend de passion pour des jeunes femmes qui ne sont que des figures masquées de la même petite fille, compagne de ses jeux d'enfance. Cependant, l'exemple du Phèdre incite à réviser cette thèse qui voudrait voir dans l'amour un éloignement de la réalité.

Le délire amoureux est en recherche du vrai monde, de la seule réalité : le monde des Idées.

Ne serait - il pas possible de concevoir la passion comme une recherche de la réalité ?. »

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